Radar – Notre sélection de business innovants #13

1 – Retour sur…la conférence Innover dans la construction, pendant et après la crise du Covid-19, par Leonard

Le 28 avril dernier se tenait la conférence “Innovation in AEC through and beyond the COVID crisis” (L’innovation dans les secteurs de l’architecture, de l’ingénierie et la construction pendant et après la crise du Covid-19”) organisée par Leonard dans le cadre des conférences minute délivrées chaque jour depuis le début du confinement. L’occasion pour Ray Levitt (Partner chez Blackhorn Ventures) et Darren Bechtel (fondateur et directeur général de Brick & Mortar Ventures) de répondre à nos questions sur les évolutions du secteur de la construction dans les prochains mois.

Voici leur éclairage sur quatre des questions que nous leur avons posées :

 

De 3 milliards de dollars il y a trois ans, les investissements dans les Construction Techs ont atteint 10 milliards en 2019. C’est donc une augmentation spectaculaire, mais tardive. Pourquoi a-t-il fallu autant de temps pour que les investissements des venture capitalists dans le secteur de la construction prennent de l’importance ?

Pour Ray Levitt, il convient d’abord de rappeler qu’à l’origine, le développement des premiers ordinateurs fût étroitement lié au secteur de la construction. Dans les années 1960, la première application d’IBM, développée avec le MIT, était une solution de “structural engineering”. Mais après cette première phase, deux facteurs ont freiné le développement de nouvelles technologies sur les chantiers. D’abord, la portabilité. Les laptops n’existant pas, seuls les bureaux pouvaient être équipés d’ordinateurs. Le développement des réseaux sans fil, ensuite. Il a fallu attendre les années 1990 pour qu’internet permette l’utilisation des ordinateurs non pas uniquement à des fins de calcul, mais également de communication, et que leur potentiel sur les chantiers se développe.

Darren Bechtel souligne, pour sa part, l’évolution des circuits de financements dont il estime qu’elle a permis le décollage du secteur. Pendant longtemps, ce sont les grandes entreprises de la construction qui ont développé, en interne, les logiciels dont elles avaient besoin. Mais ce modèle n’était pas optimal : chaque groupe développant ses propres solutions, les coûts restaient élevés, et il était souvent plus long d’installer des technologies sur un chantier que de le conduire sans assistance numérique. Peu à peu, ces grands groupes ont compris que le développement de logiciels n’était pas dans leur coeur de métier. Il fallait donc un changement de modèle de financement pour soutenir des entrepreneurs en externe. Les Venture Capitalists, qui jusqu’ici n’étaient pas des acteurs majeurs du secteur de la construction, ont accompagné cette dynamique et ont investi des sommes plus conséquentes, en enregistrant des résultats positifs. Le cercle vertueux était lancé, et nous assistons actuellement à son accélération.

 

Concrètement, comment la crise et ses retombées économiques vont impacter l’innovation sur le terrain ? 

Le secteur de la construction a toujours fait face à d’importantes fluctuations de la demande en fonction de la conjoncture, rappelle Ray Levitt. Mais en période de crise il y a également toujours eu des créations d’entreprises intéressantes. La première stratégie que Levitt applique en tant qu’investisseur est donc de faire des “bridges” (avances financières) aux entreprises qui sont encore en phase early stage pour qu’elles tiennent jusqu’à la reprise des chantiers qui, selon lui, arrivera très vite. Parce que les écoles profitent des fermetures pour faire des travaux, parce que les hôpitaux vont avoir besoin de nouvelles infrastructures, parce que les bâtiments vont devoir être adaptés, il est probable que la demande reparte à la hausse dans les prochaines semaines. Pour autant, cette crise est différente des dernières que les deux investisseurs ont connu. Ray Levitt cite pour exemple la crise de 2007 après laquelle le secteur de la construction à San Francisco avait baissé de 80% sur deux ans, avant de repartir à la hausse. Cette fois, il est probable que la crise apporte des changements structurels. “Il ne faut par exemple pas s’attendre à ce que les entreprises construisent autant de bureaux qu’avant, en raison du développement du travail à domicile” souligne-t-il.

Pour Darren Bechtel, le contexte oblige les entrepreneurs à être plus créatifs, et les investisseurs à faire le tri entre les meilleurs projets et les autres. Le contexte crée également de nouveaux painpoints auxquels il faudra trouver des solutions : comment faire tourner les chantiers avec moins de travailleurs ? Quels nouveaux outils de collaboration ? Autant d’opportunités nouvelles pour les entrepreneurs.

Pour les deux intervenants, il faut également prendre en compte le temps dont disposent les investisseurs, et qui joue actuellement en la faveur des entrepreneurs. Les VC (venture capitalists) et grands groupes qui n’avaient pas le temps d’échanger avec les startups ont désormais plus de marge de manoeuvre, et c’est aux entrepreneurs d’en profiter.

 

En étant moins optimistes, peut-on s’attendre à ce que les entreprises réduisent leurs investissements, au détriment du financement de ces nouvelles solutions ? 

