C’est le principal enseignement du long format Drones go to work, article de référence sur l’économie encore naissante du drone, publié dans la Harvard Business Review. Son auteur, Chris Anderson, est l’une des têtes pensantes les plus influentes de la Silicon Valley : ancien rédacteur en chef du magazine Wired, théoricien de la « longue traîne » et du mouvement Maker, et désormais CEO d’un éditeur de solutions logicielles pour drones.
Le drone, ce smartphone
Depuis qu’on ne les voit plus comme des avions sans pilote (quoique la régulation devrait finir par permettre un usage 100% autonome des drones) mais comme des « smartphones à hélice », les drones ne sont plus des armes, ni même seulement des jouets. Ils sont devenus des outils, qui ouvrent progressivement le marché de la mise en donnée numérique du monde physique : un marché peut-être « aussi grand que le monde lui-même », selon Anderson. Capables de numériser la planète en haute résolution et en temps quasi réel, le tout de manière plus sécurisée, plus continue et meilleur marché que les satellites ou les avions, les drones sont devenus un hardware « aussi ouvert et extensible qu’un smartphone, avec un potentiel applicatif virtuellement illimité ».
Associée aux drones, la technologie de la reality capture (modélisation numérique 3D d’objets réels extrêmement rapide) servait jusqu’ici principalement un marché loisir – mais elle est vouée à se banaliser dans un usage professionnel, qui devrait d’ailleurs être son principal marché dès 2017. Elle transforme en profondeur les manières d’opérer au sein de nombreux secteurs industriels : la construction, l’agriculture, l’énergie, l’assurance, les infrastructures ou encore les télécommunications. Le drone vient bouleverser en profondeur la manière dont des activités critiques (surveillance, inspections et monitoring, cartographie, etc.) était jusque-là réalisées — lorsqu’elles l’étaient. Sur un chantier, le drone devient par exemple un superintendant capable d’évaluer les différences entre le site tel qu’il a été conçu et tel qu’il a été réellement construit : un écart dont la valeur économique est gigantesque.
Vers un Internet des objets volants
Si les drones sont aujourd’hui des véhicules permettant de collecter les données, on ne sait pas ce qu’ils seront demain. « Le vrai bouleversement viendra avec l’autonomie totale », insiste Anderson, qui observe déjà une variété d’usages, allant des drones délivrant des médicaments dans les pays en développement ou pulvérisant des pesticides dans les champs jusqu’à ceux utilisés par Facebook comme fournisseurs d’accès à Internet. Les drones se généralisent également dans le contrôle et la vidéoprotection d’environnements industriels difficiles (centrales, installations offshore, etc.) ou d’équipements trop vastes pour être jusque-là inspectés (lignes électriques, rails, ouvrages). Un usage pas nouveau mais qui se banalise, les drones allant s’autonomisant, comme ces drones français « plug and play » qui peuvent, sans intervention humaine, détecter une intrusion, décoller pour des « levées de doutes », faire un rapport et revenir se charger sur leurs bases. Leur capacité à opérer du calcul embarqué, et leur mise en réseau avec des chaînes logistiques connectées, promet la banalisation de la maintenance prédictive et de la gestion en temps réel d’un événement aussi complexe qu’un chantier.
C’est donc un véritable Internet des objets volants qui se dessine, et une colonisation humaine du ciel. Comme les smartphones, les drones se prêtent naturellement à des applications en ligne : l’avènement de la robotique dans le cloud leur profitera aussi. En parallèle, en insérant dans le réseau de nouvelles données jusque-là inaccessibles, les drones rendront à leur tour l’Internet plus intelligent…
L’article Drones go to work est l’une des six « Grandes Idées » lancées par la Harvard Business Review au cours de l’année 2017 ; il succède notamment à une réflexion sur les conséquences économiques des inégalités entre les entreprises.