crédit : Yves Bernardi sur Pixabay
Une pièce maîtresse de la transition énergétique
Alors que le développement des énergies renouvelables s’impose comme une priorité pour la transition énergétique, l’éolien est une des solutions techniques les plus matures et prometteuses. Selon le dernier rapport du GIEC, c’est avec le solaire la première piste de mitigation des émissions. D’ici 2030, on estime ainsi que l’éolien pourrait permettre d’éviter l’émission d’environ 4Gt d’équivalent CO2. L’éolien est également l’énergie renouvelable qui connaît la plus forte croissance, avec un bond de production de 17% en 2021. Malgré tout, ces chiffres encourageants ne doivent pas faire oublier de très fortes disparités régionales : en 2021, 70% de la croissance du secteur a été tirée par la Chine pendant que la production stagnait en Europe.
Dépasser l’effet “NIMBY”
Le déploiement des fermes éoliennes fait face à un paradoxe. Alors que l’acceptabilité générale de l’éolien est très bonne (73% des Français soutiennent son développement), les projets se heurtent souvent à des oppositions locales. L’éolien incarne à merveille le phénomène “Not In My Backyard” (NIMBY), qui pousse certaines personnes à refuser des projets d’intérêt général s’ils se trouvent trop près de leur domicile. Le CESE (Conseil Économique Social et Environnemental Français) publie sur le sujet un guide très complet dont l’objectif est de favoriser l’acceptabilité des projets éoliens. Il s’articule autour de trois grands axes : inscrire l’éolien dans une trajectoire lisible de développement des territoires (pédagogie énergétique, environnementale et de santé, répartition équitable des efforts, etc…), travailler en consultation avec les populations locales pour favoriser la confiance, et enfin définir un modèle économique équilibré et équitable (économie locale, retombées fiscales, etc…).
L’éolien prend le large
Les oppositions politiques à l‘éolien terrestre, sa gourmandise foncière ainsi que la régularité et la puissance des vents marins font de l’éolien offshore la piste la plus prometteuse pour le secteur. Selon Rita Sousa, associée au sein du fonds Faber Ocean / Climate tech, le marché devrait atteindre 87 milliards de dollars d’ici 2026, pour un taux de croissance annuel de 13 %… Le développement rapide de l’éolien flottant permet en outre de construire des fermes solaires indépendamment de la profondeur des fonds marins, afin d’aller capturer le potentiel énergétique du vent là où il se trouve. Cette course à l’offshore – qui ne connaît pas de limite théorique dans la taille des turbines – entraîne également une course au gigantisme. La plus grande éolienne offshore est actuellement développée par China Three Gorges Corporation et Goldwind Technology. Elle déploie un rotor de 252m pour une production de 66 millions de kWh par an, soit l’équivalent de 36 000 foyers…
Une énergie (nouvellement) compétitive
L’amélioration des technologies et les économies d’échelle ont permis de faire baisser radicalement la facture de l’éolien. Entre 2010 et 2019, le coût de l’énergie éolienne a baissé de 55% et le mouvement devrait se poursuivre. Dans le même temps, les énergies fossiles ont connu une hausse spectaculaire des prix. Cette conjoncture devrait permettre à l’éolien d’être rentable pour la première fois en France en 2022, et de rapporter près de 3,7 milliards d’euros à l’Etat qui pourrait rembourser ses investissements à l’horizon 2024 ! Dans ce contexte, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables prévoit de faciliter l’évolution des PLU et de multiplier les incitations financières afin de favoriser le développement de la filière. Une adaptation logique lorsque l’on sait que rien qu’en France, l’éolien représente 18 000 emplois selon l’ADEME.
Géante, petite ou sans pale : l’éolienne innove
Si les turbines géantes se livrent une course à la puissance sans précédent, ce n’est pas le seul secteur d’innovation pour l’éolien. De petites éoliennes sans pale tentent de tirer leur épingle du jeu. C’est le cas du “Skybrator”, qui utilise le mouvement de vibration pour générer de l’énergie ou d’Alpha311 qui se décrit comme une turbine “locale”. D’autres tentent de capturer les vents d’altitude à l’aide de turbines dites “airborne”. Les kites prometteurs de Makani n’ont pas survécu à la contrainte économique, mais ils font office de pionniers pour un domaine encore naissant aujourd’hui incarné par des start-up comme SkySails. A l‘inverse, Wind Harvest se concentre sur une capacité à valoriser les vents relativement faibles grâce à une turbine verticale. L’innovation concerne également la réduction des nuisances causées par les éoliennes traditionnelles. La turbine Eco Whisper s’attache ainsi à réduire les bruits de vibration causés par les éoliennes à trois pales. Dans un autre ordre d’idée, un simple coup de peinture noire sur une des pales a permis à la ferme solaire de Smøla en Norvège de réduire de 70% le nombre d’oiseaux tués par ses éoliennes !
La recyclabilité, une épine dans le pied ?
Les images d’enfouissement de vieilles turbines obsolètes ont fait le tour du monde. Et pour cause : le recyclage des éoliennes en fin de vie est un enjeu majeur pour la filière. Une turbine peut compter sur une espérance de vie comprise entre 15 et 30 ans pour le “offshore”, mais doit ensuite être démantelée. Les mâts et les fondations (respectivement en acier et en béton) sont assez facilement recyclables. Ce sont les rotors et surtout les pales qui posent aujourd’hui problème. Ces dernières sont en effet constituées de matériaux composites (fibres de verre, carbone et résines) difficilement séparables. Dans le même temps, la législation est en train d’évoluer. En France, un arrêté de juin 2020 oblige un recyclage de 90% de la masse totale de l’éolienne et 35% des rotors (pales comprises). Des chiffres qui seront portés à 95 et 55% d’ici 2025. Pour répondre à l’enjeu, les fabricants adaptent leur offre. Siemens Gamesa a ainsi présenté la RecyclableBlade, qui s’appuie sur une nouvelle résine qui a la propriété d’être réversible une fois plongée dans un bain d’acide. Plus anecdotique, les turbines peuvent être recyclées en mobilier urbain, comme à Aalborg au Danemark où elles servent d’abri à vélo.
D’un point de vue technique, politique ou économique, l’alignement des étoiles semble aujourd’hui très favorable à l’énergie éolienne, qui est la moins polluante des ENR (énergies renouvelables) sur l’ensemble du cycle de vie après l’hydraulique. Après une longue période de gestation, elle semble aujourd’hui prête à aller concurrencer les énergies fossiles à l’échelle globale.
Cet article est extrait de la newsletter bimensuelle de Leonard. Inscrivez-vous pour recevoir la version complète.