Comment faciliter le passage à l’échelle de l’économie circulaire ? C’est cette question qui servait de fil rouge pour les discussions organisées le 18 octobre 2023 chez Leonard entre Claire Batbedat, Senior consultante en économie circulaire chez Circul’R, Olivier Genelot, Directeur général de VINCI Énergies France tertiaire IDF, Hervé Grimaud, président fondateur de Proclus, Morgane Moullié-Chauvet, Ingénieure Cheffe de projet “Adaptation au changement climatique – Énergie Climat” au sein de l’Observatoire de l’Immobilier Durable et Isabelle Spiegel, Directrice de l’environnement et membre du COMEX de VINCI.
En 2023, 7,2% des 100 milliards de tonnes de ressources naturelles vierges consommées dans le monde ont été réintégrés dans l’économie, a précisé en introduction des débats Claire Batbedat, Senior consultante en économie circulaire chez Circul’R, venue présenter une étude co-signée avec Leonard : “ Economie circulaire : le rapport pour passer à l’action”. Et de rappeler que le modèle circulaire veut répondre aux effets délétères d’une économie linéaire basée sur l’extraction, la production, la consommation et le déchet, qui génère une surconsommation des ressources naturelles ainsi que des émissions polluantes excédant largement la biocapacité de la Terre.
Le décor est planté : Non seulement 92,8% des matériaux utilisés sont gaspillés, perdus ou simplement indisponibles à la réutilisation, mais la part de l’économie circulaire est chaque année à la baisse depuis 2018, où elle dépassait très légèrement les 9%.
Le BTP, premier consommateur des ressources planétaires
Dans tous les secteurs d’activité, des actions, souvent significatives et même structurantes, sont mises en œuvre pour mieux concevoir, mieux acheter, réemployer et recycler les matériaux et les équipements. La construction n’échappe pas à la règle, et pour cause : «La moitié des 100 milliards de tonnes de ressource planétaires consommées le sont par le secteur du BTP», a tenu à mentionner Isabelle Spiegel, directrice de l’environnement et membre du COMEX de VINCI.
En décembre 2022, Hervé Grimaud a fondé Proclus, entreprise spécialisée dans le réemploi des équipements électriques techniques, qui affiche un premier bilan prometteur : 120 tonnes d’équipements déposées, 56 tonnes réemployées et 1 200 tonnes d’émission carbone évitées. «Nous avons l’ambition de devenir le BackMarket des équipements techniques du bâtiment», a lancé Hervé Grimaud.
Lefort-Francheteau, entreprise du Groupe VINCI Energies, a récemment mis en œuvre de son côté une démarche pilote de collecte, de référencement et de stockage en entrepôt de gaines de ventilation. Avec un objectif de rentabilité à trois ans. «De manière générale, et forts des expérimentations lancées au niveau du groupe, nous pouvons espérer que 100% des lots techniques réemployables sur un bâtiment entrent dans un processus circulaire dans les trois ans», a noté Olivier Genelot, Directeur général VINCI Énergies France tertiaire Ile-de-France.
Lever les obstacles sur toute la chaine de valeur
«Les solutions existent. Le grand défi qui se pose aujourd’hui est celui du passage à l’échelle», a résumé Morgane Moullié-Chauvet, Ingénieure Cheffe de projet “Adaptation au changement climatique – Énergie Climat” au sein de l’Observatoire de l’Immobilier Durable. L’accélération suppose que l’on parvienne à lever un certain nombre de freins sur toute la chaîne de valeur immobilière. Atomisation des gisements, inertie systémique due à un défaut d’effet filière, foisonnement et complexité des normes et certifications, flou assurantiel autour des matériaux : autant d’obstacles pointés de manière récurrente par les industriels et les maîtres d’ouvrages.
«Il faut faire acte de pédagogie et créer la confiance. Difficile par exemple de faire admettre que les équipements réemployés sont plus chers que le neuf», a noté Hervé Grimaud. Pour Olivier Genelot, l’équation économique ne doit cependant pas être agitée comme un argument repoussoir. «Tant qu’on n’a pas industrialisé le modèle et qu’on n’en est qu’aux prototypes, les prix sont inévitablement élevés. Aujourd’hui un chemin de câble réutilisé coûte forcément plus cher qu’un neuf. Ce qu’il faut considérer, c’est le coût à terme, dans toute l’amplitude de sa structure, y compris sociale.»
Sensibilisation, organisation de la filière, cohésion des actions… L’accélération de l’économie circulaire dans le bâtiment requièrent une dynamique tous azimuts. «L’action est lancée. Et il n’y a pas de bonne excuse qui tienne pour ne pas agir. Il s’agit aujourd’hui de mettre en commun tous les foyers de bonne énergie pour concrétiser le passage à l’échelle», a conclu Isabelle Spiegel.
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