Les entreprises sont au coeur de la discussion, partant de l’étude menée par l’association Entreprises pour l’Environnement (EpE), présentée par David Laurent, Responsable du pôle Climat et Ressources. Pour évoquer ce vaste sujet, l’accompagnent Matthieu Auzanneau, Directeur de The Shift Project et Armelle Langlois, Directrice du Pôle Performance Durable chez VINCI Construction.
Penser les objectifs pour les années à venir
En France, dans le cadre de la lutte contre le dérèglement climatique, c’est le Plan Climat qui traduit en mesures concrètes les grandes orientations décidées par les Accords de Paris en 2015 au niveau international. Dans cette dynamique, les 40 entreprises françaises au sein d’EpE ont étudié les possibilités d’une neutralité carbone en France, avec l’étude ZEN 2050, destinée à identifier les transformations économiques et sociétales majeures rendues nécessaires par le nouveau régime climatique dans lequel elles évoluent.
L’étude dépeint un objectif ambitieux : la neutralité carbone, essentielle pour ralentir la hausse des températures, avec un objectif de réduction des émissions de 4,5% par an pour les 30 prochaines années. Pour atteindre un tel chiffre, la démarche doit être transversale. Parmi les stratégies à adopter, on peut notamment évoquer une diminution de 90% des émissions dues à la mobilité, impliquant une électrification massive et l’utilisation majeure du gaz naturel pour les véhicules, ainsi que la rénovation d’environ 16 millions de logements sur le territoire français. Du côté des individus, on notera la recommandation de diminution de moitié du gaspillage alimentaire d’ici 2050.
Pour y parvenir, pouvoirs publics, acteurs économiques et citoyens devront travailler ensemble. Pour David Laurent, « chacun a des rôles et responsabilités à assumer, aucun n’y arrivera tout seul ». Pour concrétiser les mesures à prendre, 14 recommandations ont été publiées pour une prise de conscience collective, une transformation des cadres économiques pour le développement de solutions, l’adaptation de chaque entreprise à leur échelle et une révision du modèle de gestion des ressources naturelles.
Pistes d’actions pour les entreprises
La nouveauté aujourd’hui, c’est que la majorité des acteurs concernés s’accordent. Pour Matthieu Auzanneau, notre rapport à l’énergie aujourd’hui est simple : « nous souffrons d’une grave addiction aux énergies fossiles, dont il faut se sevrer le plus vite possible. On est dans la situation du fumeur qui se dit ‘’il faut que j’arrête’’ ». C’est ce que le Shift Project tente de mettre en place : instruire une vision économique centrée sur des énergies autres que fossiles, moins polluantes. Pour l’heure, la France n’a jamais connu de baisse constante de ses émissions, mis à part en situation de crise (lors de l’abandon du charbon ou en temps de guerre par exemple). Le sevrage doit se planifier et être collectif, passant par des obligations de rénovations émanant des études élaborées..
Armelle Langlois souligne quant à elle le besoin de convaincre les usagers pour garantir l’adoption des nouvelles solutions déployées. Les attentes des citoyens étant en constante évolution quant à la conception de la ville de demain, les entreprises doivent qualifier les usages. Armelle Langlois estime qu’il faut réadapter les modes de travail : « les usagers doivent être embarqués et devenir partie prenante ». L’implication d’acteurs majeurs comme VINCI est largement tournée vers la mesure d’efficacité et l’intégration de nouvelles solutions dans le quotidien des individus.
L’exemple du numérique, dont l’empreinte augmente de jour en jour (en particulier via la vidéo), est significatif : la limitation du débit doit s’adapter aux utilisateurs et aux enjeux écologiques. Le changement d’habitudes nécessite de poser des questions collectivement, et de s’adresser à tous les acteurs, publics et privés.
Les modèles sont à remettre en question ; que demande-t-on concrètement aux entreprises, et comment peuvent-elles accompagner les changements sociétaux ? Il s’agit aujourd’hui de déceler les alternatives, d’initier les discussions sur la raison d’être des entreprises elles-mêmes, à rebours de la célèbre citation de l’économiste américain Milton Friedman, qui affirmait dans les années 1980 : « La responsabilité sociale des entreprises, c’est de faire du profit ».