Building Beyond – Jour 5 – Explorer de nouvelles manières d’aménager les territoires

Préservation des sols naturels, réduction de l'usage des ressources naturelles, limitation des émissions de CO2, accès à l’habitat abordable...L’aménagement se réinvente pour répondre à une conjonction inédite d'exigences. Du temps long du planificateur au quotidien de l'habitant, du territoire à l'opération, gouvernance et compétences sont appelées à évoluer tandis que la science participe à la nécessaire adaptation du bâti et des infrastructures aux aléas climatiques.

Il est parfois difficile de faire se rencontrer les échelles de temps et d’espace nécessaires à la transformation des territoires. Pendant que les élus locaux se soucient du quotidien, les schémas de cohérence territoriales (SCot) planifient l’aménagement à 20 ans. Quand les grands cadres légaux affichent des ambitions cohérentes avec l’urgence environnementale – le « Zéro Artificialisation Nette », par exemple – ils laissent ouverte la traduction opérationnelle de ces ambitions. Quels nouveaux outils mobiliser pour orienter l’action ? De quels principes se doter ? Parmi les pistes évoquées : des outils cartographiques d’aide à la décision qui appréhendent mieux les caractéristiques socio-économiques des territoires ou des instances de concertation capables de jouer avec les frontières territoriales.

> (re)voir la table ronde « Quelles compétences territoriales pour réussir la transition environnementale ? », avec Edouard Dequeker, professeur à la chaire d’Economie urbaine, ESSEC ;  Létizia Delorme, Directrice du  Syndicat Mixte du SCoT du Pays Basque & du Seignanx ; Karine Hurel, Déléguée générale adjointe, Fédération nationale des agences d’urbanisme ; Virginie Leroy, Directrice générale adjointe aménagement et grands projets urbains, Directrice de département bureaux, VINCI Immobilier

–  Par leur organisation et leur fonctionnement, les villes sont particulièrement vulnérables à la multiplication des événements climatiques extrêmes. Elles ne sont cependant pas démunies pour y faire face. Les outils de modélisation numérique du bâti urbain, des flux atmosphériques et thermiques, et la disponibilité croissante de données satellites précises et fréquentes, permettent aujourd’hui d’identifier les risques et de tester la pertinence de différentes options d’aménagement. Les équipes du lab recherche environnement VINCI ParisTech contribuent à développer ces outils d’anticipation de la résilience urbaine, de même que les cabinets d’expertise, tel Resallience, qui accompagnent les collectivités territoriales les plus exposées, aux côtés des agences gouvernementales.

> (re)voir la table ronde « Adapter les villes aux extrêmes climatiques », avec Justine Bichon, chargée de mission Transition écologique Agence Parisienne du Climat ; Erwann Personne, maître de conférences AgroParisTech ; Bruno Peuportier, Directeur de recherche, Mines Paris PSL ; Karim Selouane, directeur et fondateur de Resallience

–  Si les villes produisent la majeure partie de la richesse économique mondiale, leur fonctionnement en fait également de grandes consommatrices d’énergie, de matières premières, de sols. La conscience de la raréfaction des ressources conduit aujourd’hui de nombreux acteurs économiques à envisager une économie plus circulaire, fondée d’abord sur le réemploi et la réutilisation. À l’échelle du bâti, celle-ci cherche à intensifier les usages, à les rendre plus adaptatifs. A l’échelle territoriale, les maîtres mots sont désormais la densification et le recyclage.

