Emerging Trends : Hyperloop et les défis de la très grande vitesse au sol

Connu pour SpaceX et Tesla, Elon Musk a lancé en 2013 le concept Hyperloop, un moyen de transport terrestre à très grande vitesse par tube. Des universitaires et ingénieurs du monde entier ont emboîté le pas de l’entrepreneur visionnaire et entrepris de développer leurs propres projets de transport par tube. Notre tout nouveau rapport Emerging Trends passe en revue les opportunités et les défis de ce mode de transport de nouvelle génération.

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Avec Hyperloop, Elon Musk ne crée pas de nouvelle technologie, mais il apporte le nom qui manquait pour désigner un concept préexistant. Bien que la plupart des projets développés s’éloignent notablement de l’Hyperloop Alpha défini sur le papier par Elon Musk et ses équipes, ces projets conservent pour la plupart le nom Hyperloop.

L’idée de placer un véhicule dans un tube sous dépression et les principes du moteur linéaire, de la sustentation magnétique ou du coussin d’air sont tous apparus entre le XVIIIe et le XIXe siècle. La seconde moitié du XXe siècle a vu la concrétisation du transport guidé rapide employant le coussin d’air avec l’Aérotrain Bertin, puis celle de la sustentation magnétique associée au moteur linéaire. Développé pendant une quinzaine d’années, le SwissMetro associe sustentation magnétique, moteur linéaire et circulation dans un tube placé en situation d’atmosphère raréfiée.

En cela, SwissMetro est un précurseur d’Hyperloop. Tous les systèmes non conventionnels

déjà cités sont pénalisés par leur incompatibilité avec les infrastructures en place. Il leur est impossible de pénétrer dans les centres-villes en utilisant les lignes et gares ferroviaires. En revanche, les trains à grande vitesse, bien que moins rapides que ces systèmes non conventionnels, ont l’avantage de desservir les centres urbains sans que cette desserte provoque un surcoût rédhibitoire.

Elon Musk livre Hyperloop Alpha à ceux qui voudront le développer

Par un « concept paper » d’une cinquantaine de pages diffusé en 2013, Elon Musk assisté des équipes de Tesla et SpaceX présente Hyperloop Alpha. Le concept n’est pas protégé et l’entrepreneur décide de ne pas le développer lui-même. En revanche, il entretient l’émulation entre les entreprises concurrentes qui se sont engagées dans la réalisation d’un Hyperloop grâce à l’Hyperloop Pod Competition. Elle a eu lieu tous les ans de 2015 à 2019. Ce faisant, Elon Musk se place en animateur de la communauté Hyperloop.

Hyperloop Alpha est présenté par son créateur comme une alternative économique au train à grande vitesse envisagé en Californie, entre Los Angeles et San Francisco. Le concept comprend un tube sous dépression et des moteurs linéaires qui n’équipent que 1 % de la longueur totale des tubes (un tube par sens). Ces moteurs assurent l’accélération et la décélération. L’air n’étant pas absent dans le tube, les véhicules, appelés « capsules », sont équipés d’une turbine frontale qui aspire l’air à l’avant et le fait passer sous le véhicule pour créer un coussin d’air. Cette ventilation forcée repousse également la limite de Kantrowitz, résultat de la compression qui empêche l’écoulement de l’air autour de la capsule.

Le concept Hyperloop Alpha laisse de très nombreuses questions en suspens, tant sur le plan purement technique que sur celui de la sécurité. Il est en revanche imprudemment précis quant à son coût d’établissement.

Qui sera le premier à concrétiser un Hyperloop ?

Au fil des années, Hyperloop est devenu un sujet de réflexion universitaire assez commun. L’ensemble des questions suscitées par ce système de transport constitue un vaste sujet d’études. L’université de Carnegie Mellon, Loyola Marymount, de Munich (Warr Hyperloop) et de Washington ont toutes leurs projets Hyperloop.

Parallèlement, des entreprises ont été constituées pour concrétiser Hyperloop. Elles ont toutes fait des choix techniques spécifiques, donc peu favorables à l’interopérabilité des systèmes Hyperloop. Hormis leurs options techniques, ces entreprises se distinguent par le niveau de leurs financements. Les six principaux acteurs du secteur ont levé environ 450 M€, dont 340 M€ pour le seul Virgin Hyperloop (ex-Hyperloop One). Ces financements proviennent du secteur privé. La contribution publique est encore marginale. Or c’est peut-être là la clé de la concrétisation d’une ligne Hyperloop, tant le niveau d’investissement et les risques associés à un nouveau système sont élevés.

Fin 2020, Virgin Hyperloop a conforté son avance en étant le premier acteur du marché à transporter des personnes dans son tube expérimental, tandis que ses concurrents en sont encore à faire évoluer des maquettes dans leurs tubes. À défaut de transporter des passagers, Transpod, Hyperloop TT, Hardt, Nevomo et Zeleros ne sont pas avares d’images de synthèse qui présentent leurs véhicules et infrastructures. La compétition entre ces entreprises a aussi lieu sur le terrain de la communication. Il leur faut créer et entretenir la confiance tandis que leurs projets ont tendance à prendre du retard. À travers des déclarations d’intention, plusieurs dizaines de lignes Hyperloop sont envisagées dans le monde. Il leur manque encore une technologie validée et un financement à la hauteur de leurs ambitions.

Où sont les freins à l’envol d’Hyperloop ?

À ce jour, aucun démonstrateur en vraie grandeur n’a atteint les performances attendues par Hyperloop, c’est-à-dire environ 1 000 km/h. Une telle vitesse impose aux lignes Hyperloop des courbes de très grand rayon. À défaut, ce mode de transport deviendrait un extraordinaire « manège à sensations ». Or il doit pouvoir être emprunté par les mêmes publics que le ferroviaire ou l’aérien.

Bien que Hyperloop puisse utiliser des sources décarbonées, sa consommation d’énergie est cependant élevée. Cela s’explique en partie par la création et le maintien du « vide partiel » nécessaire dans les tubes.

Faire avancer une capsule à très grande vitesse dans un tube n’est pas un problème insurmontable, mais le faire en assurant la sécurité des passagers dans les cas les plus improbables provoque une augmentation significative des coûts. Il manque par ailleurs un cadre réglementaire pour Hyperloop, notamment en Europe où tous les modes de transport sont soumis à des règlements européens précis.

Quant à la question de l’interopérabilité, elle pourrait disparaître si l’on considère que la première entreprise réussissant à tenir les promesses d’Hyperloop conquerra l’ensemble du marché. Elle pourrait reprendre ses concurrentes et concrétiser les lignes pour lesquelles elles se sont engagées.

Les acteurs d’Hyperloop doivent maintenant montrer qu’ils sont capables d’aller plus loin que SwissMetro. Mené à partir de 1992, son développement a pris fin en 2009 lorsque le conseil d’administration de SwissMetro SA a conclu que ce projet « n’était pas faisable dans un délai prévisible ».

Aujourd’hui, en grande partie grâce à Elon Musk, la « marque » Hyperloop a été popularisée dans le monde entier. Ce qui n’a été pendant longtemps qu’une idée farfelue, bonne à illustrer la couverture de romans de science-fiction, se décline aujourd’hui en projets concrets. Un peu partout, aux États-Unis, en Europe et en Asie, des prototypes de capsules Hyperloop ont démontré la faisabilité technique du projet. De là à affirmer qu’une ligne commerciale Hyperloop verra le jour dans les années à venir, il y a encore un grand pas à franchir… et de nombreux défis à relever.

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