Selon Bechtel, il est probable que l’inverse se produise. Les entreprises étaient avant la crise dans une conjoncture favorable et elles disposaient de ressources importantes. On peut donc s’attendre à ce qu’elles utilisent ces importantes disponibilités pour trouver de nouvelles solutions adaptées au contexte à venir qui privilégiera les groupes les mieux préparés.

Il y a 4 mois, personne n’aurait par exemple investi une solution de traçage en temps réel en contexte de pandémie, rappelle le fondateur de Brick & Mortar Ventures. Aujourd’hui, c’est le cas. De la même manière, ils étaient peu ceux qui, il y a quelques semaines encore, s’intéressaient aux solutions complexes permettant de construire des bâtiments modulaires en fonction des besoins sanitaires (isolement, quarantaines, etc). Aujourd’hui, c’est un sujet majeur.

Pour les deux investisseurs, le message est donc clair : “si vous avez une bonne idée avec une bonne proposition de valeur et des leviers de rentabilité, vous aurez des gens pour vous écouter”.

 

Peut-on s’attendre à un tournant écologique du secteur de la construction après la crise, ou est-ce que le “business as usual” va prendre le dessus ?  

Pour les deux investisseurs, l’Europe est actuellement en avance dans ce domaine, et il est probable que de nouvelles solutions y émergent. Mais pour Darren Bechtel, les solutions les plus écologiques sont encore aujourd’hui les plus onéreuses, et s’adressent donc à une certaine typologie de clients. Mais petit à petit, les matériaux et solutions “vertes” développent d’autres atouts que leurs simples critères écologiques : ils sont plus facilement réparables, remplaçables et ont des cycles de vie bien moins couteux sur le long-terme. Ces changements dans la proposition de valeur font évoluer les choses, et on peut s’attendre à ce que cela s’accélère après la crise actuelle.

 

2 – Comment les aéroports peuvent-ils gérer la crise sanitaire du covid-19 ?

Points de transit pour des millions de passagers, les aéroports seront en première ligne de la gestion du post-confinement. Quelles mesures prendront-ils pour limiter la circulation du virus ? Voici des pistes de réflexion et des exemples de startups dont les services pourraient faciliter la vie des aéroports :

  • Nettoyer régulièrement et en profondeur : la désinfection régulière des lieux est essentielle pour éviter la circulation du virus. De nouveaux systèmes de stérilisation à UV permettent par exemple d’assurer un nettoyage automatique des rampes d’escalator (comme ici à Hong kong). Les visiteurs peuvent jouer un rôle important dans ce processus en donnant leur avis en temps réel sur le nettoyage. Skiply (SMILIO) a par exemple développé des bornes qui récoltent les feedbacks des passagers  et permettent d’évaluer le niveau de satisfaction des utilisateurs. La startup travaille avec le groupe Vinci Airport et a déjà déployé son concept dans 3 aéroports au Cambodge notamment.
  • Contrôler la température des passagers : autre piste, les aéroports pourraient détecter les personnes infectées. Baidu, un géant de la scène tech chinoise, a par exemple créé un système de détection capable de contrôler la température de 200 personnes/minute actuellement en test dans une gare fréquentée de Pékin. En Italie, les principaux aéroports sont maintenant équipés de caméras thermiques tout comme ceux de Delhi, Abu Dhabi et Dubai.
  • Anticiper les pics de fréquentation : grâce à des techniques de prédiction des flux, les aéroports sont capables d’adapter les mesures d’hygiène nécessaires.Sur ce segment, Predictive Layer propose ainsi une solution d’IA pour les aéroports. Cette solution prend en compte de nombreux facteurs (planning des vols, météo..) afin de faire des prédictions d’affluence. Dans un autre domaine, Stanley Robotics propose une gestion automatisée des parkings grâce à un robot capable de garer les voitures de manière autonome. Si elle permet aux usagers de gagner du temps, dans le contexte actuel cette solution permet surtout d’appliquer les règles de distanciation sociale en évitant les contacts entre personnes.

 

3 – Qarnot lève €6M et veut faire du cloud computing une solution plus écologique

La startup française Qarnot a levé 6 millions d’euros auprès d’un pool d’investisseurs, dont la Caisse des Dépôts, la Banque des Territoires, Engie, A / O PropTech et le Groupe Casino.

Qarnot fournit une solution de cloud computing (accès à des services informatiques via Internet) respectueuse de l’environnement. La chaleur fatale dégagée par ses serveurs est réutilisée pour chauffer durablement les bâtiments et l’eau. La startup offre ainsi aux entreprises une alternative plus verte pour héberger leurs données, les datacenters traditionnels pouvant avoir une empreinte environnementale conséquente. En 2018, ils représentaient entre 1 % et 3 % de la consommation d’électricité mondiale selon différentes études.

Qarnot propose déjà ses services à trois grandes banques françaises (BNP Paribas, Société Générale et Natixis). La startup travaille également avec Illumination Mac Guff (qui fait partie d’Universal Pictures), un studio de développement d’animation 3D.

Aujourd’hui en France, 1000 logements sociaux sont chauffés par Qarnot. A Bordeaux, sa technologie est utilisée pour chauffer un bâtiment entier gratuitement en réutilisant la chaleur générée par les ordinateurs, une première mondiale.

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