Alors que les militants écologiques s’inquiètent de l’impact environnemental de la 5G, que le grand public s’interroge sur ce qu’elle changera vraiment, les industriels s’enthousiasment de son potentiel disruptif dans la chaîne de production. La technologie mobile, colonne vertébrale de la numérisation de l’industrie, consacrerait l’avènement de la quatrième révolution industrielle (4RI). Après l’invention de la machine à vapeur, du travail à la chaîne et de l’automatisation, l’Internet des Objets (IoT) permettrait de mettre en réseau l’outil productif et d’organiser une usine plus intelligente.
Pour le néophyte, les expressions de 5G, IoT et 4RI ne veulent probablement pas dire grand chose. Elles signifient simplement que des outils équipés de capteurs peuvent communiquer entre eux sur leur état et leur fonctionnement. Ce faisant, ils génèrent une grande quantité d’informations qui permet de modéliser virtuellement la chaîne de production, ce qui facilite sa gestion et sa maintenance.
Le cabinet de conseil McKinsey donne ainsi l’exemple d’une mine d’or qui – grâce à des capteurs – a pu détecter des variations anormales du niveau d’oxygène pendant une étape d’exploitation. Une fois le dysfonctionnement corrigé, les rendements ont été améliorés de près de 4% rapportant plus de 20 millions de dollars supplémentaires par an.
Innovations en rafale
Les technologies de l’information et de la communication sont au cœur de ce système, qui profite des progrès du big data et de l’intelligence artificielle. D’ores et déjà, les grands groupes développent des solutions innovantes pour amorcer leur passage à l’usine intelligente. D’après l’Office Européen des brevets (OEB), une forte accélération du nombre de brevets liés aux objets connectés et à la 4RI a été constatée ces dernières années.
« Entre 2010 et 2018, les demandes de brevet au niveau mondial pour ces technologies, qui concernent les objets connectés intelligents et englobent l’Internet des objets, les big data, la 5G et l’intelligence artificielle (IA), ont augmenté à un taux annuel moyen de près de 20 %, soit près de cinq fois plus vite que la moyenne de tous les domaines technologiques » affirme l’organisation. Les principaux clusters d’innovation se trouvent à Séoul, Tokyo et dans la Silicon Valley. En Europe, ils se situent principalement en Allemagne, mais aussi à Paris, Londres et aux Pays-Bas. Le développement de la 5G est identifié comme le principal moteur et dénominateur commun de ces innovations.
L’usine intelligente
Dans le secteur logistique, la 5G est très prometteuse. Les deux leaders européens Nokia et Ericsson expérimentent depuis plusieurs années leur technologie dans les ports du Havre et de Livourne. Désormais télécommandés et interconnectés en 5G, les portiques et les grues sont mieux coordonnés et boostent la productivité de 25%. Les procédures d’accostage des navires ont également pu être optimisées, générant des gains de temps et des économies de fioul. En partenariat avec Orange Belgium, le port d’Anvers s’est doté d’un campus Industry 4.0 afin d’expérimenter de nouvelles caméras intelligentes, l’utilisation de drones ou de véhicules autonomes.
La sécurité et l’efficacité des ouvriers profiteront de la 5G : en facilitant d’une part le pilotage de robots capables de les soulager des tâches les plus pénibles, mais aussi dans la coopération homme/machine. Grâce à l’augmentation du débit d’information, la réalité augmentée et la réalité virtuelle passeront à l’échelle dans l’usine afin d’assister certaines opérations. Le télépilotage d’engins et de machines pourra se généraliser grâce à l’amélioration de la latence et de la fiabilité des communications.
Ondes complémentaires
Grâce aux capteurs, le débit d’un pipeline ou l’évolution du trafic en ville peuvent être mesurés et transmis de façon régulière à un centre de contrôle qui sera notifié d’une anomalie. En agriculture, le suivi de la température ou de l’humidité d’un champ pourra être fait automatiquement, comme l’expérimente Huawei en Chine et au Brésil. Pour ces suivis, des fréquences basses à longue portée peuvent suffire, comme Sigfox et LoRa, qui contribuent déjà au développement de l’internet des objets.
Cette masse de données permet de modéliser le fonctionnement de l’usine en temps réel. Elle accompagne la prise de décision de l’opérateur, mais peut aussi déclencher des protocoles automatisés. Une telle modélisation offre également de la flexibilité dans la chaîne de production. Celle-ci pourra s’adapter facilement à l’évolution de la demande, ou même modifier un produit directement.
Selon IHS Markit, la 5G devrait permettre de générer 12,3 trillions de dollars et 22 millions d’emplois d’ici 2035. De très nombreuses applications de la 5G dans l’industrie sont encore à découvrir.