La préfabrication bois au défi de la construction collective

La préfabrication en bois pour les constructions collectives présente de nombreux avantages. Plusieurs acteurs du secteur se positionnent pour passer à l'échelle.
Crédit photo : Hudson Hintze sur Unsplash

Dans un marché en transformation face à l’urgence climatique et au renforcement de la réglementation environnementale, la construction en bois suscite un intérêt renouvelé. Mais pour réussir son passage à l’échelle, ce mode constructif devra réussir son industrialisation : c’est toute une filière qui se met en place. Avec une question : quels acteurs réussiront à tirer leur épingle du jeu ?

Un mode constructif qui envoie du bois

Si la préfabrication bois est de plus en plus sous les feux de la rampe, c’est qu’elle cumule beaucoup d’atouts. Hormis les qualités propres au bois (faible empreinte carbone, possibilité d’un approvisionnement local en circuit-court…), la préfabrication en usine permet à la construction bois de passer d’un mode artisanal in situ à une fabrication industrielle hors site avec tous les avantages que cela comporte. Moins soumise aux aléas qu’un chantier sur site, la production industrielle permet en principe de mieux maîtriser les coûts et de gagner du temps. Le bâtiment étant fabriqué par modules, en usine, le chantier génère dans certains cas moins de nuisances pour les riverains du chantier. À noter également : les déchets bois des chantiers du bâtiment (construction, rénovation, démolition) présentent un taux de recyclage et de valorisation énergétique qui atteint 75 %.

Comprendre les atouts de la préfabrication bois

Encore du pain sur la planche pour passer à l’échelle

Pourquoi la préfabrication bois ne s’est-elle pas généralisée pour les constructions de moyenne et grande hauteur ? La réponse, c’est Christophe Allaz, directeur de projet chez VINCI Construction, qui nous la donne : « Si la conception et l’assemblage en usine ne sont pas suffisamment efficaces pour gommer le surcoût de l’industrialisation, ce procédé de fabrication ne pourra pas s’imposer. Tout l’enjeu est donc de parvenir à une véritable industrialisation de la production, à l’image des industries hyper matures comme l’automobile. »

Quel serait alors le facteur clé de succès de cette industrialisation dans les constructions collectives ? « La vraie réussite résidera dans la capacité des acteurs à ne pas se tromper sur les attentes réelles du marché. En France, nous sommes essentiellement sur un marché de petits investisseurs privés et sur des parcelles moins rationnelles que dans les pays anglo-saxons par exemple. Il y a donc moins de standardisation possible. Le marché de logements collectifs BtoB porté par les promoteurs n’excède pas 100 000 unités annuelles. En résumé, la barrière à l’entrée est conséquente : un gros besoin en investissement pour développer un procédé industriel agile avec un marché français à ne pas surestimer ».

Une nouvelle filière boostée par la R&D…

Une partie de la R&D porte sur les matériaux avec notamment du bois d’ingénierie adapté aux contraintes de la construction moyenne et grande hauteur. Parmi les innovations : le CLT (Cross Laminated Timber), également appelé bois lamellé-croisé, permet d’atteindre des hauteurs encore impossibles il y a quelques années. La grande résistance structurelle de ces panneaux massifs réside notamment dans le croisement de couches de bois qui sont superposées alternativement dans le sens du fil puis dans le sens perpendiculaire et assemblées sous presse. Autre exemple, la start-up Woodoo développe quant à elle un bois high-tech qu’elle qualifie de « bois augmenté ». Ultra résistant, ce matériau serait capable de remplacer le béton  et pourrait ouvrir la voie aux constructions en bois de très grandes hauteurs.

Mais le nerf de la guerre se situe aussi dans l’étape conception/industrialisation. Et la filière est en pleine structuration. Dans le secteur, l’écosystème start-up est particulièrement dynamique. On peut ainsi citer Leko Labs, start-up luxembourgeoise qui développe du bois d’ingénierie et propose une plateforme de logiciels dédiée à la conception et un système de construction robotique. Côté français, Vestack est présente à la fois sur la conception, la préfabrication et le montage. D’autres choisissent de se spécialiser, comme les français Ossabois ou les espagnols 011H, tous deux experts en construction hors site bois, le néerlandais Sustainer, orienté sur le développement de logiciels de conception ou encore la française Woodoo qui innove dans le bois d’ingénierie.

Comprendre le bois augmenté de Woodoo

… et par les levées de fonds

Autre facteur clé de succès pour qui veut s’imposer sur ce marché : la capacité de production. En pleine croissance, le marché intéresse le monde de la finance, tout particulièrement les fonds d’investissements orientés finance durable et les fonds spécialisés dans la Proptech. En 2022, les levées de fonds sont donc allées bon train. Leko Labs a ainsi levé 21 millions de dollars, Vestack 10 millions d’euros, Modulous 10 millions de livres sterling et 011H 25 millions d’euros. Il s’agit pour ces 4 start-ups de développer leurs logiciels de conception et d’augmenter considérablement leur capacité de production (x4 pour 011H !) Toutes affichent l’ambition de devenir le leader de la conception-construction de bâtiments bas-carbone. La course est donc officiellement lancée, tout comme celle de l’immeuble en bois le plus haut du monde !

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