L’hydrogène s’impose comme un pilier de la transition énergétique. Encore en développement, la filière pourrait répondre à de nombreux enjeux de nos territoires de demain (mobilité, décarbonation de l’industrie, stockage de l’énergie, etc.). « Vers une production décarbonée de l’hydrogène » est la 2ème rencontre d’un cycle dédié à l’hydrogène organisée par Leonard en partenariat avec la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale et la Fondation Energy Observer.
Animée par Jean-Pierre Cordier, président de la Commission Internationale de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale, la conférence a accueilli Florence Lambert, CEO de Genvia, François Legalland, Directeur du CEA-Liten, ainsi que Hugues Seutin, Directeur de l’activité Hydrogène chez VINCI Construction Grands Projets.
Pourquoi se tourner vers l’hydrogène ?
Pour Hugues Seutin, Directeur de l’activité Hydrogène de VINCI Construction Grands Projets, l’hydrogène est un vecteur énergétique universel, à la fois par son abondance, sa polyvalence et ses potentialités d’usage. À la fois utile à l’industrie, à la production d’électricité, de chaleur, carburant gazeux, l’hydrogène liquide (qui s’obtient à -250°C) est même utilisé comme carburant dans la filière spatiale. En plus d’être multifonction, l’hydrogène présente de grandes capacités de stockage. Cette énergie peut donc répondre à de nombreux enjeux et besoins.
L’hydrogène pourrait notamment trouver un terrain d’application décisif dans les mobilités, au service en particulier des véhicules avec des grands besoins d’autonomie et des charges importantes, comme les trains ou les avions. Pour Florence Lambert, CEO de Genvia, l’hydrogène va donner l’opportunité d’électrifier les véhicules en complément des batteries. Elle pourrait ouvrir la voie à des mobilités enfin décarbonées, avec un impact environnemental réduit.
La filière industrielle peut également y gagner. L’hydrogène permettra en effet aux différents secteurs de l’industrie de conserver un fort apport énergétique tout en poursuivant la décarbonation de leurs activités : un véritable atout pour des filières fortement émissives comme le ciment ou l’acier.
Comment produire de l’hydrogène en masse ?
Tout l’enjeu à présent est de massifier la production bas carbone de l’hydrogène afin de rendre cette énergie accessible et durable. Les intervenants de la table ronde se sont penchés sur cette problématique.
Il existe deux grandes filières de production d’hydrogène, présentées par Hugues Seutin : le vaporeformage qui permet de récupérer l’hydrogène présent dans le méthane (on parle « d’hydrogène fossile ») et l’électrolyse qui permet d’isoler l’hydrogène des molécules d’eau grâce à l’utilisation d’énergie électrique (on parle « d’hydrogène électrolytique »). Les différents types d’hydrogène produits sont classés par couleur.
D’après les intervenants de la conférence, l’électrolyse est l’avenir de l’hydrogène. En effet, cette solution présente un rendement énergétique plus intéressant que le vaporeformage et n’émet pas de carbone si l’ électricité est d’origine renouvelable ou nucléaire.
L’électrolyse se décline en 3 technologies, présentées par Florence Lambert, CEO de Genvia :
- L’électrolyse alcaline, relativement mature, qui est dérivée de l’industrie du chlore. Cette technologie permet d’ouvrir le marché à l’électrolyse.
- L’électrolyse Proton Exchange Membrane (PEM), actuellement en statut pré-commercial, avec des usines qui se mettent en place.
- L’électrolyse haute température (entre 700 et 850 degrés). Cette dernière solution est moins mature que les autres. Cependant, à quantité d’électricité comparable, elle promet une baisse substantielle des coûts de production de l’hydrogène.
Il est important que ces trois technologies n’entrent pas en concurrence, précisent Florence Lambert et François Legalland, Directeur du CEA-Liten. Au contraire, elles doivent se compléter afin de développer une offre large sur le marché.
Les freins et leviers au développement de l’hydrogène
Hugues Seutin observe deux freins principaux au développement de l’hydrogène. Le premier concerne l’organisation de la filière. Pour que l’hydrogène puisse se développer, il faut une filière complète qui intègre les 4 étapes suivantes : production d’énergie renouvelable, production d’hydrogène, transport de l’hydrogène et enfin utilisation de l’hydrogène. Pour l’instant, ces éléments ne sont pas réunis sur les différents marchés où se développe la filière hydrogène.
Le deuxième frein est le coût de production de l’hydrogène. L’hydrogène produit via électrolyse à partir d’électricité renouvelable coûte 4 à 8€ /kg de plus que l’hydrogène de base produit via vaporeformage. Pour être compétitif, il faudrait faire baisser son coût de production jusqu’à environ 1€ le kilo. Ce coût se rapprocherait ainsi de celui du gaz naturel. Or, 80% du coût de l’hydrogène issu de l’électrolyse dépend de l’achat d’électricité pour la production et du coût d’investissement dans l’unité de production.
Pour rendre l’hydrogène décarboné compétitif, il faudra donc :
- Développer les énergies renouvelables afin de réduire leur coût. Cependant, les énergies renouvelables seules ne suffiront pas. Selon Hugues Seutin, la France doit en effet bâtir un modèle qui prenne également en compte le nucléaire comme source d’électricité faiblement carbonée.
- Industrialiser la conception des unités de production d’hydrogène, également afin de réduire leur coût. L’électrolyse étant le mode de production le moins émetteur de carbone, c’est surtout sur celui-là que les efforts devront se concentrer.
En complément de la massification de la production, François Legalland, Directeur du CEA-Liten, identifie deux autres leviers :
- Un effort de financement de la recherche par les pouvoirs publics, à l’échelle locale, nationale et européenne.
- La coopération entre chercheurs et industriels. Les chercheurs doivent travailler avec les industriels sur l’optimisation de la production d’hydrogène (allonger la durée de vie des électrolyseurs, réduire les coûts des matériaux utilisés pour la conception des unités de production, améliorer les normes de sécurité de la filière, etc.).
Où en est la filière française ?
D’après une étude prospective de l’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (AFHYPAC), l’hydrogène décarboné pourrait couvrir 20% de la demande d’énergie finale en France d’ici 2050. C’est donc un tournant à ne pas rater. Bonne nouvelle : la filière française de l’hydrogène est en bonne voie !
La société Genvia illustre bien les atouts de notre pays. Créée par le CEA, Schlumberger, VINCI Construction, Vicat et l’Agence Régionale Énergie Climat Occitanie, Genvia associe chercheurs et industriels afin de favoriser l’innovation. Elle travaille sur un modèle innovant d’électrolyse haute température : il s’agit d’une technologie réversible qui permet de basculer d’un mode électrolyse à un mode pile à combustible. Cette technologie s’appuie sur 15 ans de recherche et développement ainsi que sur un portefeuille de brevets conséquent. Installée à Béziers, Genvia souhaite y développer une « Giga Factory » de l’hydrogène d’ici 2024, véritable vitrine du savoir-faire de la filière française.
Le développement de la filière française de l’hydrogène promet de créer de nombreux emplois « verts » dans les années à venir. En effet, comme l’affirme Florence Lambert, CEO de Genvia, la conception d’un électrolyseur nécessite la mise en place d’une chaîne de valeur complète : métallurgie, assemblage, etc. Or, le CEA-Liten vise l’installation de 7 gigawatts d’électrolyse en France d’ici 2030.
>> Pour aller plus loin, consultez la vidéo de Genvia : « Pourquoi le siège de Genvia est-il situé à Béziers ? »
Propos recueillis par Construction21 – La Rédaction