L’arrivée de la 5G a provoqué dans le monde et en France en particulier un débat électrique. Pendant les enchères sur l’attribution des fréquences, les “anti” dénonçaient son impact sur la santé, les progrès d’une société de surveillance, et une lourde facture environnementale. Les “pro” mettaient en avant les nouvelles applications permises par la connectivité, notamment pour les véhicules autonomes ou l’industrie dite “4.0”. Le Président de la République lui-même descendait dans l’arène en comparant les critiques de la 5G à celles qu’opposent les Amish aux usages du monde moderne, tandis que ses adversaires dénonçaient une “course consommatrice”. Bref, le sujet a divisé.
Leonard a voulu revenir sur la question de l’impact énergétique du déploiement de la 5G. Sommes-nous capables d’imaginer des usages pour la 5G qui équilibreraient le bilan environnemental du déploiement des nouvelles infrastructures et de leur consommation énergétique ?
L’impact écologique immédiat de la 5G
Saisi par le Sénat, le Haut Conseil pour le Climat (HCC) vient de publier un rapport intitulé « Maîtriser l’impact carbone de la 5G ». Pour la première fois en France, ce document d’une trentaine de pages présente une étude détaillée sur le sujet. D’ici 2030 en France, l’équivalent CO2 du déploiement de la 5G pourrait s’élever entre 2,7 et 6,7 Mt – à rapprocher des 15 Mt équivalent CO2 attribués au numérique en 2020. Cette augmentation concerne principalement les terminaux, qu’il faudrait renouveler massivement. Selon Hugues Ferreboeuf, directeur du projet « Sobriété numérique » au sein du Think-Tank The Shift Project, une augmentation de 15% de la vente de smartphones est attendue dans les années à venir à cause de la 5G.
Les chiffres sont tout aussi éloquents du côté de l’énergie. Le HCC estime que le déploiement de la 5G génèrera entre 16 et 40 TWh d’ici 2030. Un chiffre qui représente entre 5 et 13% de la consommation d’électricité résidentielle et tertiaire à l’échelle du pays. Dans la ville de Luoyang, au nord-ouest de la Chine, l’opérateur Unicom a dû mettre en sommeil ses antennes relais pendant la nuit pour limiter les consommations…
Pour autant, la 5G est plus économe à usage constant : si une antenne consomme trois fois plus, elle est également en mesure d’accueillir 15 fois plus de trafic grâce aux small cells et aux technologies dites “Massive MIMO” (Multiple-Input Multiple-Output). La hausse de consommation s’explique par ce que l’on appelle le “paradoxe de Jevons” : au fur et à mesure que l’efficacité de l’utilisation d’une ressource augmente, la consommation totale de cette ressource a également tendance à augmenter…
Vers des applications vertueuses : une promesse à tenir
Pour les défenseurs de la 5G, le bilan énergétique de la nouvelle technologie doit tenir compte des usages inédits rendus possibles par la technologie. Les débits augmentés, la latence réduite, et l’augmentation de la densité de terminaux connectables portent en effet de belles promesses. Le World Economic Forum souligne l’apport de la maintenance prédictive, de l’optimisation des smart grids ou de la logistique, de l’éclairage intelligent ou d’un meilleur monitoring des consommations. Cette année de crise sanitaire a également montré qu’une bonne partie des rendez-vous pouvaient être menés à distance. Une analyse de cycle de vie comparant les réunions en visioconférence et les rendez-vous en face à face a ainsi montré que la version numérique représente (dans le pire des cas) 6,7% de la consommation énergétique des rencontres physiques…
Concrètement, les premières applications émergent. Couplé à l’IoT, la 5G permet par exemple une meilleure intégration des réseaux d’énergie. Au sein de son siège autrichien, Siemens a déployé un des premiers projets de microgrid piloté grâce à la 5G. Le réseau sans fil permet ainsi d’adapter la distribution d’énergie à la demande en temps réel. En termes d’automatisation, les applications sont également prometteuses. Grâce à la 5G, Ericsson a automatisé les opérations de la mine suédoise d’Aitik et avance aujourd’hui des économies de carburant de l’ordre de 10%, soit une réduction de 9 400 tonnes de CO2. Dans la construction, la 5G ouvre la voie à la téléopération, qui permettrait de limiter le déplacement des machines et des hommes. Le constructeur coréen Doosan s’est associé à LG pour animer une pelle de 40 tonnes située à 8 500 km de son opérateur. La gestion des réseaux urbains devrait bénéficier de la stabilité de la 5G. Au Royaume-Uni, Northumbrian Water est la première société de gestion d’eau à valoriser la technologie dans la gestion de ses réseaux. Grâce au mapping en réalité augmentée, au Geographic Information Systems (GIS) sans fil et aux applications de monitoring, l’opérateur espère optimiser sa gestion de l’eau. La 5G ouvre par ailleurs des perspectives en termes de surveillance des écosystèmes. Le Finnish Environment Institute s’est associé à Nokia afin d’analyser le développement des très toxiques algues bleu-vert dans la mer Baltique. La 5G permet ici de transmettre en temps réel des images de drones, qui facilitent l’intervention de l’institution…
Vers une 5G responsable ?
Devant les promesses de la 5G, il semble peu raisonnable d’imaginer qu’elle ne continue pas à se déployer. Reste à accompagner son développement dans la direction la plus vertueuse possible. Pour y parvenir, un certain nombre de pistes existent. Les technologies de gestion des pics de consommation ou de refroidissement intelligent permettent ainsi d’économiser d’importantes quantité d’énergie. Avec leur solution 5G Power, China Tower et Huawei affichent des économies de 4 130 kWh d’électricité par site par an. Le partage de réseau présente également de belles promesses. McKinsey explique que le partage des infrastructures “small cells” pourrait permettre de limiter le volume des déploiements et d’économiser dans la même temps près de 40% des coûts ! En somme, s’il n’est pas réaliste d’arrêter la 5G, il est impératif de tendre vers une forme de sobriété dans son exploitation.