Rénovation énergétique, le chantier du siècle ?

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Les bâtiments représentent une part importante des émissions globales de CO₂. Dans ce contexte, la rénovation énergétique joue un rôle central dans la décarbonation des activités humaines. Si le chantier semble largement engagé à l’échelle globale, il se heurte encore aux questions du financement, de l'efficacité ou des compétences.

Un accompagnement institutionnel à géométrie variable

Le sujet de la rénovation est un pan naturel des questions plus larges d’efficacité énergétique et de sobriété. A ce titre, il fait l’objet d’un accompagnement institutionnel, avec d’importantes disparités à l’échelle mondiale. Aujourd’hui, les efforts les plus importants semblent être menés au niveau européen, dans le cadre de la Renovation Wave poussée par la Commission Européenne autour de trois priorités : rénovation des “passoires énergétiques”, rénovation des édifices publics et décarbonation du chauffage. Cette dernière fixe l’objectif de doubler le taux de rénovation annuel (en passant de 1 à 2% du stock total) et se traduit dans des plans nationaux plus ou moins ambitieux, dont on peut retrouver le détail sur le site de l’AIE. La France est un des membres de l’UE les plus actifs à ce sujet, alors que l’on estime à environ 10 milliards d’euros par an le besoin de financement pour atteindre les objectifs européens. De la subvention (Ma prime Renov’) à l’incitation fiscale (TVA à 5,5%), en passant par les prêts avantageux (éco-PTZ) tous les leviers de financement sont activés. 

La guerre en Ukraine, vers un choc de rénovation ? 

La guerre en Ukraine et la crise énergétique qui en résulte a “naturellement” valorisé le sujet de la rénovation dans un contexte d’incertitude vis-à-vis des énergies fossiles. Nombre d’Etats ont immédiatement cherché à réduire leur dépendance énergétique, en se tournant vers les renouvelables d’abord, mais également en multipliant les initiatives liées à la rénovation. L’AIE explique qu’après des années de lents progrès, les investissements destinés à l’efficacité énergétique ont atteint 560 milliard de dollars dans le monde en 2022, en progression de 16% par rapport à 2021. 

La Chine face au “demolish and rebuild”

“Nous ne pouvons plus mener de démolition à grande échelle au nom de la régénération urbaine”, expliquait récemment le ministre du logement chinois. Cette annonce sonne la fin d’un modèle basé sur l’endettement à l’origine de la crise économique que traverse actuellement la Chine. Dans les périodes de prospérité, les grandes entreprises de construction avaient pour habitude d’emprunter massivement afin de racheter des terrains, détruire l’existant, reconstruire, vendre rapidement et répéter le processus avec l’argent généré par la vente pour une croissance rapide. Mais ce modèle perd de sa viabilité avec le ralentissement économique. Et le changement de cap implique un effort colossal de rénovation, mentionné dans le 14ème plan quinquennal de la superpuissance asiatique. On parle ici de 100 millions de m² de surface résidentielle et de 250 millions de m² d’édifices publics… Dans un pays où la plupart des bâtiments sont multipropriétaires, le casse-tête de la coordination est particulièrement prégnant… 

Un eldorado

Dans un contexte d’engouement pour la rénovation, d’encadrement réglementaire de plus en plus contraignant et de fort afflux de capitaux publics, nouveaux entrants et acteurs traditionnels se bousculent pour récupérer des parts de marché. Pour François Teste du Bailler, président du directoire de GCC, “la rénovation pèsera la moitié de l’activité construction en 2030”. Chez VINCI Construction le choix a été fait d’industrialiser les briques techniques permettant une rénovation énergétique efficiente et bas carbone notamment à l’aide des façades préfabriquées REHASKEEN et à l’aide de systèmes de géothermie permettant le recours à des ENR non visibles et donc une intervention possible sur des sites protégés. Côté startups, le phénomène est encore plus marqué. Selon XAnge, le marché européen devrait croître de 58 milliards d’euros en 2022 à 137 milliards en 2027. Les pure-players de la rénovation énergétique comme Effy en France, Dryft en Suède ou 1KOMMA5° en Allemagne voient leurs capitalisation exploser. Dans un secteur qui cherche encore à standardiser les indicateurs liés à l’efficacité énergétique, les solutions liées aux données connaissent également un beau succès. En Irlande, BERWOW identifie les efforts de rénovation les plus utiles en fonction des données liées à l’équivalent local du DPE. Au Royaume-Uni, des acteurs comme Hubb s’attachent à développer des jumeaux numériques pour faciliter la rénovation. Enfin, la question du développement des compétences mobilise de nouveaux acteurs comme la marketplace Kolverr ou l’école de formation La Solive

Rénovation et héritage : une équation complexe

La massification de la rénovation se heurte aujourd’hui à un certain nombre d’obstacles, qui dépassent le cadre du financement, des technologies ou des compétences. C’est peut-être en Italie que la résistance est la plus forte, dans un contexte de crise du logement. On y dénonce un conflit entre obligation à la rénovation et préservation du patrimoine culturel, deux ambitions parfois difficilement compatibles. La question est également soulevée au Royaume -Uni, sous l’angle du développement nécessaire des compétences afin de concilier retrofit et préservation du patrimoine. L’opposition peut enfin prendre une dimension politique, et servir de levier d’opposition à la politique volontariste de Bruxelles. Le ministre de la Justice Allemand Marco Buschmann décrit ainsi un “empiètement difficile à justifier sur le droit à la propriété privée”

La rénovation énergétique, qui présente sur le papier tous les attributs d’une solution vertueuse, reste extrêmement complexe à déployer à grande échelle. Elle demande des investissements colossaux, des garanties d’efficacité encore fragiles et des compétences trop rares. La rénovation à marche forcée suscite en outre une opposition politique importante… Dans ce contexte, le salut passe sans doute par l’industrialisation des processus et la structuration d’une véritable filière capable de rationaliser et d’optimiser des efforts aujourd’hui trop dispersés. 

crédit photo : Aleksey Vereten sur Pexels

 

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