« Tous les métiers de la construction doivent pouvoir tirer profit des données acquises par drone »

Parmi les innovations qui font avancer la Contech, les drones jouent un rôle de premier plan, tant pour l’amélioration de la sécurité que de la productivité dans les métiers de la ville et des infrastructures. Fran Espada, fondateur et CEO d’Hovering Solutions et Christian Wörner, consultant sénior chez VIA IMC et responsable d'AVUS.DIGITAL se rencontrent pour discuter des innovations dans ce domaine.

Hovering Solutions propose une offre intégrée pour la numérisation 3D des infrastructures souterraines grâce à des robots volants autonomes. Fondée et dirigée par Fran Espada, elle fait partie des dix start-up sélectionnées pour faire partie du programme Catalyst 2022 de Leonard.

AVUS.DIGITAL permet aux entreprises de construction d’exploiter les données aériennes en les intégrant aux processus existants. Christian Wörner et Andreas Ellinger sont en charge de développer cette solution. Ils ont fait partie du programme LEONARD AI et font maintenant partie du programme Intrapreneurs.

Vos deux offres de solution sont différentes mais partagent l’utilisation des drones. Comment vous est venue l’idée d’investir cette technologie ?

Fran Espada : J’ai toujours été passionné par les robots et la technologie. Quand j’étais petit, je jouais avec des moteurs électriques et autres kits électroniques fabriqués à la maison. Plus récemment, avant de lancer Hovering Solutions, j’ai travaillé pour un développeur qui concevait des solutions appliquées à l’exploration souterraine. En 2015, dans le cadre d’un projet pour le métro de Londres, l’opportunité de développer un drone pour faire un double numérique des tunnels du métro s’est présentée et j’ai décidé de commencer une aventure entrepreneuriale dans ce domaine conciliant mon intérêt et mes expériences passées.

Christian Wörner : Comme Fran, j’ai toujours été fasciné par l’électronique, les ordinateurs et tout ce qui est technologique. J’ai acheté mon premier drone en 2015 pour réaliser des films. Puis j’ai commencé à en utiliser pour mes activités professionnelles d’ingénieur civil. À l’époque, la cartographie par drone était une activité de niche, surtout en Allemagne. Lorsque j’ai rejoint VIA IMC en 2018, j’étais convaincu que les drones joueraient un rôle à part entière dans la construction, et nous avons commencé à construire la plateforme de drones AVUS.DIGITAL. Aujourd’hui, nous permettons à de nombreuses entreprises de construction d’utiliser des drones et nous les aidons notamment à créer des jumeaux numériques des chantiers dont ils s’occupent.

Qu’est-ce qui fait que vos deux solutions sont uniques ?

Fran Espada : Hovering Solutions a développé un type de drone autonome capable d’estimer sa position et de naviguer dans des zones souterraines, dans l’obscurité et en l’absence de données GNSS (système de positionnement par satellites). Aucun pilote n’est nécessaire pendant l’opération et les communications radio peuvent être perdues sans affecter les capacités de navigation autonome du robot. Ces caractéristiques uniques permettent d’étendre la portée de l’exploration souterraine jusqu’à 7 km et de se déplacer jusqu’à 5 mètres par seconde. Elles permettent aussi de produire un modèle numérique 3D réaliste et précis des zones parcourues.

Christian Wörner : Pour nous, il est important que notre plateforme et nos services s’intègrent de manière transparente dans les processus de construction. Des géomètres aux directeurs de la construction ou à nos collègues de la facturation et du contrôle des projets – chacun doit être capable de tirer le meilleur parti des données acquises par drone. Nous avons ainsi développé une expérience utilisateur intuitive et facile à utiliser, tout en éliminant les barrières logicielles, par exemple pour les exportations en un clic dans d’autres logiciels SIG et CAO, ou pour travailler directement sur la plateforme et exporter des rapports PDF ou des fichiers CSV. Deux aspects uniques encore : nous offrons des forfaits de vol tout compris (avec pilote professionnel et autorisations) et – nous ne limitons pas le nombre d’utilisateurs des données. Nous pensons en effet que les projets se développent grâce au partage des données entre toutes les personnes impliquées.

Pouvez-vous détecter et reconnaître des objets sur les images produites par le drone, ou fournissez-vous uniquement des scans à vos clients ?

