It’s alive ! Portrait de la ville régénérative

Aller au-delà de la ville durable. Bâtir une ville capable de dépasser la seule limitation de son impact pour contribuer à renouveler les écosystèmes. Telles sont les ambitions de la ville régénérative, qui doit aujourd’hui passer de la promesse conceptuelle à la réalité du terrain.

Au delà de la ville durable 

Le concept de ville régénérative est relativement récent. Il émerge à partir de 2008, sous l’impulsion du World Future Council, qui le définit autour d’un principe global. Il s’agit “d’initier des stratégies politiques, financières et technologiques pour favoriser une relation restaurative entre les villes et les écosystèmes desquels elles tirent leur subsistance”. Dans les faits, cela consiste à dépasser l’idée de ville durable, qui se concentre sur la limitation des écueils de la ville conventionnelle, liés à l’étalement urbain, l’imperméabilisation des sols, la consommation de matières premières, la production de déchets, l’éradication de la biodiversité ou les émissions de GES. La ville régénérative propose un nouveau paradigme, qui considère les humains comme faisant partie d’un écosystème urbain. Elle cherche à restaurer la capacité des écosystèmes à fonctionner sans intervention humaine. Elle prend en compte le contexte écologique unique dans lequel s’inscrit chaque ville… Schématiquement, l’émergence d’une ville régénérative demande de remplacer la petropolis (dont les fonctions sont assurées par la mise à contribution des énergies fossiles) par une ecopolis (capable de générer et sauvegarder ses propres ressources). 

Une question d’(éco)systèmes

Si la théorie est séduisante, elle reste complexe à transposer dans la réalité. Le premier enjeu réside dans la généralisation d’une lecture systémique de la planification urbaine. La capacité à lier les systèmes écologiques, sociaux et économiques conditionne aujourd’hui l’émergence d’une ville réellement régénérative. Dans les faits, aucune ville au monde n’approche les conditions nécessaires pour prétendre au titre. Les exemples d’initiatives pouvant être qualifiées de régénératives se situent plus généralement à l’échelle des quartiers ou des édifices. Peter Newman, professeur en méthodologie de la durabilité à l’Université de Curtin en Australie, prend l’exemple de la ville de Perth pour illustrer les enjeux du passage à l’échelle. La première étape a lieu au niveau de la maison, avec “Josh House”, qui sert de laboratoire pour la transformation du pavillon de banlieue australien typique en édifice régénératif (pour le carbone et l’eau). Il est ensuite étendu à l’échelle des quartiers Freemantle et White Gum Valley, avec 100 puis 1000 maisons à énergie positive. A ce niveau, le projet va au-delà des seuls édifices et intègre le sujet de la rétention d’eau autour d’un système collectif d’irrigation, l’échange d’énergie en P2P via blockchain, ou un système de gouvernance collective de l’eau et des transports ! 

Le biomimétisme comme fondation

La notion d’écosystème conduit naturellement à la question du biomimétisme, principe central de la ville régénérative. Il consiste à s’inspirer du vivant et de millénaires de “R&D naturelle” pour réimaginer ou faire évoluer les fonctions urbaines. L’application efficace de solutions biomimétiques implique également de prendre en compte les spécificités des écosystèmes locaux, afin d’éviter les contre-emplois. A l’échelle des bâtiments, il s’agit d’une pratique relativement connue. Elle se manifeste par exemple dans les toitures du pôle d’excellence sur le biomimétisme marin, à Biarritz. Situé en bord de mer, l’édifice intègre une “toiture miroir”. “Le côté le plus proche de la plage propose un écosystème dunaire, on passe ensuite sur un système inspiré des landes, pour aller vers la forêt de l’autre côté de la parcelle”, explique Paola Mugnier, fondatrice de Pando Transition et spécialiste du sujet. Intéressante, cette approche du biomimétisme reste réductrice dans le sens ou elle est très ponctuelle. A l’échelle des quartiers, les exemples sont plus rares mais commencent à émerger. L’éco-village The Paddock, situé au nord de Melbourne en Australie, est particulièrement représentatif. Développé sur les bases de la certification Living Building Challenge, il intègre un nombre important de paramètres relevant d’une démarche régénérative. Conçu à partir d’un diagnostic écologique participatif, le programme multiplie les jardins partagés, optimise son traitement des déchets, est autonome en eau et en énergie, et intègre dès la conception son rapport au bush environnant. 

Évaluer le métabolisme urbain 

Pensée comme contributrice, la ville générative est par définition circulaire. Dans ce contexte, il est important de se doter d’outils d’évaluation, afin d’estimer l’efficacité du métabolisme urbain et d’éviter l’écueil du green washing ou d’une renaturation cosmétique. Le Living Building Challenge s’inscrit dans cette logique de certification, tout comme le framework LENSES (Living Environments in Natural, Social, and Economic Systems) ou même – avec une ambition moindre – le label ÉcoQuartier, porté en France par le Ministère de la Transition écologique. A l’échelle des bâtiments, la certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), est sans doute la plus célèbre. Pour être efficaces, ces cadres doivent aujourd’hui trouver leur chemin jusqu’aux outils de conception. Un papier publié dans Architecture, Structures and Construction en juillet 2023 proposait ainsi de poser les bases d’un framework de regenerative design appliqué au BIM.

A l’heure où les villes doivent se reconstruire sur elle-mêmes pour s’adapter tout en limitant l’artificialisation, la ville régénérative constitue un modèle stimulant, mais qui doit encore trouver leur traduction opérationnelle.

 

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