Au World Urban Forum, le « défi durable » compte sur la construction modulaire

Le dernier World Urban Forum, rencontre internationale propulsée par l’ONU, a été décrit comme une célébration de l’urbanisme en réponse aux grands défis sociaux et environnementaux de demain. Mais la modularité, concept architectural au cœur des discussions, est aussi une question d’ingénierie… Cela tombe bien : les industriels s’annoncent prêts.

Construction modulaire, l'exemple de Kuala Lumpur

Les 164 pays ayant assisté à la neuvième édition du World Urban Forum (WUF) ont, le 13 février, signé une déclaration « Villes 2030 » visant à poser les jalons opérationnels de la « ville durable ». Faisant rencontrer bailleurs internationaux et acteurs de la société civile, le WUF 2018 cherchait en particulier à donner du corps au Nouveau programme pour les villes de l’ONU, avec une approche avant tout urbaniste.

Kuala Lumpur, qui accueillait l’événement, offre une illustration exemplaire d’un « défi durable » dont les contours sont avant toute chose posés en termes d’urbanisme et de construction. La capitale malaise cherche à répondre à une double problématique : la grande densité et le coût trop élevé de l’immobilier dans son centre-ville. Un centre-ville abandonné le soir par ses travailleurs pendulaires, ce qui engendre congestion du trafic, accroissement de la pollution et faible attachement des citadins à un espace urbain détérioré. Pour revitaliser et rendre le logement de centre-ville abordable, la solution envisagée consiste à mobiliser des espaces urbains sous-utilisés, centres commerciaux anciens ou places de parking, pour rendre disponibles des petites parcelles de logement – on parle de micro-housing. Deux prototypes de ces logements volontairement étriqués, visant à réintroduire un mode de vie « village » (ou kampung, dimension importante de la culture malaise) au milieu des gratte-ciels, ont été installés pendant le WUF. Les designers, qui ont proposé un concept de bâtiment montable et démontable « comme un Lego », vont désormais eux-mêmes dormir dans ces « micro-maisons » pour les tester.

Un concept « intéressant », s’amuse une revue malaisienne, qui note que les micro-houses de Kuala Lumpur, du fait de leur impératif de modularité, semblent en l’état trop chères pour être développées, même si les coûts pourront être réduits en phase d’industrialisation. C’est que les prefab technologies semblent en parallèle arriver à maturité. D’un point de vue industriel tout d’abord, avec la numérisation des méthodes de (pré-)fabrication, la robotique, le lean manufacturing et les logiciels de modélisation permettant de disposer de pièces pré-assemblées livrées sur site. Maturité commerciale aussi, puisque, la demande de construction modulaire augmente à travers le monde, au point que qu’elle va « s’ajouter aux sources de revenus » traditionnelles des constructeurs…

A Kuala Lumpur comme à Toronto (où Google mène le projet Quayside, modèle d’architecture modulaire et dynamique) et ailleurs, les visions et expérimentations urbaines sont certes proposées pour projeter un avenir désirable, décrocher des investissements et se positionner comme leader du marché, ainsi que l’analysait récemment The Atlantic. Mais avec le modulaire et les plateformes logicielles de construction, c’est aussi la fin annoncée d’une approche linéaire de la ville, où l’ingénierie n’intervenait qu’en fin de chaîne. C’est en tout cas la vision des acteurs de la construction numérisée. Celle-ci, main dans la main avec l’urbanisme, détiendra-t-elle les clés de la ville durable ? Rendez-vous en 2020 pour un bilan, au WUF 10 de Dubaï.

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