Ce compte-rendu est tiré d’un webinaire organisé par Leonard et La Fabrique de la Cité, avec les interventions de Kristine Bekkelund, conseillère pour le développement durable et l’innovation d’Oslobygg (Norvège), Elodie Guyot, cheffe de l’électromobilité Europe de Volvo Construction Equipement et Antoine Laquais, directeur des travaux de Grand Paris Aménagement.
Le replay peut être retrouvé ici :
« La construction pèse pour environ 10% du total des émissions directes de gaz à effet de serre. C’est la troisième source d’émissions directes. Notre objectif est de faire en sorte que l’ensemble du secteur de la construction à Oslo soit zéro émission en 2030. Et je parle ici des sites de construction municipaux, mais également des chantiers privés », annonce Kristine Bekkelund, conseillère environnement au sein d’Oslobygg, société en charge de la gestion foncière de la capitale norvégienne.
Oslo fait sans doute ici figure de ville pionnière, avec un objectif de réduction de 95% des émissions directes de gaz à effet de serre de ses chantiers à l’horizon 2030 par rapport aux niveaux de 2009. Dès 2017, la métropole s’est engagée dans une stratégie de décarbonation de ses chantiers, notamment fondée sur un cahier des charges restrictif relatif aux conditions d’attribution de ses marchés publics, avec un calendrier séquencé de renforcement des exigences.
Jusqu’au 31 décembre 2024, les appels publics portant sur des contrats d’une valeur inférieure à 42 800 euros ne sont accessibles qu’aux offres n’impliquant aucun engin de chantier utilisant des combustibles fossiles. Au-delà de 42 800 euros, l’interdiction des sources fossiles est élargie au transport des personnes et à la gestion des déchets. « Pour des projets au-delà de 5 millions d’euros nous exigeons également que les processus de chauffage et de séchage n’aient pas recours aux combustibles fossiles », complète Kristine Bekkelund. À partir du 1er janvier 2025, de nouvelles exigences s’appliqueront. Tous les engins et équipements sur site seront soumis à l’impératif du « zéro émission », tout comme les transports depuis ou vers le chantier.
Des constructeurs d’engins au rendez-vous
Si les mesures prises par la ville d’Oslo placent la Norvège dans le peloton des bons élèves européens en matière de décarbonation des chantiers de construction, d’autres pays ont amorcé des politiques volontaristes. Aux Pays-Bas par exemple, 45 leaders de la filière construction ont pris des engagements formels pour accélérer l’électrification. Autre initiative néerlandaise : un chantier autoroutier pilote, mobilisant 52 équipements zéro émission de 16 constructeurs différents.
Autre exemple, la ville d’Helsinki, qui s’inspire de très près d’Oslo, affichant depuis peu des exigences beaucoup plus franches dans ses appels d’offres. Et ce, avec succès, témoigne Elodie Guyot, directrice écomobilité Europe chez Volvo Construction Equipment : « Dans le cadre d’un chantier de voirie piétonne l’été dernier, nous avons mobilisé une pelle électrique de 23 tonnes durant 400 heures, avec un point de recharge rapide situé à peu près à 100 mètres de la zone de travail. Ce, sous une température atteignant 35° et avec de nombreux épisodes pluvieux. »
Les actions lancées ici et là ne doivent pas occulter la persistance de nombreux freins à l’adoption de l’électrification : poids des investissements de départ à consentir dans une technologie plus coûteuse que celle en place depuis plus d’un siècle ; incertitude quant à la pertinence des choix technologiques à moyenne échéance ; interrogations sur la valeur résiduelle des équipements…
La France, parmi les mauvais élèves
Beaucoup de chemin reste à faire. A fortiori chez les plus mauvais élèves, parmi lesquels… La France.
« On en est aux balbutiements, résume Antoine Laquais, directeur travaux Grand Paris Aménagement. La priorité écologique est maintenant acquise auprès du public comme auprès des acteurs, mais le vrai sujet, aujourd’hui, c’est la mise en place d’un écosystème.» Et de pointer les carences dans l’accès à l’énergie, ainsi que le manque de fluidité des échanges entre maîtres d’ouvrage, clients et concessionnaires.
« 80% des projets de Grand Paris Aménagement se font en environnement urbain ou périurbain, donc avec un accès à l’énergie a priori relativement facile. Il n’en reste pas moins que sur une centaine d’opérations en cours, on doit pouvoir en compter une vingtaine où l’accès à l’électricité est plus compliqué. Il faut savoir qu’en France, une demande de raccordement auprès d’Enedis peut osciller entre trois mois et un an », souligne Antoine Laquais. Une incertitude qui peut faire réfléchir lorsqu’il s’agit de planifier le chantier pour le livrer à temps.
La transition énergétique des chantiers de construction devra en outre composer avec une demande de consommation d’électricité en forte croissance qui nécessitera peut-être des arbitrages entre les usages. D’où l’importance d’une volonté politique sur le sujet, qui manque encore pour faire décoller cette transformation du secteur de la construction.