Animée par Maxime Trocmé, directeur déploiement R&D chez VINCI, cette conférence été organisée dans le cadre de la troisième édition du festival Building Beyond chez Leonard, en partenariat avec le lab recherche environnement. Rencontre avec un panel exceptionnel d’acteurs engagés en faveur de l’économie circulaire dans la construction.
Etat des lieux des déchets du BTP en France
Le BTP est à l’origine de 70% des déchets en France. Benoit Weibel, responsable développement chez Eurovia, est revenu sur les flux de matériaux en France afin de mettre en lumière cette problématique.
Quelques chiffres des flux de matériaux dans le cas de la déconstruction
- 36 millions de tonnes de matériaux partent en stockage définitif en décharge.
- 51 millions de tonnes sont réemployées directement sur les chantiers.
- 65 millions de tonnes sont recyclées sur des plateformes ou des carrières.
- 32 millions de tonnes sont recyclées dans des carrières et valorisées afin de participer au réaménagement de ces carrières.
- 43 millions de tonnes de matériaux sont stockées dans des installations, recyclées ou perdues dans le cadre de décharges sauvages.
- 227 millions de tonnes représentent le poids total des déchets de déconstruction, soit 3,4 tonnes par an par habitant. 19% de ces déchets viennent des bâtiment et 80% qui viennent des Travaux Publics.
Quelques chiffres des flux de matériaux dans le cas de la construction
- 51 millions de tonnes issues du réemploi.
- 323 millions de tonnes de matériaux naturels qui viennent des carrières.
- 6 millions de tonnes qui proviennent du recyclage de co-produits industriels.
- 65 millions de tonnes issues de carrières ou plateformes de recyclage.
Comme exemple, Benoît Weibel a détaillé le cas des granulats, deuxième ressource la plus consommée par l’homme, essentielle aux activités de travaux publics. Le besoin total en France de granulat est de 445 millions de tonnes (2018) soit 6,7 tonnes par an par habitant. De la matière potentiellement recyclable et valorisable échappe toujours au secteur : 79 millions de tonnes restent stockées ou perdues, et même lorsque des déchets sont d’ores et déjà recyclés ou valorisés (à hauteur de 65% en France), il est nécessaire de prendre en considération le fait qu’ils ne sont pas nécessairement recyclés pour les usages les plus nobles.
Obstacles et défis
Face à un constat quelque peu alarmant, la priorité est à la réduction de la production de déchets. Des initiatives innovantes ont vu le jour pour y parvenir. C’est le cas de la Ressourcerie du BTP, un projet porté par Héloïse de Bokay, intrapreneuse de VINCI accompagnée par Leonard. La Ressourcerie du BTP est une plateforme pour encourager et faciliter le réemploi de matériaux en fin de chantier, tout en intégrant un objectif d’insertion professionnelle. L’initiative d’Héloïse de Bokay porte sur le réemploi des matériaux, composants ou équipements. Ils ont pour vocation d’être utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils ont été conçus. Les principaux défis de ce modèle portent sur l’identification des objets et matériaux à cibler, la rentabilité de la pratique, la garantie de la reprise effective des matériaux destinés au réemploi ainsi que la traçabilité de ces derniers.
Plus généralement, les défis de l’économie circulaire sont de rendre visible et de créer des synergies entre les chaines classiques et les acteurs du territoire, notamment par le biais de nouvelles filières. L’offre est présente, mais la demande manque : il est nécessaire de créer des débouchés dans les projets de construction neuve pour les produits 3R, avec un besoin de changer le regard sur l’acte de construire.
La mise en place de ce modèle économique nécessite de relever de nombreux défis. L’objectif premier, dans le cas de la Ressourcerie du BTP, c’est la requalification des matériaux de réemploi afin de permettre leur réassurance. Des campagnes de chrono-analyses permettront de connaître le coût global du réemploi selon le type de matériau concerné. Il s’agit enfin d’accompagner le développement du marché tant du côté des appels d’offre que du côté des repreneurs.
Mobiliser les acteurs pour mieux les sensibiliser aux pratiques de l’économie circulaire
Afin de fermer la boucle de ce modèle économique, l’économie circulaire requiert la participation et le soutien de l’ensemble des acteurs. Ces défis doivent être surmontés avec l’aide des collectivités. Justine Emringer, cheffe de projet métabolisme urbain de la Plaine Commune a fait part du poids et du rôle des collectivités afin de mobiliser l’ensemble des acteurs du secteur impliqués dans les projets urbains. Les collectivités disposent de trois compétences majeures afin d’orienter le secteur vers l’économie circulaire :
- Impulser les mutations à travers la signature de chartes : la plan d’Action opérationnel de la Plaine Commune a été lancé en 2017 afin d’inciter les acteurs à adopter ce modèle économique en croissance.
- Outiller avec l’aide de plateformes numériques et physiques, des formations et des annuaires acteurs afin d’accompagner les décideurs d’ordres.
- Suivre et accompagner les décideurs afin d’assurer les engagements pris par ces derniers.
L’ensemble des acteurs manifestent un intérêt croissant pour la promotion de la pratique d’économie circulaire dans le secteur de la construction mais il reste un bémol : l’optimisation des matériaux et la recirculation des flux. Selon Myriam Saadé, chargée de recherche à l’Université Gustave Eiffel, les bénéfices environnementaux des principes de l’économie circulaire intégrés à la conception de projets urbains restent à valider. C’est ce qu’elle a questionné au travers du projet PULSE-Paris et plus spécifiquement de la ZAC Saint Vincent de Paul à Paris en intégrant l’économie circulaire dans la méthodologie de l’Analyse de Cycle de Vie des bâtiments. Son retour d’expérience indique que les pratiques de réemploi n’ont que peu d’effets sur l’impact carbone, et donc sur le changement climatique. En revanche, ces pratiques ont un réel impact sur la biodiversité et l’usage des ressources. Quantitative, multi-étapes et multi-critères, l’ACV est un outil performant pour l’évaluation des projets si ses indicateurs sont combinés avec ceux de l’économie circulaire.
Economie circulaire, vecteur de développement
L’économie circulaire a permis d’initier de nouvelles activités et de nouveaux business sur les marchés du BTP.
C’est le cas de la marque économie circulaire d’Eurovia Granulat+, qui produit des granulats en valorisant les déblais inertes de chantiers pour économiser la ressource minérale naturelle . En 2018, Eurovia a confirmé son engagement avec la naissance de MAT’ILD visant à offrir un service supplémentaire aux chantiers de construction qui n’ont pas la possibilité de trier sur site. Cette nouvelle activité, en lien avec les aspirations sociétales, offre des perspectives de développement avantageuses : en moins de deux ans d’existence, le CA de MAT’ILD a atteint 10 millions d’euros avec 45 salariés.
L’économie circulaire dans le BTP, ce sont aussi de nouveaux parcours d’insertion et donc de nouveaux emplois, comme le précise Héloïse de Bokay : AMO pour l’intégration des clauses de réemploi dans les cahiers des charges de construction et de déconstruction, diagnostiqueur de déchets-matériaux-ressources en phase d’appel d’offre, cureur spécialisé en dépose sélective… L’économie circulaire, outre son impact environnemental, serait donc socialement vertueuse : dans le cas de Plaine Commune, où le territoire urbain et dense et en proie aux grands programmes urbains (JO, Grand Paris Express) et où le taux de chômage est l’un des plus élevé de France, prendre le parti de l’économie circulaire c’est assurer la soutenabilité du modèle d’aménagement.
Visionnez les pitches de start-up de l’économie circulaire :