De quoi l’IA est-elle le nom ?
Le premier défi lorsqu’on parle d’IA et de formation consiste à bien poser les définitions. Il existe en effet des formes multiples d’intelligences artificielles (génératives ou non par exemple), qui ne mobilisent pas toutes les mêmes compétences. En outre, l’IA reste la continuation de disciplines anciennes, largement intégrées aux cursus des écoles ou aux compétences des entreprises. « Nous avons vu un engouement pour les sciences des données, puis pour le Big Data, et aujourd’hui on parle d’intelligence artificielle mais il y a une certaine continuité et des recouvrements technologiques entre ces disciplines« , explique Ons Jelassi, directrice de Télécom Paris Executive Education.
Un alignement des étoiles
L’engouement actuel pour l’IA ne serait donc pas à mettre au crédit d’une rupture fondamentale dans les connaissances. Pour François Lemaistre, directeur général d’Axians, elle résulte d’un alignement unique des planètes : « les algorithmes se sont infiniment raffinés, les données d’apprentissage et la puissance de calcul sont disponibles« , explique-t-il. Cette conjoncture entraîne une multiplication des applications de l’IA, elle-même à l’origine de la course au talent qui s’est engagée à l’échelle internationale. En France, l’État a engagé 360 millions d’euros auprès de neuf sites universitaires et de recherche, avec pour objectif de former 100 000 personnes par an…
De l’IA partout ?
Malgré la volonté politique, la question de la formation et des métiers reste épineuse. En effet, l’IA n’est pas une discipline monolithique. A l’image des transformations engendrées par le numérique ces dernières décennies, l’IA infiltre l’ensemble des métiers et transforme toutes les formations. “On constate que les sciences des données irriguent l’ensemble des filières. On virtualise les réseaux, on automatise, on a besoin de sécuriser les modèles d’IA”, explique Ons Jelassi. Cette extrême porosité de l’IA dans tous les secteurs se constate également du côté des métiers. Dans ce contexte, il est nécessaire de faire évoluer l’ensemble des corps de métiers. C’est une des raisons qui a poussé VINCI à faire le choix fort d’internaliser le sujet. Aujourd’hui, une entreprise comme DIANE, incubée chez Leonard, a pour ambition de développer transversalement des projets d’IA au service de l’ensemble des métiers de VINCI Energies. “L’IA est devenue un moyen de catalyser les compétences techniques pour accélérer les processus de chiffrage, de réponses à appel d’offre, ou d’étude”, explique Stéphane Maviel, chef de l’entreprise.
L’agilité comme avantage concurrentiel
Dans ce contexte de développement rapide et d’extrême porosité, il n’existe pas de parcours idéal pour la formation à l’IA. “Ce que l’on attend de nos jeunes collaborateurs, c’est une plasticité cérébrale et une capacité autodidacte à se former”, explique Stéphane Maviel. De la même manière, les cursus n’offrent pas de voie royale et doivent être adaptés à chaque situation. “Une petite proportion de nos élèves choisit de faire une thèse. Certains jeunes diplômés s’intéressent aux boîtes de conseil, d’autres optent pour la création d’entreprise”, précise Ons Jelassi. Ce foisonnement est particulièrement propice aux logiques de partenariats, qui permettent d’imaginer des synergies intéressantes. Stéphane Maviel souligne l’intérêt de s’associer à la recherche fondamentale sur les sujets de pointe. François Lemaistre insiste quant à lui la fécondité des partenariats avec l’enseignement supérieur. “Pour l’enseignement supérieur, les cas concrets ont une valeur. Pour nous, c’est une manière de se maintenir en compétence. Il y a une complémentarité dans la démarche.”
Construction : développer une IA appliquée
Aux problématiques générales de l’IA s’ajoutent des spécificités sectorielles, qui posent une question fondamentale : faut-il préférer les purs spécialistes de l’IA ou former des experts métier à l’intelligence artificielle en complément ? Si les intervenants n’apportent pas de réponse définitive, ils s’accordent sur un point : l’intelligence artificielle est une distraction si elle n’apporte pas de solutions efficaces à des problèmes réels. “Chez VINCI on ne fait pas d’intelligence artificielle, on résout des problèmes”, explique François Lemaistre, un brin provocateur. Dans les faits, cela dessine une IA appliquée à la construction, plus opérationnelle et proche du terrain. “Dans la construction, il faut des data scientists compétents, mais il faut aussi des data scientists plongés dans les problèmes qu’ils doivent résoudre, des data scientists qui doivent savoir que leur temps va être composé à 5% d’inspiration, à 20% de data science et à 75% de transpiration”, conclut François Lemaistre.