TechCrunch l’écrivait fin 2017 : la nouvelle offre « Powered By We » de WeWork serait déterminante pour l’activité de l’entreprise en 2018. Et de fait, quelques mois plus tard, WeWork, devenait la deuxième start-up américaine la plus valorisée, après Uber et devant Airbnb. WeWork, jusque-là présentée comme le roi du coworking, s’est en effet progressivement mué en roi de l’« Office Space-as-a-Service ». Schématiquement, ce glissement correspond au passage progressif d’une offre essentiellement B2C (offrir des places de coworking) vers un ensemble d’offres B2B (proposer aux entreprises de gérer leur(s) espace(s) de travail).
Le bureau, cet espace sous-utilisé
« Powered By We » se présente ainsi comme une solution tout-en-un : avec l’aide de partenaires, WeWork propose à ses clients de trouver leurs locaux et d’aménager leur espace de travail avant d’en optimiser l’efficacité — et même d’en assurer l’animation. L’externalisation de la gestion de ses espaces de travail reste un phénomène très récent au sein des grandes entreprises : si certaines prestations sont sous-traitées depuis plusieurs décennies, moins de 5% des entreprises françaises s’étaient lancées en 2015 dans la délégation auprès d’un seul partenaire de leur « Facility Management ». Ce terme a d’ailleurs à peine 30 ans, signe d’une prise de conscience relativement tardive de la nécessité pour une entreprise d’optimiser la gestion de ses actifs immobiliers. Car, à l’évidence, l’environnement de travail est un marché un soi. Il représenterait pas moins de 6% du chiffre d’affaires d’une entreprise, et constitue un actif économique souvent sous-employé, puisque près de la moitié des espaces tertiaires en France sont sous-utilisés.
C’est en fait à « une profonde transformation du marché de l’immobilier corporate » à laquelle nous assistons, analyse Melissa Demouth. Cheffe de projet innovation chez VINCI Facilities, Melissa Demouth est aussi intrapreneuse, et porte avec Sébastien Gautier (VINCI Immobilier Conseil) le projet Människa, offre clé-en-main de transformation des environnements de travail, incubé puis accéléré en 2018 chez Leonard. « Le jeu classique a changé, poursuit-elle, nous ne serons plus dans un monde où le constructeur construit, le space planner gère le design, puis un autre acteur s’occupe de l’exploitation ».
Amazonisation en cours ?
Cette intégration annonce-t-il l’« amazonisation » du marché (un acteur de vente de détail qui finit par monétiser l’infrastructure) ? WeWork lui-même ayant beau jeu de faire ce parallèle. Du reste, si le marché de la délégation reste embryonnaire, les offres clé-en-main se multiplient, de Nextdoor à Sodexo, qui cherchent aussi à satisfaire, selon Melissa Demouth, « un immense enjeu d’image de marque pour les entreprises qui souhaitent attirer et fidéliser les talents, dans des environnements très concurrentiels, et qui ont besoin d’environnements de travail pensés pour cela ».
D’où, pour Människa, une offre construite via des recherches sociologiques avancées sur l’environnement de travail tant du point de vue des services que du design et du digital : il s’agit en particulier de proposer une offre complète de design des usages, inspirée des méthodologies du design thinking et adaptable à la culture de l’entreprise-cliente. Il s’agit aussi, dans une logique d’intégration, de tirer parti des différents savoir-faire du groupe VINCI pour positionner celui-ci en tant qu’apporteur d’affaire (négociation juridique et financière, conception, travaux, exploitation, animation). Le tout autour de contrats financiers innovants, inspirés du modèle hôtelier, afin d’apporter plus de maîtrise que dans les prises de bail classique. La transformation des espaces de travail, c’est bien plus que du coworking !