[Compte-rendu] COP 27 : Derrière la frustration, l’entrée en scène de la responsabilité pour les dommages causés

Elle s’est certes clôturée le 18 novembre 2022 sur une impression d’“inabouti”. Mais peut-on réduire la COP 27 à un coup d’épée dans l’eau ? Pour en débattre, Leonard conviait dès le 24 novembre quatre experts de retour de Charm el-Cheikh : Cassilde Brenière, adjointe au directeur exécutif Solutions Développement Durable en charge des ODD transversaux à l’Agence Française de Développement, Isabelle Spiegel, directrice Environnement du groupe VINCI, Karim Selouane, fondateur de Résallience et Lola Vallejo, directrice du Programme Climat de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).

sur fond de ciel et avec un filtre bleu, 4 photographies d'intervenants (3 femmes et 1 homme)

Du 6 au 18 novembre 2022 s’est tenue à Charm el-Cheikh en Égypte la 27ème Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, dite COP 27. “Les COP se succèdent et le climat continue de se dérégler”, serait-on spontanément tenté de commenter. Sans nier la légitimité d’un sentiment de déception, les participants à la table ronde organisée par Leonard se sont accordés sur l’utilité de ce grand rendez-vous annuel mondial. « Même si les négociations officielles ne débouchent pas toujours sur des améliorations significatives, d’année en année la COP rythme le débat mondial autour des enjeux climatiques et participe des avancées politiques dans le domaine », a résumé Cassilde Brenière.

Isabelle Spiegel, directrice Environnement du groupe VINCI : « Les COP sont les plus petits dénominateurs communs, nécessaires mais non suffisants, de la réflexion sur la question climatique. »

La COP 27 n’a pas fait exception. Alors qu’il y a un an, à Glasgow, les négociations étaient polarisées autour des problématiques d’atténuation, la conférence de Charm el-Cheikh a clairement investi la question de la justice climatique, en actant de premières dispositions sur le champ des pertes et préjudices. Les États se sont ainsi mis d’accord pour créer un fonds – sans pour autant en garantir les sources ni le montant de l’abondement – dédié aux pays les plus touchés par les effets du dérèglement climatique, notamment les petits États insulaires. « C’est une énorme victoire pour les pays du Sud et pour la société civile qui s’est très fortement mobilisée pour la justice climatique », s’est félicitée Lola Vallejo.

Cassilde Brenière, adjointe au directeur exécutif Solutions Développement Durable en charge des ODD transversaux à l’Agence Française de Développement : « Il existe une taxonomie précise sur les champs de l’atténuation et de l’adaptation. Mais en ce qui concerne les pertes et préjudices, tout est à construire. »

Responsabiliser le secteur privé

Autre avancée à mettre au crédit de cette nouvelle COP : la mention d’une responsabilisation du secteur privé dans le dérèglement climatique et ses impacts pour les pays les plus pauvres. Pour la première fois, l’Union Européenne a repris à son compte l’hypothèse de taxes sur les secteurs de l’aviation, du transport maritime et des énergies fossiles. Reste à envisager des mécanismes juridiques à l’échelle internationale.

Lola Vallejo, directrice du Programme Climat de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) : « Si on avait tenu les engagements du Grenelle de l’environnement en matière de rénovation des bâtiments, nous n’aurions plus eu besoin du gaz russe en France. »

L’ouverture du spectre des responsabilités renvoie à la nécessaire construction d’une approche partagée de la question climatique. « Les infrastructures que nous construisons actuellement devront composer demain avec des dommages plus importants. À cet égard, tout me monde n’est sans doute pas prêt », a souligné Isabelle Spiegel, insistant sur le rôle critique que joueront les assureurs dans les futurs modèles de risques.

Pour Karim Selouane, il y a urgence à bâtir une stratégie systémique, mobilisant les registres économiques, sociaux, sociétaux et culturels dans le combat climatique. «Il va falloir investir dans la formation pour répondre à l’émergence de nouveaux métiers et aux reconversions professionnelles, imaginer de nouvelles gouvernances pour permettre aux territoires de prendre part aux plans d’action, introduire une rupture de paradigme dans la manière d’envisager des stratégies face à des horizons inconnus», a-t-il défendu.

Karim Selouane, fondateur de Résallience : « Il faut apprendre à se projeter dans une mutation radicale de nos environnements naturels mais aussi des environnements bâtis. »

Autant de nouveaux modèles qu’il faudra financer, au travers de mécanismes innovants, capables de prendre en compte la globalité et la complexité du prisme climatique, depuis les impératifs d’atténuation, jusqu’aux dispositifs de pertes et préjudices en passant par les stratégies d’adaptation.

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