Est-ce que tu peux nous expliquer comment Nooco est né ?
Début 2020, alors en charge de l’open innovation chez VINCI Energies, j’ai eu envie de créer une plateforme répondant aux enjeux de manque de tiers de confiance, de transparence et d’opposabilité sur les sujets carbone.
Cette envie est née après avoir rencontré une bonne vingtaine de solutions qui prétendaient être en mesure d’évaluer l’empreinte carbone d’un projet ou d’une entreprise. Pour 90% d’entre elles, je trouvais pourtant qu’il n’y avait pas la rigueur scientifique suffisante. Beaucoup de leurs hypothèses étaient en effet invérifiables. Pour les 10% qui restaient, j’obtenais des résultats très différents avec les mêmes données d’entrée, sans moyen de les comparer simplement. Dès aujourd’hui, cela pose problème, car dans un contexte d’appel d’offre par exemple, le donneur d’ordre doit selon moi être en mesure de comparer l’impact environnemental des différents répondants.
C’est ainsi qu’est né Nooco, d’abord pour les lots techniques du bâtiment en 2020, pour lesquels il y avait un énorme manque, puis pour l’ensemble du bâtiment en 2021. En 2022 nous avons prévu l’ouverture progressive à d’autres métiers industriels. VINCI Energies a soutenu la philosophie de tiers de confiance et apporté le premier financement du projet. Leonard a confirmé que la proposition de business model était viable et compatible avec les ambitions de son programme d’accélération.
Aujourd’hui Nooco compte 12 collaborateurs. Le pari du tiers de confiance semble bien parti puisque nous avons des clients concurrents qui adhèrent à la fois à ce besoin de tiers et à la rigueur scientifique des résultats obtenus sur la plateforme. Nous sommes toujours en expansion et nos calculs sont reconnus par et progressent avec la profession ; notamment au travers d’un partenariat fort avec le CSTB.
C’est quoi le bas carbone pour un bâtiment ou pour un ouvrage ? Quels sont les leviers pour y parvenir ?
Chaque bâtiment est différent, et c’est justement le nerf de la guerre que d’avoir des mesures fiables par typologie de bâtiments ou de contraintes.
Déjà il faut tuer les idées préconçues, notamment sur le poids de l’énergie ou du béton au regard du reste de la construction, et en particulier des lots techniques. Une fois cela fait, il y a deux grandes familles de leviers pour aller vers le bas carbone : Concevoir autrement d’une part, c’est de l’ingénierie, de l’expérience, de l’innovation. Et d’autre part choisir les bons matériaux et prendre les bonnes décisions. Ça, c’est de la transparence. Nooco ne conçoit pas le bâtiment, la plateforme apporte de l’aide à la décision en permettant de comparer puis d’ optimiser des variantes. L’ingénierie reste donc le métier et le moyen par lequel les entreprises vont se différencier lors de la construction.
Les moyens d’optimisation pour agir sur ces deux axes sont propres à chaque ouvrage et nécessitent des données et des outils d’analyse simples et fiables. Avec Nooco, on permet à l’utilisateur de se concentrer plus particulièrement sur l’identification de la dizaine de produits propres à la construction de chaque ouvrage qui représentent 80 voire 85% de son empreinte carbone. Et nous mettons en lumière les solutions les plus responsables du marché pour réduire celle dernière.
Le pari de Nooco, c’est d’accélérer la visibilité des produits et des solutions les plus responsables du point de vue environnemental, autrement dit de faire gagner des parts de marchés aux acteurs qui bougent – quel que soit leur rôle dans la chaîne de valeur. Nooco est finalement un peu le Yuka de la construction !
Est-ce un métier d’expert ou est-ce l’affaire de tous ? Qu’est-ce que cela implique en termes de conduite du changement pour les entreprises de VINCI ?
C’est évidemment l’affaire de tous. Une limite c’est que le milieu des “ACV-Istes” travaille pour que les mesures soient les plus proches possibles de la réalité scientifique, en cherchant des consensus visant à avoir des résultats opposables (discutables et comparables). Mais en parallèle de ces avancées, nous n’avons pas pris le temps, par étape, d’apporter aux opérationnels des moyens de s’approprier simplement cette information scientifique.
Pourtant le bilan carbone n’est qu’un indicateur parmi tous ceux gérés par les professionnels du secteur (prix, technique, confort, délai, …). Et si cela est bien fait, on peut l’enrichir des autres indicateurs de l’ACV. L’enjeu est donc d’abord de sensibiliser, d’éduquer à comprendre les nouveaux indicateurs et ordres de grandeurs, et bien sûr de mettre en place les outils pour en disposer de manière pragmatique et permettre à chacun de redéfinir son prisme d’(éco)décision !
Avec son positionnement, VINCI a selon moi un rôle à jouer et une responsabilité à porter dans l’accompagnement de ses partenaires et de son écosystème sur cette question majeure.