Les constructions souterraines sont au cœur des projets d’aménagement des centres urbains. Elles apportent des éléments de réponse à des problématiques de mobilité et d’accès à des hypercentres saturés où la voiture individuelle trouve de plus en plus difficilement sa place. Ces mêmes enjeux technologiques s’appliquent également aux réseaux d’eau, à l’enfouissement des déchets et au stockage d’énergie. Ce marché, traditionnellement tenu par les entreprises de génie civil européen, fait face à une double pression : d’un côté l’arrivée de grandes entreprises chinoises aux moyens considérables, de l’autre des entreprises qui entendent transformer le métier, à l’image de la Boring Company d’Elon Musk.
Face à ce double constat, Marc Hasenohr, directeur de la Tunnel Factory chez VINCI Construction Grands Projets, met en valeur l’expertise technique du groupe, tant du point de vue des ouvrages que des machines ou des services associés. Pour développer ces atouts, la Tunnel Factory, une équipe de R&D hébergée par Leonard, élabore des solutions autour de 4 axes : différenciation de l’offre, réduction des risques lors des travaux, hausse de la sécurité tant pour les compagnons que pour les riverains et enfin optimisation des coûts. Trois leviers d’innovation sont privilégiés : l’automatisation du matériel, la géotechnique et l’intégration de la data science.
Les innovations développées dans le domaine géotechnique permettent de systématiser des techniques de reconnaissance pour donner au tunnelier une vision accrue de son environnement souterrain. La data science profite quant à elle des retours d’expérience recueillis en 20 ans de chantiers pour développer des algorithmes capables de prédire des phénomènes et des lois de comportement des machines et du terrain.
Sébastien Magat et Jean-Ghislain La Fonta ont donné deux autres exemples d’applications de la data science et de la géotechnique dans les travaux souterrains.
Un scanner en réalité augmentée des réseaux souterrains
Sébastien Magat, fondateur d’AVUS et ancien intrapreneur chez Leonard, a été confronté au cours de différents chantiers aux problèmes liés au manque de précision et de fiabilité des informations liées aux réseaux enterrés. Bilan : près de 60 000 incidents par an et des dommages qui se chiffrent à 100 millions d’euros par an, sans compter la gêne occasionnée pour les riverains et les blessures dues à ces casses. Fort de ce constat, Sébastien a lancé AVUS dans le cadre du programme Intrapreneurs de Leonard, une solution qui modélise en réalité augmentée les informations sur les souterrains. AVUS intègre l’ensemble des informations disponibles sur le chantier et la corrige en temps réel. Celle-ci est par la suite modélisée sous la forme d’un hologramme accessible sur toutes les plateformes.
Cette information est recueillie en trois étapes : l’agrégation de l’information envoyée par le client (l’ensemble des plans existants a priori), les résultats d’analyse de géo-détection, et enfin les informations issues du creusage de la tranchée. L’hologramme qui en résulte est très précis, avec une marge d’erreur autour de cinq centimètres dans les trois dimensions de l’espace.
Avec cet outil, AVUS a pour vocation finale d’appuyer le développement d’équipements autonomes, de faciliter la planification et le design de structures, de planifier la réponse à des urgences lors de catastrophes naturelles et de modéliser des éléments visibles pour faciliter la maintenance. La technologie a déjà fait ses preuves sur plusieurs opérations, par exemple sur un chantier de pose de chauffage thermique, réalisé par SOGEA, à Paris.
Des approches technologiques complémentaires pour surveiller les souterrains
En présentant les solutions innovantes de Sixense, leader mondial du monitoring de grands projets urbains, Jean-Ghislain La Fonta insiste sur la complémentarité des approches technologiques. Sixense déploie quatre technologies pour établir une surveillance précise du terrain : le monitoring en temps réel sur les chantiers à l’aide de capteurs, le suivi des mouvements du sol depuis l’espace, l’analyse sismique des sous-sols et une plateforme logicielle qui permet d’agréger et de rendre lisible l’ensemble de ces données.
Le monitoring en temps réel déploie des capteurs en divers endroits du chantier – le sol, les forages, les bâtiments – les fait communiquer entre eux pour enregistrer une multitude de données : la déformation du sol, des structures, les impacts sur les riverains (bruit, vibrations, pollution).
Le suivi des mouvements du sol depuis l’espace, rendu possible grâce à la technologie Atlas, se fonde sur l’imagerie satellitaire pour produire un historique des mouvements des sols sur une surface dépassant celle du chantier même. Cette technologie est extrêmement précise (la marge d’erreur est de trois millimètres). Pour l’instant les images sont actualisées tous les 10 à 11 jours, et prochainement chaque jour.
La technique d’analyse sismique des sous-sols développée par Sixense, dénommée Sissterra, propose une sorte de radio du sous-sol urbain par l’analyse des vibrations naturelles de la ville. L’ensemble de ces informations sont enfin intégrées au sein de la plate-forme Beyond, qui acquiert, agrège et rend lisible les données en temps réel grâce à des modélisations numériques traduisant les informations collectées en images.
À l’heure des monumentaux chantiers souterrains du Grand Paris, la technologie s’invite dans le sous-sol à travers l’automatisation, la géotechnique et la data science, la virtualisation des réseaux enterrés, le monitoring en temps réel, l’imagerie spatiale ou l’analyse sismique !