Parmi les objectifs visés, permettre aux habitants d’acquérir une autonomie alimentaire (Lumières de la Ville). Aujourd’hui à l’état de concept, ce projet de construction de “cinq ponts agricoles” s’inscrit dans une tendance plus large qui promeut le développement de l’agriculture en ville, le locavorisme (le “consommer local”), voire l’auto-suffisance alimentaire.
Agriculture urbaine et alimentation durable
Aujourd’hui, c’est dans un contexte d’urgence climatique et d’urbanisation croissante que les villes se saisissent du sujet. Paris vient ainsi de lancer la saison 2 de son appel à projets “Parisculteurs”, pour végétaliser “100 hectares de bâti d’ici 2020, dont un tiers consacré à l’agriculture urbaine” (Les Parisculteurs). Une initiative encouragée par les Nations Unies, qui voient dans l’agriculture urbaine un bon moyen pour les villes de cultiver leur résilience face au réchauffement climatique (Food and Agriculture Organization). A ce titre, parmi les bénéfices souvent identifiés se trouvent les aspects environnementaux des circuits courts, du fait d’une distance moins importante parcourue par les produits. Pourtant, les études soulignent que seuls 17% des émissions de GES de la chaîne alimentaire sont liés à la phase de transport. De fait, les bénéfices des circuits courts de commercialisation des produits agroalimentaires sont “davantage socio-économiques” qu’environnementaux, expliquait le Commissariat général au développement durable en 2013 (Alimenterre). Outre l’aspect environnemental, on distingue ainsi les fonctions alimentaire, économique, paysagère, et sociale qui peuvent être rendues par l’agriculture urbaine (AgroParisTech).
Une véritable transition à anticiper
Certaines villes expérimentent déjà le long chemin vers l’autosuffisance alimentaire… non sans rencontrer quelques difficultés. Ainsi, Rennes se heurte dans son projet à des obstacles de taille : selon une étude prospective, la réorientation de l’utilisation des terres nécessaires impliquerait que 50% des parcs et jardins privés accueillent du maraîchage, de même que 40% des jardins publics et 30% des squares. De plus, une ceinture agricole de 6,3 km de large devrait être installée autour de la métropole et 30% des forêts devraient être consacrées à la production de fruits à coques (Agro Campus Ouest). Des changements profonds, qui impliquent notamment un engagement citoyen important et une réorganisation de l’espace public. A Albi, qui a annoncé viser l’autosuffisance alimentaire à l’horizon 2020, les élus reconnaissent désormais que cet objectif ne sera pas atteint, notamment du fait de la difficulté à s’approprier les terres nécessaires. Car l’impact du locavorisme sur le patrimoine foncier constitue une difficulté majeure, à l’heure où l’urbanisation croissance réduit considérablement le volume d’espace disponible (Le Point).
De l’agriculture à l’Agtech
La “quatrième révolution de l’agriculture”, qui pourrait donner lieu à l’émergence d’ici 5 à 10 ans d’un secteur high-tech, est-elle capable de résoudre les problèmes spécifiques rencontrées par les villes (Deloitte) ? Pour mettre en place une agriculture à haut rendement dans un espace de plus en plus contraint, le concept de “ferme verticale” théorisé en 2010 par Dickson D. Espommier (Sustainable Brands) fait déjà des émules. L’entreprise Plantagon développe ainsi des “plantscrapers” : des fermes verticales hydroponiques intégrées dans des tours, dont le premier exemple devrait entrer en fonction en Suède en 2020. Grâce à un système de capteurs, la gestion de la ferme est complètement automatisée (The Digital Journal). Une convergence entre agriculture et technologie qui se matérialise également à Newark, aux Etats-Unis, à la faveur d’un partenariat entre AeroFarm et Dell (Entreprise Tech). Les prochaines innovations de rupture, expérimentées au sein du MIT Media Lab Open Agriculture Initiative (OpenAg) ou de l’université de Cornell (Cornell CALS), feront appel au machine learning, au séquençage génétique ou encore… à la technologie blockchain. Une startup spécialisée promet d’optimiser les rendements agricoles, en permettant le partage d’informations entre toutes les parties prenantes de la chaîne alimentaire (Business Insider). Des mutations disruptives qui n’ont pas échappé à Amazon. La stratégie du géant du commerce en ligne dans le secteur fait l’objet de spéculations, après sa récente acquisition de la chaîne de distribution bio Whole Foods (Planet Save). Les villes peuvent-elles alors rêver à leur autosuffisance ? Le chemin semble encore long. Et à en croire une tribune du think-tank La Fabrique Ecologique, l’objectif d’autosuffisance alimentaire devrait même assumer son statut d’utopie, qui a pour effet de stimuler la créativité des territoires et la multifonctionnalité des espaces périurbains (WeDemain).