> (re)voir la table ronde « La ville circulaire: du chantier au territoire », avec Aristide Athanassiadis, chercheur senior, École polytechnique de Lausanne; Justine Emringer, Cheffe de projet métabolisme urbain, Plaine Commune; Sylvain Grisot, fondateur de dixi.net et Sophia Ouabi Aïssi, cheffe de projet économie circulaire, VINCI Construction

Habités par un tiers des Français, les espaces périurbains sont souvent présentés comme un modèle repoussoir d’urbanisation plutôt que comme des lieux où peuvent s’inventer transitions et opportunités. Qu’il s’agisse de décarbonation des mobilités, de densification acceptable de l’habitat, de frein à l’artificialisation des sols ou encore d’adaptation au changement climatique, comment aménager aujourd’hui le périurbain en respectant mieux ses qualités propres et les habitants qui y vivent ? Pour répondre, le regard doit retrouver une objectivité parfois oubliée : le périurbain est attractif pour beaucoup, il est hétérogène, divers dans ses potentialités comme dans ses limites.

> (re)voir la table ronde « Le périurbain sans a priori », avec Maxence De Block, chargé de projet, Vraiment Vraiment ; Lucile Mettetal, chargée d’études et de projet, Institut Paris Région

Nombre d’aménagements temporaires rencontrent un vif succès dans les centres ou en périphérie des villes, parce qu’ils parviennent à remettre en lien quartiers et populations, à répondre à des besoins insatisfaits, autant qu’à ouvrir de nouvelles perspectives aux investisseurs et opérateurs immobiliers. Au gré d’extraits de films montrant les diverses facettes des aménagements temporaires, et des inspirations qu’ils suscitent, se révèlent les projets issus de collectifs d’habitants et de citoyens, proposant projets culturels, sociaux, artistiques ou festifs. La friche, c’est chic !

> (re)voir le ciné-débat « Ciné-débat : « La friche, c’est chic ! », avec Charlotte Girerd, responsable Prospective et Expérimentation, SNCF Immobilier; Jean-Philip Lucas, Associé, Ancoats ; Garance Paillasson, architecte et réalisatrice, Aurore Rapin, coordinatrice des projets Yes We Camp ; et Aldo Bearzato, co-fondateur du festival Close Up (13-19 octobre, Paris et Ile de France)

À la source

– Sylvain Grisot, « Manifeste pour un urbanisme circulaire », éditions Apogée, 2021

– « Les perceptions des villes moyennes par les Français », sondage réalisé pour la Fabrique de la cité par Kantar et Potloc, novembre 2020

– « Territoires invisibles, histoires d’architectures et de paysages quotidiens », exposition et extraits cinématographique réunis par le festival Close Up, CAUE Rhône Métropole, 20 mai – 18 décembre 2021

– M. Poulot, « Du vert dans le périurbain. Les espaces ouverts, une hybridation de l’espace public (exemples franciliens) », EspacesTemps.net, Association Espaces Temps.net, 2013 hal-00974374

– Garance Paillasson, « Devenir architecte – Questionnements sur les pratiques architecturales et émergentes », documentaire, 2021

Chiffres clés

– Dans la métropole du Grand Paris, 73% de la population est potentiellement soumise à des îlots de chaleur urbain de moyenne à forte intensité ; 125 communes sur 131 sont concernées par un risque d’inondation

– La modélisation du métabolisme urbain de Melbourne indique qu’il faut, pour construire 1 km2 de ville, plus d’un million de tonnes de matériaux, 17 millions de m3 d’eau, et que cela produit 605 000 tonnes de CO2

– Sur les chantiers de construction en France, 1 à 2% des matériaux sont réemployés

– En France, la croissance spatiale de la ville se fait au rythme de 20 à 30 000 ha/an, surface dont 80% sont des sols agricoles

– 11% des Franciliens vivent en milieu périurbain, qui représente 70% de la surface de l’Ile de France

À méditer

Karine Hurel

« Les cartes, malgré leurs indéniables qualités, appréhendent le réel avec un point de vue zénithal, elles mettent tout à plat, délimitent des zones, des frontières ; elle savent dès lors très mal représenter la qualité de l’air, la biodiversité dans les sols ; d’une certaine manière, les logiciels des systèmes d’information géographique nous enferment dans une vision à plat. »

Aristide Athanassiadis

« L’idée de l’économie circulaire, qui consiste, pour le dire très simplement, à réutiliser les flux sortants d’un territoire comme nouvelles ressources est très prometteuse ; et la plus grande de ses promesses se joue en ville. »

