Métabolisme urbain : les défis du circulaire à l’échelle de la ville

L’économie circulaire est au cœur des débats liés à la construction durable. Appliqués à l’échelle de la ville ou du territoire, ses concepts sont regroupés sous le terme de métabolisme urbain.

Les villes occupent environ 2% de la surface de la planète, réunissent 50% de la population, et représentent plus de 70% des émissions mondiales de GES. Aujourd’hui, leur fonctionnement est encore largement linéaire, et s’appuie sur le triptyque : produire, consommer, jeter. Sur les 100 milliards de tonnes de minéraux, combustibles fossiles, métaux et biomasse utilisés chaque année, on estime que seulement 8 à 9% sont actuellement réutilisés. En réponse, les villes s’interrogent sur la soutenabilité de leurs modèles, et s’efforcent de mettre en place des modèles circulaires, notamment dans le cadre d’initiatives comme C40. Pour éviter les rapprochements réducteurs, comme l’équivalence trop fréquemment formulée entre circularité et recyclage, elles explorent des modèles systémiques, capables de prendre en compte toutes les dimensions de la circularité. La démarche de métabolisme urbain s’inscrit dans cette logique. Selon Sabine Barles, professeure des universités en aménagement de l’espace et urbanisme à la Sorbonne, elle “désigne l’ensemble des flux d’énergie et de matières mis en jeu par le fonctionnement d’un territoire donné”. Un bon levier pour actionner des stratégies circulaires plus systématiques.

 

Le métabolisme urbain comme cadre d’analyse

Pour Aristide Athanassiadis, docteur en art de bâtir et urbanisme de l’université Libre de Bruxelles, l’approche du métabolisme urbain porte un certain nombre de vertus. Elle permet d’abord de mieux connaître et mieux comprendre les flux de matériaux et d’énergie entrants et sortants de la ville. Elle met en relief la dimension linéaire des économies urbaines (une logique qui repose sur le triptyque produire, consommer, jeter). Elle replace la consommation des villes dans une échelle internationale et permet de mesurer les impacts indirects. Elle autorise une cartographie précise, en identifiant les acteurs et les infrastructures qui sous-tendent les flux. Enfin, elle permet de mesurer l’état des stocks urbains encore sous-valorisés. “La mine urbaine nous permet d’identifier les matériaux existants que l’on pourra mettre à profit dans le futur, pour diminuer la demande en ressources primaires”, explique le chercheur.

Ces méthodes constituent un socle sur lequel les villes peuvent s’appuyer pour créer leur propres programmes d’économie circulaire. Parmi elles, Amsterdam qui figure sans doute parmi les plus avancées. La ville, qui ambitionne de devenir la première “Ville Circulaire” d’ici 2050, se donne les moyens de mesurer ses progrès. Avec Monitor, elle intègre le sujet du métabolisme Urbain au cœur de ses pratiques. Biens de consommation, déchets organiques et matériaux de construction sont pris en compte dans un framework qui n’oublie pas de mesurer l’impact social des mesures d’économie circulaire.

 

Adapter la politique circulaire au territoire 

“A Paris, on part de l’administration pour montrer l’exemple et rayonner. A Bruxelles on va essayer d’agir un peu sur tout de manière systémique. Londres va s’appuyer sur les business models et les entrepreneurs”, explique Aristide Athanassiadis. Quel que soit le territoire, une approche “data driven” permet d’éviter les positions dogmatiques ou les recettes génériques concernant l’économie circulaire.

La démarche de métabolisme urbain menée sur le territoire de la Plaine Commune – au Nord de Paris – illustre bien cette logique d’adaptation au contexte. Dans le cadre des développements du Grand Paris et à quelques encablures des Jeux Olympiques, les enjeux sont à la fois précis et considérables. Dans ce contexte, la récupération des déblais liés au chantier du Grand Paris Express permettra de produire de nouveaux matériaux de construction. Dans le même ordre d’idée, les déchets de déconstruction produits par le territoire devront être revalorisés sur les chantiers du Village Olympique Paris 2024 et le futur Centre aquatique Olympique.

 

Approche systémique et volonté politique

La vue d’ensemble permise par l’approche du métabolisme urbain ne s’applique pas uniquement à la gestion et au réemploi des déchets. Dans les secteurs de l’eau et de l’énergie par exemple, elle permet de “désiloter” les filières et d’imaginer des collaborations encore inédites. Avec Ecopal, la ville française de Dunkerque a développé une véritable expertise sur le sujet de l’écologie industrielle. Si la métaphore biologique est différente, les procédés sont similaires. Les eaux des circuits de refroidissement de la centrale nucléaire de Gravelines sont ainsi utilisées par la ferme aquacole locale, mais également par le terminal méthanier. ArcelorMittal valorise la chaleur issue de ses hauts-fourneaux dans le cadre du réseau de chaleur de la ville. IndaChlor, une usine de recyclage des résidus de production chlorés fournit en vapeur le producteur d’alcool voisin : Ryssen Alcools.

Ce type d’écosystème – héritier de la fameuse Kalundborg Symbiosis, développée depuis 1972 au Danemark – demande un véritable engagement politique et institutionnel. Selon un rapport très complet publié par ORÉE et l’Institut national de l’économie circulaire, le sujet est traité au niveau Européen depuis 2015 seulement. Depuis, les politiques ambitieuses se multiplient. Dans le cadre du Green Deal, l’année 2020 a donné lieu à un nouveau plan d’action pour l’économie circulaire. Ses ambitions ? Transformer le cycle de vie des produits, tout en participant à la création de 700 000 nouveaux emplois et générant une croissance du PIB de l’UE de 0,5 % d’ici à 2030.

 

 

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