Si l’on souhaite limiter la hausse des températures globales à +2°C à l’horizon 2100, 4 600 milliards de dollars devront être dépensés entre 2015 et 2030 pour l’efficacité énergétique des bâtiments. D’après les calculs de l’Agence internationale de l’énergie, cela représente près de 15 % du total des dépenses nécessaires à cet « objectif 2°C ». La raison de ces montants astronomiques tient dans le poids déterminant du bâtiment dans les émissions carbonées imputables aux activités humaines.
Des bâtiments « zéro carbone », un indiscutable impératif écologique
A l’échelle française, 44 % de l’énergie consommée chaque année l’est en effet par les bâtiments. En terme d’émissions carbonées, le bâtiment et ses 120 millions de tonnes annuelles représente le quart du total national, soit à nouveau une proportion supérieure à celle du transport ou de l’industrie. Ces données ont abouti à faire du bâtiment un des piliers des politiques françaises et européennes liées à la transition énergétique, avec la publication dès 2010 d’une première directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments.
Dans le secteur résidentiel, le chauffage est le principal responsable des émissions (85% des émissions de CO2) devant la consommation d’eau chaude, avec des émissions liées pour les deux tiers à la combustion de gaz naturel et pour un tiers au fuel.
Ce que « zéro carbone » veut dire
Pourtant, le cycle carboné complet des bâtiments ne doit pas seulement prendre en compte le fonctionnement du bâtiment (comprenant les consommations ainsi que les déplacements de ses usagers), dont les émissions tendent à se réduire drastiquement pour les bâtiments neufs. Le poids de l’« énergie grise », qui tient compte de l’ensemble du cycle du bâti (de la conception et construction à la démolition en passant par les travaux de réhabilitation et d’entretien en phase d’exploitation), est déterminant.
Ainsi, pour un bâtiment labellisé BBC 2005 (bâtiment à basse consommation énergétique), l’« énergie grise » dépensée pour la construction représente de 30 à 50 ans de la consommation énergétique de ce bâtiment en phase d’exploitation. L’enjeu écologique du bâtiment se concentre ainsi sur la phase de construction, qui reste la plus émettrice y compris pour les bâtiments à haute qualité environnementale (à 60%, selon le référentiel BBCA).
Raisonner la construction, maîtriser l’exploitation
De Paris à New York, de Tokyo à Johannesburg, les maires de 19 métropoles du « C40 », se sont engagés à l’été 2018 sur un objectif ambitieux : tous les nouveaux bâtiments de leurs villes devront être exploités « avec une empreinte carbone nulle » d’ici 2030. L’objectif « zéro carbone » remplace bien souvent la volonté affichée d’une « basse consommation » dans les précédents objectifs des élus en matière énergétique . Les maires devront toutefois agir de concert avec le secteur privé, propriétaires des bâtiments. Mais ces efforts, avant tout portés par des mesures d’optimisation énergétique et par l’essor de sources d’approvisionnement renouvelables, visent surtout à maîtriser la phase exploitation.
Toutefois, comme l’a montré le modèle de l’école « zéro carbone » de Nanterre, maîtrise de l’exploitation et construction raisonnée vont de pair. L’utilisation de matériaux d’origine renouvelable (bois et dérivés) permet de réduire considérablement « l’énergie grise », produite pour plus de la moitié des tonnes de CO2 émises par les matériaux. Mais l’utilisation de matériaux bio-sourcés permet aussi au bâtiment de stocker du carbone : cette séquestration des manières carbonées pendant la durée de vie du bâtiment contribue à compenser les émissions générées au cours de sa construction. Enfin, une démarche « zéro carbone » implique le recours à l’économie circulaire, du réemploi de matériaux et produits lors de la construction à la conception de bâtiments pouvant, avec le temps, changer d’usage ou s’étendre.
La rénovation, le gros chantier du « zéro carbone »
« Dans une passoire énergétique, les émissions en exploitation sont dominantes », prévenait en 2015 le Groupe de travail Réflexion Bâtiment Responsable (RBR) 2020-2050. Inverser la tendance nécessitera un effort de rénovation conséquent, avec des travaux lourds à l’échelle d’un bâtiment permettant de diviser par deux la consommation, ou plus légers, en se concentrant sur les systèmes de chauffage, réduisant ainsi la consommation de 20%.
Priorité politique et règlementée, la rénovation affiche toutefois un retard certain par rapport à l’objectif annoncé, qui devrait conduire à des travaux sur pas moins de 500 000 logements par an dès cette année, et pour atteindre les 700 000 à partir de 2022.
Reste que, sauf à prendre en compte la réutilisation du gros œuvre, un bâtiment, « même très bien rénové, consomme [souvent] davantage qu’un bâtiment neuf », comme le note le Groupe de travail RBR. Réhabilitation ou construction : pour un objectif zéro carbone, il faudra trancher au cas par cas.