Compte-rendu : « Investir durablement dans les océans » (17 mars 2022, Leonard:Paris)

Les océans couvrent 70,8% de la planète. Essentiels à la régulation du climat et à la sauvegarde de la biodiversité, ils sont aujourd’hui menacés par les effets de l’activité humaine. Comment mobiliser décideurs publics, industriels et investisseurs dans la transition vers une économie bleue durable, clé de voûte de la régénération des océans ?

Pour cette table ronde animée par Ludivine Serrière, Program Lead / Innovation Catalyst chez Leonard, quatre experts de l’économie bleue sont intervenus : Catherine Chabaud, députée européenne, ex-déléguée à la mer et au littoral, navigatrice, journaliste et membre du CESE ; Émilie Garcia, responsable climat ESG – direction innovation chez Bpifrance ; Christian Lim, Managing Director, SWEN Capital Partners ; Geneviève Pons, directrice générale et vice-présidente EJD, Europe Jacques Delors.

 

Innover pour régénérer les océans

Sans innovation, pas d’économie bleue durable ! Par chance, les expérimentations se multiplient en la matière : Christian Lim évoque les nanosatellites de la société française Unseenlabs, dont les capteurs de signaux électromagnétiques peuvent géolocaliser les navires ayant éteint leurs balises de positionnement et lutter ainsi contre la pêche illégale. Au niveau européen, Geneviève Pons cite un projet de jumeau numérique de l’océan, réplique de l’océan dont les données visent à mieux documenter des phénomènes tels que l’acidification des océans, la montée du niveau de la mer ou la perte de biodiversité.

Les chantiers sont variés :  comme le rappelle Catherine Chabaud, de nombreuses innovations sont à inventer, par exemple, pour développer des infrastructures à impact positif, contribuant à la régénération des océans. Dès aujourd’hui, les infrastructures en mer doivent apporter des cobénéfices environnementaux et sociaux et permettre la conciliation de différents usages (par exemple la production d’énergie éolienne et la pisciculture soutenable). Le transport maritime, par lequel 90% des marchandises mondiales sont acheminées, devra lui aussi devenir plus durable : pour Émilie Garcia, les solutions en la matière viendront de projets ayant trait aussi bien à l’électrification des ports et à la rénovation des bateaux qu’à l’énergie vélique ou au développement des biocarburants.

 

Le financement, nerf de la guerre

Pour voir le jour, ces projets innovants auront besoin de financements. Or, comme le rappelle Geneviève Pons, les investissements dans l’économie bleue sont encore souvent freinés et redirigés vers des priorités jugées plus urgentes ou rentables. Face à ce défi, les investisseurs publics se mobilisent : en 2021, la Commission européenne a débloqué 700 millions d’euros au soutien de l’économie bleue durable ; en France, la BPI a lancé en 2020 un plan climat soutenu par des dispositifs de financement et d’investissement spécifiques et des fonds dédiés.

Les investisseurs privés ne sont pas en reste. Doté de 95 millions d’euros, le fonds SWEN Blue Ocean, que dirige Christian Lim, investit dans la régénération des océans en soutenant des start-up combinant impact systémique positif et opportunités de marché. Trois domaines sont ciblés : la lutte contre surexploitation et la pollution de l’océan (plastique, agriculture, sonore) ainsi que les solutions au changement climatique. Christian Lim observe un intérêt croissant des investisseurs pour la régénération des océans : investissent ainsi dans le fonds Blue Ocean aussi bien des institutions (BPI, Ifremer) que des banques, assurances, fonds de pension ou grands family offices européens et américains.

 

Starfish 2030, une ambition européenne

Lancée en 2020 par la Commission européenne dans le cadre du Programme Horizon Europe, la Mission Starfish vise à régénérer les écosystèmes marins et aquatiques d’ici 2030 en se concentrant sur cinq axes, qui feront l’objet de « projets phares » : le partage des connaissances à travers l’éducation, la gouvernance, la protection directe de milieux ciblés, la lutte contre les pollutions et l’économie bleue durable.

Dans ce dernier domaine, la mission veut accélérer la décarbonation, avec le lancement, d’ici 2026, d’expérimentations en mer baltique : ferries propulsés à l’hydrogène ou à l’ammoniaque, technologies de réduction des émissions des ports et infrastructures, développement de puits de carbone marins et d’énergies marines renouvelables… Alors que 14 millions de tonnes de plastique finissent chaque année dans les océans, Starfish cherche aussi à prévenir, minimiser, éliminer et remédier aux pollutions qui nuisent à la santé de l’océan, en soutenant la recherche de substituts, la conception circulaire des produits ou encore la réutilisation des déchets. Un test prévu en Méditerranée doit ainsi permettre de mieux surveiller les principaux flux et sources de pollution. Enfin, la transition vers une économie bleue durable ne se fera pas sans une gouvernance améliorée : holistique, systémique et interdépendante, à l’image des océans, elle devra notamment se traduire par la nomination, au sein de la Commission européenne, d’un Vice-Président chargé d’orchestrer les actions dédiées à la santé de l’océan.

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