La route, socle des mobilités actuelles et futures
Avec une part modale de 88,4 % du transport de marchandises et de 87% du transport de passagers en France, la route occupe aujourd’hui une position centrale dans nos mobilités. A l’échelle européenne, la route représente 77% de la part modale pour le fret. Le chiffre tourne autour de 65% aux Etats-Unis pour le fret, mais s’élève à près de 90% pour les trajets liés au travail. Ces chiffres disent une chose : malgré les efforts déployés pour favoriser la multimodalité, l’hégémonie routière est amenée à se prolonger dans le futur. “Lorsque vous regardez les scénarios prospectifs pour les décennies à venir, même lorsque le report modal est important, la route reste largement majoritaire avec plus des trois quarts des flux de personnes et de marchandises”, explique Christophe Hug.
Un patrimoine plus sollicité que jamais
Dans ce contexte, la maintenance et l’adaptation des infrastructures routières sont des enjeux essentiels, qui évoluent rapidement dans le sillage du changement climatique. “Nous sommes confrontés à des événements météorologiques très intenses de plus en plus souvent. Or, lorsque vous concevez un système routier, vous avez des référentiels météorologiques qui vous permettent de dimensionner votre infrastructure, en fonction des flux d’eau par exemple. Les statistiques météo qui nous ont permis de construire le réseau routier ne correspondent plus à la réalité aujourd’hui”, explique Christophe Hug.
Le phénomène est particulièrement visible dans les climats extrêmes, comme au Canada, où les grandes routes de glace sont aujourd’hui menacées, ou dans les pays tropicaux comme le Timor, qui peinent à maintenir un réseau routier efficace face aux pluies torrentielles. Mais il est également prégnant sous des latitudes plus clémentes. “En 2016, l’autoroute au nord d’Orléans a été submergée par 1m50 d’eau pendant 2 semaines, on circulait en barque sur l’autoroute et on a retrouvé des poissons quand l’eau est partie”, raconte Christophe Hug. En Angleterre, le changement climatique s’incarne dans une multiplication inédite des nids de poule, alors qu’aux Etats-Unis 44 millions d’automobilistes ont subi des dommages à cause de l’état des routes ! Face à ce fléau, la maintenance est en train d’amorcer une transformation technologique intéressante, grâce aux drones autonomes de réparation ou aux asphaltes auto-cicatrisants par exemple.
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Atténuer l’impact environnemental de la route
Si la route est victime du changement climatique, elle est également au cœur de nos mobilités les plus polluantes et doit déployer d’ambitieuses politiques d’atténuation de son impact. “L’usage de la route représente 94% du CO2 émis par le secteur des transports. Nous ne pouvons pas continuer à utiliser la route de la même façon si nous souhaitons nous inscrire dans les objectifs de décarbonation de notre économie”, explique Christophe Hug.
Pour réussir cette transformation, un certain nombre de leviers peuvent être actionnés. Le premier consiste à optimiser l’usage de l’existant. “Cela signifie développer le covoiturage, développer les pôles d’échange multimodaux, développer les transports en commun sur l’autoroute ou développer des voies réservées”, précise Christophe Hug qui cite l’exemple du parc multimodal de Longvilliers, combinaison efficace de covoiturage et de lignes de car express sur autoroute permettant de rallier les gares RER de Massy et de Dourdan. Le second levier concerne l’accompagnement du déploiement de véhicules électriques légers et lourds qui passe par le développement d’une infrastructure de charge bien dimensionnée mais également l’expérimentation de solutions innovantes. “Au Sud de Paris, sur l’autoroute A10, nous allons mener une expérimentation avec deux acteurs industriels sur l’autoroute électrique, qui recharge en temps réel les véhicules soit par induction soit par un rail conducteur”, précise Christophe Hug.
Maintenance et construction décarbonées
Au-delà de l’usage, l’adaptation de la route aux exigences climatiques passe par une évolution des pratiques de maintenance et de construction. Il s’agit d’abord de “construire la route avec la route” en s’inscrivant dans une logique de circularité. “Lorsqu’on rénove une route aujourd’hui, 100% des matériaux extraits sont valorisés, et 50% le sont sur place”, explique Christophe Hug qui souligne les progrès rapides du secteur.
L’organisation des chantiers permet également d’en limiter l’empreinte carbone, en optimisant les déplacements des machines, en utilisant des biocarburants et des ciments bas-carbone ou en favorisant le transport des matériaux par barge et par rail. “Nous nous sommes donnés pour objectif de réduire de 50% les émissions sur nos chantiers d’ici 2030, et pour l’instant nous sommes à -20% depuis 2019”, détaille Christophe Hug.
Les données au service de la route
Pour orchestrer cet effort d’adaptation des infrastructures routières, les données sont aujourd’hui un allié incontournable. Les moyens technologiques afin de récupérer des informations précises se sont multipliés, grâce à l’instrumentation de la chaussée elle-même ou à travers des véhicules mettant à profit toute une gamme de technologies de surveillances. A Taïwan (mais aussi en Turquie, au Canada, aux Etats-Unis ou en France), des camions du Highway Bureau, équipés de caméras panoramiques et de lidar circulent déjà. Grâce à l’aide d’outils d’intelligence artificielle, ils permettent d’automatiser l’identification des besoins de maintenance.
“Demain, vous aurez une image précise et quasi continue de l’état de la route grâce aux jumeaux numériques de l’infrastructure. Vous aurez une surveillance par drône, satellitaire ou par véhicule équipé de caméra ou de lidar au quotidien. Toute variation sera analysée par une intelligence artificielle qui permettra de déclencher des schémas d’entretien courants et des actions de maintenance prédictive”, conclut Christophe Hug dans une projection à court terme de la maintenance routière.
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