Christian Wörner : Notre plateforme offre de nombreuses fonctionnalités pour travailler sur des scans 2D et 3D dans le navigateur, comme les mesures et les annotations, et l’exportation transparente vers divers logiciels de CAO et de SIG. Cela fait de notre solution un outil parfait pour une grande variété de cas d’utilisation dans le domaine de la construction et des infrastructures. En même temps, nous travaillons déjà sur de nombreux cas d’usage pour détecter des conditions spécifiques, évaluer des quantités ou repérer des défauts généraux (par exemple, le projet de bande transporteuse que nous avons réalisé dans le cadre du programme LEONARD AI et le développement de notre IA de stock pour AVUS.DIGITAL). Mon collègue Andreas Ellinger et moi-même venons de rejoindre le programme d’intrapreneuriat LEONARD pour être appuyé sur tous ces enjeux.

Fran Espada : Nous fournissons les données des modèles numériques au moyen d’un système complet de visualisation 3D. Cet outil permet à nos clients de naviguer virtuellement dans les zones souterraines depuis leurs bureaux, en utilisant simplement un navigateur Web standard. Il permet aussi de détecter des objets inattendus obstruant les tunnels d’eau et autres anomalies. Cette méthode permet de gagner du temps et d’éviter de mettre la vie des gens en danger. Comme AVUS, nous travaillons également sur des outils d’IA pour automatiser la détection des anomalies, en évitant l’intervention humaine même pendant la phase de post-analyse.

Qu’en est-il du développement commercial de vos solutions respectives ?

Fran Espada : Notre modèle commercial est appelé Robot-as-a-Service (RaaS). Nous ne vendons pas de robots, mais les données que nous générons. Cela ne nécessite aucun investissement CAPEX. Nous proposons des contrats récurrents à nos clients, dans un modèle d’abonnement mensuel où ils paient des frais d’abonnement qui leur permettent de scanner régulièrement leurs installations en fonction de leurs besoins. Nous avons des projets ambitieux de croissance pour cette année 2022, ainsi que la poursuite de l’ouverture de nouveaux marchés et de la croissance internationale. La technologie est protégée par deux brevets déposés auprès de l’OEB et du PCT.

Christian Wörner : Comme nous nous concentrons sur des flux de travail très proches de l’industrie, elle s’intègre facilement à tous les processus existants. Outre notre activité principale, à savoir la plateforme AVUS.DIGITAL et l’offre de vols de drones, nous avons lancé l’école de pilotage AVUS.DIGITAL en 2021. Nous avons déjà formé de nombreux chefs de chantier et géomètres pour qu’ils deviennent des pilotes de drone professionnels. Notre objectif pour 2022 est d’augmenter encore ce nombre et de permettre à davantage d’entreprises du groupe VINCI de tirer parti de la technologie autour des données aériennes. À l’avenir, nous nous concentrerons sur le calcul automatisé des données des drones.

Selon vous, où en sera la technologie dans 5 ans ?

Christian Wörner : Nous sommes à un moment incroyable et nous assistons à une montée en puissance des possibilités de collecte de données à grande échelle et de leur traitement. Dans 5 ans, j’imagine volontiers que nous aurons des vols autonomes réguliers sur les sites des projets de construction. Ces vols, associés à de nombreuses autres sources de données et capteurs, nous permettront de déduire automatiquement des informations sur la progression et l’état des routes, des bâtiments et des actifs industriels et auront un impact fondamental sur notre façon de travailler. Je suis impatient de voir l’avenir de l’automatisation et de la robotique dans la construction.

Fran Espada : Je partage l’avis de Christian. La technologie sera en développement continu dans les années, voire les décennies à venir. Nos robots volants seront équipés de capteurs plus sensibles et plus précis, associés à des algorithmes d’IA, afin d’accomplir des missions dans des scénarios souterrains plus complexes (comme les grands réseaux de distribution d’eau). Ce processus s’accompagnera d’une miniaturisation importante des drones.

En ce qui concerne le marché, nous assistons à l’émergence d’un nouveau paradigme pour la numérisation et la maintenance des infrastructures souterraines. De la même manière que la technologie n’existait tout simplement pas il y a cinq ans, son utilisation sera obligatoire d’ici cinq ans selon moi.

Contacts :

Fran Espada : f.espada@hoveringsolutions.com

Christian Wörner : christian.woerner@via-imc.com

 

Cet article a été publié dans le cadre de la newsletter Leonard. Abonnez-vous pour recevoir les prochaines en suivant ce lien.

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