Nous connaissions jusque-là une augmentation continue de la demande de mobilité. En France, les estimations d’avant crise prédisaient que la demande doublerait d’ici à 2050, alertant même sur le besoin de nouvelles infrastructures de transport pour répondre à cette pression sans fin.
Et voilà cette mobilité, vecteur de notre croissance économique et indicateur du dynamisme de nos sociétés, stoppée nette dans son élan : l’immobilité générale est imposée pour infléchir la courbe de propagation du virus. Aéroports fermés, services ferroviaires minimum, rues désertes, déplacements limités à un rayon de 1km… le trafic routier en baisse de 80% et tout le secteur restreint pendant 3 mois à assurer uniquement les fonctions vitales de la nation comme les déplacements des personnels de santé ou l’approvisionnement des produits de première nécessité.
Si un retour à la normale s’opère actuellement, nous devons nous interroger sur ce qui constituera demain cette nouvelle normale ?
Il est possible que ces trois mois n’aient pas suffi à instaurer dans la durée des changements impactant les schémas directeurs qui régissaient la demande de mobilité d’avant crise. Si les fondamentaux d’avant crise sont toujours présents et les mêmes solutions proposées, les changements de comportements observés actuellement ne seront que temporaires.
A l’opposé de cette tendance, toute crise représentant une réelle opportunité d’évolution, il est possible que nous observions un changement de paradigme, une nouvelle normale modelée par une immobilité qui agirait comme vecteur de croissance territoriale et qui serait le témoin d’une véritable redistribution de l’activité au profit des territoires et des circuits locaux. La généralisation du télétravail dans certains secteurs faciliterait cette tendance, comme l’illustrent les mesures prises par le groupe PSA.
Il est à parier que la situation vers laquelle nous tendons soit hybride entre ces deux visions. Pour les grandes agglomérations, certains changements de comportements, comme la méfiance des usagers vis-à-vis des transports en commun et de leur promiscuité, affecteront les schémas de mobilité sur des temporalités plus ou moins longues. Dans les centres urbains cela pourrait se traduire par un déploiement étendu des nouvelles mobilités, accéléré par l’effet combiné de nouvelles pistes cyclables et l’apparition de nouveaux services de location de vélo longue durée. Le réveil écologique déclenché par cette crise – qui en préfigure probablement d’autres – pousse également les usagers vers ces solutions de mobilité durable. Si la demande suit, il est probable que ces aménagements resteront en place. En périphérie cependant, le retour en force actuel de la voiture individuelle pour les déplacements petite/grande couronne – centres villes pourrait s’équilibrer à nouveau avec les offres de transports en commun une fois les contraintes sanitaires assouplies, cet équilibre étant principalement dicté par les temps de trajet des navetteurs.
Les opportunités pour instaurer des changements durables sont rares et la tentation forte d’adresser les impacts immédiats de cette crise dans une vision court termiste. La fenêtre de tir est limitée pour mettre en place de nouvelles orientations vers une nouvelle normale plus vertueuse, dont la mobilité décarbonée serait un des piliers. Pour que les changements soient durables, les incitations et nudges devront influer sur les comportements avant que le naturel ne revienne au galop…