Les robots apparaissent d’abord comme une solution séduisante pour assister les travailleurs, en particulier pour la réalisation de tâches répétitives, qui doivent être accomplies à grande échelle. Parmi les solutions qui retiennent actuellement le plus l’attention des professionnels, Paco, un robot peintre collaboratif conçu par l’entreprise française Les Companions, pour réaliser des travaux de peinture en intérieur dans les constructions neuves ou rénovées. Ou encore Tomorobo, un robot autonome conçu par l’entreprise japonaise Ken Robotech et introduit en Europe par l’entreprise allemande Baumotor pour effectuer des travaux de fixation d’armatures métalliques.. Sa promesse : 11 000 nœuds réalisés par jour au lieu de 6 500 en moyenne par un humain, ainsi qu’un risque de blessure réduit.
L’un des grands attraits des robots collaboratifs appliqués à la construction réside justement dans la prise en charge des activités les plus dangereuses afin de garantir la sécurité des compagnons. L’américain Raise Robotics propose déjà depuis de nombreuses années un robot permettant de réaliser des opérations de haute précision sur les façades, qui limite de fait le risque de chute pour les compagnons sur les chantiers. Robots for Site, entreprise de VINCI Energies, a quant à elle développé notamment un robot de ponçage, un robot de percement et un robot spécialisé dans la manutention, qui visent à réduire les accidents, mais aussi la pénibilité et les risques de maladies sur les sites à risque.
« La forte concentration de poussière de silice cristalline présente des risques sanitaires notamment lors de perçages ou de ponçages intensifs du béton. On s’approche, certes à moindre mesure, du contexte amiante ou nucléaire, et des niveaux de protection, des moyens et des protocoles sont requis et les temps effectifs de travail réduits », explique Frédéric Le Hent, responsable d’activité de Robots for Site.
Un déploiement freiné par des chantiers toujours uniques
À la différence d’autres industries comme le secteur automobile, le secteur de la construction est fait de chantiers à chaque fois unique, ce qui implique souvent d’adapter les robots utilisés, et limite par là-même l’utilisation d’une solution complètement standardisée.
Des perspectives pourraient néanmoins être ouvertes par l’utilisation de l’IA paramétrique, pour renforcer les capacités d’apprentissage des robots. La miniaturisation progressive des robots pourrait également faciliter leur utilisation dans des environnements moins standardisés que les bâtiments neufs.
Un modèle économique encore fragile
Le second obstacle réside dans le coût et le modèle économique : l’achat, la mise en œuvre et l’entretien des technologies robotiques demeurent onéreux, limitant leur accès aux seuls gros acteurs du marché. Pour cette raison, nombre d’entreprises commercialisent de plus en plus leur solution sous forme de plateforme de service, avec une formule comprenant le déploiement du robot sur le chantier et la formation du personnel à son usage.
« Un robot représentant un coût significatif, l’acquisition par une entreprise ne s’avère pas toujours rentable car la performance de ce type d’équipement reste tributaire de son taux d’utilisation. Le modèle de la location, par contraste, permet de louer une machine uniquement pour une mission donnée. En outre, un robot constitue une somme de technologies, pour laquelle il faut des experts capables de l’entretenir, de le réparer et de le dépanner. En louant un robot, on loue aussi cette expertise, sans avoir à engager pour l’entreprise utilisatrice des compétences en programmation et robotique industrielle. » explique Frédéric Le Hent.
Une croissance du secteur tirée par la démographie
Encore modeste, le marché de la robotique pourrait toutefois croître rapidement dans les années à venir. Une étude récente estime que le marché mondial devrait connaître une croissance moyenne de 15,5 % par année d’ici à 2029, passant ainsi de 383,11 millions de dollars aujourd’hui à 787,48 millions. Un chiffre qui demeure certes modeste face au marché de la construction dans son ensemble, qui devrait peser plus de 17 000 milliards de dollars à ce moment-là.
A plus long terme, le secteur pourrait compter sur une tendance de fond : la démographie. Dans les zones géographiques où la population vieillit rapidement, les robots pourraient en effet constituer une réponse face à la pénurie de main d’oeuvre. Tandis que dans les zones en forte croissance démographique, ces derniers pourraient contribuer à construire plus rapidement de nouvelles infrastructures pour accueillir les populations. Selon Redshift, l’industrie doit ainsi construire 13 000 bâtiments par jour dans le monde d’ici 2050 pour subvenir aux besoins d’une population attendue de sept milliards d’individus vivant dans les zones urbaines.
Les bénéfices du déploiement de la 5G
Le déploiement de la robotique sur les chantiers nécessite également que les bonnes infrastructures de communication soient mises en place. À cet égard, le développement de la 5G constitue un plus non négligeable : contrairement aux générations précédentes, elle fonctionne sur trois spectres de fréquence, chacun d’entre eux étant prévu pour un type d’objet connecté différent. Le réseau est capable de jongler automatiquement entre ces trois fréquences, ce qui facilite l’usage de différents robots sur un même réseau.
La 5G permet également le traitement des données en périphérie (“edge computing”), avec des temps de réaction réduits à quelques millisecondes pour les machines, les rendant plus sûres et plus efficaces.
Si les machines de Robots for Site ne sont pour l’heure pas connectées et fonctionnent de manière autonome ou télé-opérée selon le contexte, « la 5G va nous permettre de surveiller le parc existant, les taux d’utilisation, les événements, mesurer les performances et faire en sorte que l’on puisse piloter toute la flotte de machines à distance », explique Frédéric Le Hent.
Des robots au service de la réduction d’impact
Parmi les perspectives de développement des robots dans la construction, Frédéric Le Hent envisage leur utilisation pour le recyclage et le réemploi des matériaux, notamment dans le secteur de la réhabilitation. « Nous cherchons à développer des robots qui facilitent le traitement in situ. On parle du réemploi par exemple, du verre de façade pour le réintégrer dans le béton. On pourrait imaginer des robots capables de décortiquer, désassembler, trier et récupérer la matière afin de la réintégrer dans les matériaux de construction.
On pourrait également développer des îlots robotisés permettant de préparer du kitting pour les chantiers ou encore de réaliser des préfabrications in situ et de les livrer à l’endroit adéquat. Cela permettrait de gérer les approvisionnements, donc de réduire le transport nécessaire vers le chantier. »
Si elle n’a pas vocation à répondre à tous les problèmes, la robotique constitue l’un des leviers au service d’une industrie du bâtiment plus économe et efficace. Les acteurs du secteur ne s’y trompent pas et investissent tous azimuts dans cette technologie.