En France, l’étalement urbain est le principal responsable de l’artificialisation de 30 000 hectares de sols chaque année. Si la tendance actuelle se poursuit, c’est quasiment l’équivalent d’un département français tous les 20 ans, qui sera artificialisé. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Étalement urbain et standardisation
Lors d’un entretien avec Matthieu Lerondeau, directeur de la communication et des communautés de Leonard, Sylvain Grisot exposait de quelle façon la fabrique de la ville a été « industrialisée ». L’étalement urbain se nourrit de la standardisation des nouveaux pavillons, bureaux, centres commerciaux en périphérie…
« Finalement, on est sur quelque chose de simple. On standardise le logement, la construction… On peut aussi industrialiser le processus de production, sauf que pour faire du logement standard, il faut du foncier standard. Et quoi de mieux qu’un foncier agricole ? C’est un foncier simple et sans histoire. Cela veut dire qu’il n’a pas de passif constructif (amiante, pollution de sols…). C’est notamment un foncier sans voisins ».
Cette approche se heurte cependant à des limites et aux enjeux actuels : climat, biodiversité, alimentation, circuits courts… L’urbanisme circulaire proposé par Sylvain Grisot, se base sur le fait que la matière première dont les villes sont faites, les sols, est une ressource finie. Aujourd’hui, nous souffrons des effets directs et indirects de « la somme des 3 crises », telle que qualifiée par Sylvain Grisot : la crise des ressources, la crise des écosystèmes et la crise climatique.
Urbanisme circulaire
Avec son concept « d’urbanisme circulaire », Sylvain Grisot nous propose de transposer la logique d’économie circulaire, sur trois leviers ou cycles, alternatifs à l’étalement urbain :
- Le premier levier, consiste à intensifier les usages en évitant de construire : occuper les logements vacants, optimiser le fonctionnement des logements publics…
- Le deuxième levier, concerne le cycle de construction et de démolition : ce que nous construisons aujourd’hui, doit pouvoir changer d’usages demain, nous rappelle Sylvain Grisot, évoquant la création de « villes malléables ».
- Le troisième levier, concerne à la fois la densification et le recyclage. Il s’agit ainsi « de revenir au sol », de construire des maisons à côté de maisons existantes, recycler les friches industrielles…
Aujourd’hui, l’approche d’une construction orchestrée de « la ville sur la ville » serait encore plus onéreuse que celle du simple étalement urbain. Changer nos approches requiert une nouvelle « plasticité intellectuelle » :
« C’est à la fois des compétences techniques particulières, concernant des questions d’écologie en milieu urbain, mais aussi des compétences d’acteurs sachant être au milieu du système pour faire la traduction entre les enjeux des uns et des autres, qui sont importantes. (…) Il va falloir miser sur l’intelligence. Concevoir un bâtiment en réhabilitation, plutôt que de faire une opération de construction-déconstruction, nécessite plus d’ingénierie d’intelligence, et plus de travail de conception. Aujourd’hui, l’ingénierie comme l’architecture, est payée au montant de travaux, alors que vu le sens de l’histoire, et les enjeux du siècle, il va falloir investir plus dans l’intelligence, de façon à pouvoir faire moins de travaux demain ».