Le sable est plein de paradoxes. Les images des grands déserts laissent imaginer une ressource inépuisable alors qu’une véritable pénurie sévit aujourd’hui. Les granulats sont la seconde ressource naturelle la plus consommée après l’eau et avant le pétrole. 50 milliards de tonnes sont extraites chaque année pour le secteur du bâtiment, évidemment, mais également pour la fabrication du verre ou des cellules photovoltaïques. Face à la sur-consommation, le sable des déserts – trop poli et trop fin – ne s’est jamais imposé comme une alternative valable. Jusqu’à ce que des chercheurs de l’Imperial College de Londres inventent Finite…
La brique du désert
Finite est un matériau de construction encore en développement, mais ses créateurs, Carolyn Tam, Matteo Maccario, Hamza Oza et Saki Maruyami, lui prêtent toutes les qualités. Ils avancent une résistance égale à celle du béton ou des briques utilisés régulièrement dans la construction d’habitation. Ils promettent également une empreinte carbone réduite. « Aujourd’hui, nos estimations les plus pessimistes indiquent une empreinte carbone plus de 50% inférieure à celle du béton traditionnel”, explique Matteo Maccario dans Dezeen. Finite serait également biodégradable et très adapté aux constructions éphémères. Pour couronner le tout, le matériau peut donner lieu à de nombreuses variations esthétiques de formes et de couleurs. Ses créateurs en font régulièrement la démonstration en créant des objets décoratifs originaux.
Le secret de Finite réside dans la recette du “liant”, évidemment gardée secrète par ses concepteurs, et qui devra bientôt passer les batteries de tests obligatoires (résistance à la compression, durcissement, capacité d’absorption, affaissement, usure, etc…) pour les matériaux de construction. Du vase à la brique, la marche est encore haute.
Des enjeux économiques et environnementaux colossaux
Si la petite équipe de chercheurs garde bien précieusement son secret, c’est avant tout parce que les enjeux sont importants. Le premier est financier. La guerre du sable représente 70 milliards de dollars d’échanges par an. Face à la pénurie, des “mafias du sable” se constituent et trafiquent les précieux grains, laissant parfois des morts derrière eux. Le second est écologique. L’extraction intensive des sables marins détruit les écosystèmes et accélère l’érosion côtière. Dans le delta du Mékong, la production de nouveaux sédiments est bien plus lente que l’extraction, ce qui entraîne une forte salinisation des rizières vietnamiennes, véritables greniers régionaux… Un peu partout dans le monde, on s’alarme à la fois de la disparition des réserves et de l’impact écologique de l’extraction du sable.
Dans une interview à Libération, Christian Buchet, auteur du Livre noir de la mer, résume bien la situation et la force de la promesse de Finite : “les rois du pétrole, demain, seront ceux qui trouveront un produit de substitution au sable, aux granulats et au gravier.”