Air intérieur : quelles solutions face à une source de pollution mal connue ?

Remise sur le devant de la scène par la crise du COVID-19, la question de la qualité de l’air intérieur est aujourd’hui une préoccupation de santé majeure. Face à cette pollution le plus souvent invisible, les solutions existent. Usages vertueux, matériaux intelligents et technologies de pointe concourent à assainir nos intérieurs.

Un enjeu de santé publique

Selon l’EPA, l’air intérieur est en moyenne 2 à 5 fois plus pollué que l’air extérieur. L’OMS estime que la pollution de l’air intérieur est responsable d’environ 3,8 millions de décès par an. Elle touche principalement les plus pauvres alors que 40% de la population mondiale n’a pas accès à à des combustibles et à des technologies de cuisson propres. Elle concerne également la manière dont les bâtiments sont construits et entretenus. Le syndrome du bâtiment malsain (SBS – Sick Building Syndrome) – qui désigne une pathologie chronique due à la mauvaise qualité de l’air intérieur – pourrait ainsi toucher 30% des bâtiments neufs ou anciens aux Etats-Unis.

Une multitude de paramètres…

Les sources de pollution sont nombreuses et de diverses natures. L’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur (OQAI) identifie trois grandes familles : chimique (composés organiques volatils ou semi-volatils COV et COSV), biologique (virus, bactéries, moisissures, allergènes d’animaux domestiques, d’acariens) ou physique (particules, fibres d’amiante, fibres minérales artificielles, radon, champs électromagnétiques). On distingue également trois sources principales : la pollution extérieure, les constituants du bâtiment (matériaux, revêtements, systèmes de chauffage, meubles, bureautique, etc…) et enfin les activités des occupants (tabagisme, nettoyage, bricolage, hygiène, utilisation d’insecticides).

Mesurer pour mieux traiter

Face à la complexité du problème, la question de la mesure est le point de départ de la majorité des solutions. La start-up hollandaise Clairify a récemment levé 565k€ pour développer son offre de capteurs et d’analyse de données. Airthinx propose toute une gamme de solutions de monitoring de la qualité de l’air intérieur, se connecte avec les solutions de ventilation et intègre même des services prédictifs. La société canadienne HAVEN développe quant à elle un dispositif qui s’installe directement sur la ventilation afin d’automatiser la gestion de la qualité de l’air. Dans le sillage du COVID-19, Phylagen se concentre sur le “microbiome” des espaces de bureau. Chez Urescys, qui a récemment levé 7M$, la solution vient de l’extérieur. La jeune start-up israélienne propose en effet de prédire la pollution intérieure des espaces à partir de données de pollution extérieure et de données météorologiques. Plus ludique, le petit oiseau de Canairi – financé sur Kickstarter – s’affaisse lorsque la concentration de CO2 s’élève pour rappeler d’ouvrir les fenêtres !

Des solutions d’épuration encore peu efficaces

Au-delà de la mesure, les solutions peuvent se résumer en trois grandes familles : la limitation des polluants (achat de produits vertueux, usage modéré de bougies et d’encens, etc…), la ventilation (aération régulière, optimisation HVAC) et l’épuration (technologies plasma, catalyse et photocatalyse, ozonation et ionisation). Ce troisième “pan” de la solution est aujourd’hui le plus expérimental. Les matériaux “puits de polluants” testés par exemple dans la pièce IRINA de l’IMT Lille Douai doivent encore faire la preuve de leur efficacité et de leur innocuité. L’ANSES émettait en 2017 un avis sans équivoque : “les données disponibles ne permettent pas de démontrer l’efficacité et l’innocuité en conditions réelles d’utilisation des dispositifs d’épuration de l’air intérieur reposant sur ces technologies”.

Les promesses de la dépollution biophilique

En 1989, la NASA Clean Air Study testait déjà la capacité de certaines plantes à dépolluer des environnements confinés. Aujourd’hui, les solutions biophiliques sont plus que jamais à l’honneur. A Hong Kong, Bravolinear propose des “Green Walls” connectés capables de combiner 22 espèces de plantes pour une capture optimale des polluants. Le prototype OLUS, imaginé par Louie Duncan, ou la startup italienne Vitesy, qui a récemment levé 2,6M€ pour développer ses pots de fleur connectés, permettent d’imaginer le développement de nouvelles formes de mobilier d’intérieur.

Les collectivités s’emparent du sujet

Devant cette forme de pollution peu traitée jusqu’alors, les encadrements juridiques et administratifs sont encore en création. En France, la surveillance de la qualité de l’air dans certains établissements recevant du public est obligatoire (crèches, écoles, collèges, lycées…). Le député Jean-Luc Fugit a déposé une proposition de loi pour rendre obligatoire un “diagnostic de performance de la qualité de l’air intérieur”, sur le modèle du DPE. L’ANSES a également mené une démarche d’étiquetage obligatoire des matériaux de construction et de décoration en fonction de leurs émissions de COV. Aux Etats-Unis, l’Etat s’engage dans un Clean Air In Buildings Challenge afin d’accompagner les meilleures pratiques. En Corée du Sud, le sujet est pris très au sérieux et le gouvernement met en place un “Plan quinquennal pour la gestion de la qualité de l’air intérieur”, ainsi qu’une “norme de construction pour un habitat sain” qui prévoit l’emploi de matériaux à faible émission, la gestion des débits de ventilation, ou l’usage de matériaux absorbant les COV.

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