Une mobilité peu carbonée, une part modale limitée
Le train est souvent présenté comme un mode de transport vertueux, aux émissions relativement faibles. Un rapide tour d’horizon des chiffres disponibles confirme cette intuition. Le document le plus complet à ce sujet est sans doute le Bilan Carbone global de la Ligne à Grande Vitesse Rhin-Rhône, réalisé par l’ADEME. L’analyse du cycle de vie complet de la ligne TGV permet d’estimer à 4 millions de tonnes équivalent CO2 les économies réalisées sur 30 ans grâce au report modal du transport routier. L’étude propose également une répartition des émissions par postes : l’énergie de traction représente 53% des émissions, le génie civil 20%, la construction des équipements ferroviaires 22%, quant à la conception et à la maintenance, ils se partagent 5%. Comparé aux autres modalités (hormis la marche et le vélo), le ferroviaire affiche des émissions extrêmement faibles. Toujours selon l’ADEME, 1000 kilomètres en TGV représentent 1,73 kgCO2e par passager, contre 192 pour l’automobile ou 102 pour l’avion. Selon le WEF, le train représente aujourd’hui 1% des émissions globales liées au transport, pour 7% des passagers transportés et 8% du fret mondial.
Une énergie nouvelle pour le secteur
L’étude The future of rail publiée par l’AIE montre que les trois quarts des passagers transportés par voie ferroviaire dans le monde le sont grâce à l’énergie électrique, ce qui fait du train le premier mode majoritairement électrifié. Cela dit, les disparités restent importantes (97% au Japon, 54% en Inde, 28% en Afrique) et l’électrification de la totalité des “petites voies » n’est pas toujours une option envisageable. En France, la SNCF parle « d’électrification frugale” pour décrire une électrification partielle des voies circulant actuellement grâce aux énergies fossiles combinée avec l’utilisation de batteries.
Le développement de l’hydrogène permet également d’imaginer des autonomies plus importantes pour les moteurs électriques. Le train Coradia iLint, produit par Alstom a récemment battu un record en parcourant 1175 km sans ravitaillement en Allemagne. Dans le même temps, les projets de trains à hydrogène se déploient un peu partout dans le monde : Toyota et Hitachi se sont associés au Japon alors que Siemens a également dévoilé son modèle “Mireo Plus H”. Plus prospectif et expérimental, le “Sky Train” développé en Chine prétend se passer entièrement d’énergie extérieure grâce à un système d’aimants…
Le boom du “petit train” ?
Lorsqu’on parle de train, l’espace médiatique est cannibalisé par le sujet de la très grande vitesse – popularisée par la promesse « Hyperloop » d’Elon Musk – dont Leonard faisait récemment une analyse nuancée. Le futur se situe peut-être dans des formes moins spectaculaires mais plus adaptées aux enjeux réels du ferroviaire. L’un de ces enjeux concerne les zones rurales à faible trafic, souvent présentées comme condamnées. La légende de la ligne japonaise conservée pour une seule étudiante illustre les difficultés économiques des ces lignes isolées. Pour répondre au défi, la SNCF a récemment dévoilé une gamme de nouveaux véhicules expérimentaux. Le Train Léger Innovant a pour objectif de s’adapter au faible trafic des petites lignes tout en limitant les besoins en maintenance sur les infrastructures. Dans le même ordre d’idées, Draisy souhaite proposer un véhicule plus souple dans son fonctionnement, capable de réaliser des arrêts “à la carte”.
Zoom : Railcoop
Au-delà de la technique, des innovations d’usage permettent d’ imaginer une revitalisation des petites lignes. En France, l’exemple le plus emblématique est sans doute Railcoop, première entreprise ferroviaire coopérative d’Europe. Elle mobilise des citoyens, des collectivités locales, des entreprises et des associations afin de renforcer le maillage ferroviaire. Elle fait déjà circuler du fret et prévoit l’ouverture prochaine d’une première ligne de voyageurs entre Bordeaux et Lyon.
L’intermodalité se réinvente
Par définition, le rail n’est pas un mode de transport particulièrement flexible. A ce titre, la question du dernier kilomètre est un sujet prépondérant pour les opérateurs d’infrastructures ferroviaires. Les gares de centre ville sont aujourd’hui devenues des hubs de mobilité proposant toutes sortes d’interfaces entres modalités. L’intégration des parkings pour vélos dans les gares hollandaises – et en particulier celui de La Haye – est emblématique du phénomène. Le sujet est en revanche moins développé dans les zones rurales, qui peinent à traiter la question du dernier kilomètre autrement que par la voiture individuelle. L’exemple de la navette autonome développée par Ioki – filiale de Deutsche Bahn – à Bad Birnbach préfigure peut-être un modèle d’avenir pour des transports en communs en zones d’habitat plus diffus. Le concept Flexi développé par SNCF et Milla s’inscrit dans la même logique en proposant un véhicule capable d’utiliser à la fois la route et les rails !
Le train, autonome avant la voiture ?
Plus discret que le monde automobile sur le sujet, le secteur ferroviaire travaille néanmoins à l’autonomisation des trains, facilitée par la présence des rails. En Allemagne, le projet safe.trAIn mené par Siemens devrait se poursuivre jusqu’en 2024. Il a pour ambition d’optimiser la circulation des trains et donc l’utilisation de l’infrastructure grâce à des technologies d’intelligence artificielle. Il ambitionne également de paver la voie à une circulation des trains autonomes sur le réseau général, et plus uniquement en circuits fermés. Du côté de la SNCF, on annonce des prototypes de trains autonomes d’ici 2023 pour une industrialisation en 2025 : un premier pour le fret développé avec Alstom, Altran, Hitachi et Apsys, et un second pour les voyageurs avec Bombardier, Bosch, Spirops et Thales. En termes de technologies, les dispositifs sont relativement similaires à ceux développés pour l’automobile, en particulier autour du LIDAR, qui permet une bonne perception des signaux déployés autour de la voie. Le dispositif SAMIRA, financé par l’Union Européenne, s’appuie ainsi sur la technologie pour automatiser les manœuvres d’aiguillage dans le fret.
Numérique et Digital Twins
La maintenance des infrastructures est un poste fondamental pour les opérateurs du monde ferroviaire. Avec la maintenance prédictive et les jumeaux numériques, ils se découvrent de nouveaux alliés. En France, sur la ligne à grande vitesse Tours Bordeaux, le parcours IA de Leonard à permis à LISEA et MESEA, respectivement gestionnaire et mainteneur, d’optimiser leur maintenance sur une base prédictive. Pour y parvenir, ils ont développé un wagon de mesure interne appelé « DRING » et capable de collecter chaque semaine des données de haute qualité afin de modéliser l’état de la voie. Il en résulte une meilleure compréhension de l’évolution de l’infrastructure, des temps de maintenance réduits et une limitation de la fréquence des opérations.
De manière générale, le train se réinvente en cherchant à gommer ses principales faiblesses : un réseau rigide et des coûts d’opération très élevés. Il peut compter pour cela sur le développement rapide des nouvelles énergies, de nouveaux usages, et d’infrastructures numériques performantes.