Depuis deux ans, la 5G est progressivement commercialisée dans le monde. La Corée du Sud était l’un des premiers pays dans le monde à déployer une offre nationale de 5G et possède aujourd’hui le plus haut taux de pénétration au monde avec ses 7,8 millions d’utilisateurs. La Chine et les États-Unis se sont également lancés dans la course, sur un fond de bataille géopolitique autour du leadership de Huawei en la matière. L’Europe n’est pas en reste : la technologie est déjà disponible dans 18 États membres, ainsi qu’au Royaume-Uni, en Norvège et en Suisse. Le déploiement y reste cependant très progressif, et ne devrait être achevé qu’aux alentours de 2025.
Le calendrier s’est accéléré ces derniers mois en France, alors que l’Arcep a attribué la fréquence dans la bande 3,5 GHz aux différents opérateurs de téléphonie. Ces derniers ont pu lancer leurs premières offres commerciales au grand public, après plusieurs années de test des infrastructures. Selon une étude d’IHS Markit, la 5G en France pourrait générer 124 milliards de dollars de revenus et 448 000 emplois d’ici 2035. Pour autant, la commercialisation de la 5G n’a pas provoqué de ruée vers l’or, et le déploiement est encore timide : « C’est quelques dizaines de milliers de personnes qui sont en train de passer à la 5G. On est tout au début. Ça démarre extrêmement doucement » relativise Olivier Roussat, président de Bouygues Telecom à la mi-décembre sur France Inter.
Le champ des possibles
Très concrètement, la 5G doit améliorer les services existants en téléphonie mobile pour le grand public, mais surtout ouvrir la voie à de nouveaux usages professionnels. Sur le papier, le débit est multiplié par 10 par rapport à la 4G. L’augmentation de la bande passante bénéficiera au développement d’expériences de réalité augmentée et virtuelle . Par exemple, des ouvriers équipés de casques connectés profiteront d’informations supplémentaires ou d’expertise à distance lors d’opérations délicates sur un chantier. L’amélioration de la latence est très attendue dans les mobilités, puisqu’elle améliorera la conduite de véhicules connectés (navettes autonomes, drones) qui seront plus fiables et plus réactifs.
Grâce aux technologies du beamforming et du network slicing, propres à la 5G, l’infrastructure du réseau deviendra intelligente. En effet, plutôt que de diffuser un signal en continu et de manière indifférenciée sur une large zone, le beamforming dirigera le signal vers un terminal lorsqu’il en a besoin. D’une certaine façon, la connexion sera donc à la demande, ce qui permettra d’optimiser l’utilisation d’énergie, d’améliorer la stabilité du signal et sa puissance. Le network slicing consiste quant à lui à découper en tranche le réseau pour allouer la fréquence aux différents services de façon dynamique. En attendant une couverture nationale, des usines, des entrepôts ou des aéroports peuvent déjà élaborer des solutions adaptées à leurs besoins via des réseaux privés 5G.
Une révolution en douceur
Pourtant, la plupart de ces usages devront encore attendre, c’est toute la question des fréquences. La première étape du déploiement passe par le réseau 4G existant et n’exploite pas le potentiel complet de la technologie. La 5G standalone (5G SA) qui fonctionne de manière autonome permettra d’utiliser les fréquences les plus puissantes dites millimétriques. Les premières autorisations ne sont pas attendues avant 2022-2023 en France. Les ruptures technologiques les plus importantes seront alors possibles, puisque le réseau pourra utiliser en même temps des basses fréquences (à partir de 700 MHz) et des très hautes fréquences (jusqu’à 26 GHz, au débit comparable à la fibre).
Avec des fréquences autorisées supérieures à 6 GHz, les États-Unis sont le seul pays du monde à exploiter les ondes millimétriques. La difficulté principale tient au coût d’installation de la 5G standalone bien plus élevé qu’une antenne 4G. Autre obstacle, si leur débit est incomparablement plus puissant, le rayon d’action des ondes millimétriques est bien plus réduit. Ces ondes ont également plus de mal à pénétrer dans les bâtiments. À titre de comparaison, une onde 700 MHz peut porter sur 2 km en zone urbaine quand une onde 26 GHz peut porter sur 150 mètres environ. Ces dernières seront donc plus pertinentes dans les zones urbaines très denses.
La bonne nouvelle est que bon nombre des innovations attendues avec la 5G n’ont pas besoin du maximum de son potentiel. Certaines peuvent se contenter d’un débit faible et peuvent d’ores et déjà utiliser les réseaux LPWAN dont la portée est très étendue. Peu coûteux, ces réseaux étendus à faible consommation se sont développés ces dix dernières années, principalement avec les deux protocoles français Sigfox et LoRaWAN. Avec leurs concurrents cellulaires LTE-M et NB-IoT, ils représentent 92% du marché de l’IoT des réseaux LPWAN.