Justine Emringer

« Les projets d’économie circulaire doivent évoluer de l’opportunisme à une stratégie foncière circulaire : il faut en effet du foncier pour disposer de zones tampons, indispensables pour faire le lien entre ce qui est déconstruit ou démoli et ce qui est construit. »

Maxence De Block

« Les lieux publics des communes périurbaines peuvent jouer un grand rôle pour créer des centralités plus nombreuses et attractives. Je rêve par exemple de la salle des fêtes du futur, accessible en semaine, pour différentes activités, différents publics, et pas seulement pour quelques événements en fin de semaine. Rétablir les centralités est une clé pour éviter certains déplacements. »

Charlotte Girerd

« Ce que nous ont appris les projets d’aménagement temporaire soutenus par SNCF Immo, c’est qu’une partie insoupçonnée de notre patrimoine est perçue comme intéressante par un public large, peut être conservé plus longtemps que nous le pensions, et mobilise un public local prêt à s’y rendre à pied. D’une certaine manière, c’est la preuve que le soin apporté à la ville il y a 100 ans nous est bénéfique aujourd’hui. »

Regards neufs

…sur l’échelle de l’aménagement : toutes les friches ne se valent pas. Il est plus aisé d’aménager une friche – qui peut impliquer des coûts de désamiantage, de dépollution des sols, etc.- au centre de Paris qu’une friche dans une ville moyenne. Le prix  du foncier de la capitale peut en effet plus facilement absorber les coûts. En d’autres termes, et comme le souligne Virginie Leroy, pour que les projets de recyclage urbain soient économiquement réalistes partout, il faut changer d’échelle, et créer les conditions favorables à une péréquation foncière des territoires.

… sur les comportements et l’adaptation aux changements climatiques : la végétalisation contribue assurément à atténuer les effets d’îlots de chaleur en ville, en créant des îlots de fraîcheur. L’isolation par l’extérieur et l’utilisation de matériaux inertes au sol limitent, pour leur part, l’augmentation de la température intérieure. Mais les comportements jouent également un rôle très important, parfois négligé. Oublier de baisser des stores aux heures chaudes et d’aérer aux heures fraîches peut ainsi faire perdre le bénéfice d’une rénovation énergétique.

… sur la conception :  l’économie circulaire, pour prendre plus d’ampleur, doit être intégrée dès les phases de conception, à la fois pour penser le réemploi, mais également pour réapprendre à regarder l’existant et inventer une architecture adaptative, tant il n’est pas réaliste de vouloir produire des solutions standards pour le « déjà là ».

… sur les jardins: comme le rappelle Lucile Mettetal, la statistique publique a pu raisonner de manière trop binaire, considérant qu’un lotissement pavillonnaire est 100% urbanisé, un champ agricole  100% naturel. Or les jardins des pavillons peuvent légitimement être considérés comme des sols non artificialisés – et nombre de champs n’ont plus grand chose de naturel. Les jardins pourraient ainsi cesser d’être perçus, dans le mouvement de densification, comme un vide à combler, et l’idéal des cités-jardins pourrait retrouver un certain souffle.

… sur l’aménagement temporaire : l’aménagement temporaire de fonciers industriels ou commerciaux présente les avantages établis de limiter les coûts de gardiennage, de valoriser le bâti existant, et, surtout, d’offrir de nouvelles expériences urbaines. L’expérience accumulée par les acteurs de ce mode d’aménagement – associations, opérateurs, collectivités, aménageurs…- amène à voir au-delà des premiers essais, parfois résumés à une architure de palettes et à des usages festifs, pour considérer que l’aménagement temporaire, d’une part, peut en pratique s’inscrire dans la durée (5 ans, pour l’emblématique projet des « Grands Voisins », à Paris) et, d’autre part, servir de passerelle prototypique au service d’aménagements futurs ainsi mieux adaptés à leur ancrage social et urbain.

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