Après une première rencontre destinée à poser les enjeux et présenter les subtilités de la mesure de l’empreinte carbone du bâtiment, le deuxième événement du cycle « Construire la ville Zéro Carbone » s’est concentré sur un autre enjeu structurant pour tout projet de construction neuve : le choix des matériaux, et leur impact carbone.
Nous avions réuni quatre experts pour comparer des atouts des principaux matériaux employés dans le secteur : Nathalie Mehu et François Cussigh, respectivement chef de service solutions durables et expert béton chez VINCI Construction France, Anne-Sophie Perrissin-Fabert, directrice de l’Alliance HQE-GBC, et Mathieu Desaubliaux, ingénieur avant-projet chez Arbonis, filiale de VINCI Construction spécialisée dans la construction bois.
La conférence peut être visionnée dans son intégralité sur notre compte YouTube.
Les matériaux, composant déterminant du bilan carbone du bâtiment neuf
Les évolutions réglementaires à venir appellent à une mutation des pratiques et des manières d’appréhender un projet de construction. Le 1er juillet 2020, la Réglementation environnementale (dite RE 2020), qui remplacera l’actuelle RT 2012, imposera d’étudier l’impact global de la construction à toutes les étapes de la vie du bâtiment, du choix des matières premières utilisées jusqu’à sa démolition, en passant par l’exploitation du bâtiment. Réduire la consommation énergétique des bâtiments ne suffit plus ; il faudra analyser l’impact global de la construction sur l’environnement. Dans le cas des matériaux, cette Analyse de cycle de vie (ACV) intégrera dans le bilan carbone les impacts liés à la fabrication des matériaux, ainsi que celle de tous les équipements du bâtiment.
Nathalie Mehu rappelle à ce titre que sur les 60% d’émissions d’un bâtiment liés à sa phase construction, les matériaux utilisés pour la structure pèsent tout au plus pour 40% dans cette étape. Les équipements (ascenseur, chauffage, gaines de distribution, fils électriques…) constituent le reste des émissions de la phase chantier. Une addition de petits éléments loin d’être accessoire ! Les habitudes des constructeurs s’en trouvent bousculées : ils devront alors décider très tôt dans le projet ce qui auparavant se décidait plus tard (quels revêtements de sol utiliser, quelle couvertine installer, etc.) pour alléger l’impact des matériaux.
Anne-Sophie Perrissin-Fabert, de l’Alliance HQE-GBC, rappelle toutefois que le choix des matériaux ne constitue pas le seul poste de réduction de l’empreinte carbone. Il est également important de se pencher sur la question de l’optimisation de l’espace. Mutualiser et optimiser les mètres carrés permet ainsi de réduire le bilan carbone d’un bâtiment. A titre d’exemple, quid des parkings de bureaux utilisés uniquement en journée et délaissés la nuit ? Ne gagnerait-on pas à les mutualiser avec l’immeuble voisin, dont les habitants en auraient potentiellement l’usage ?
Bois vs béton
Interrogé sur l’impact du béton dans le bilan carbone d’une construction, François Cussigh a affirmé la compatibilité de ce matériau avec la future réglementation. Cet incontournable de la construction possède de nombreux avantages : à la fois multiple, évolutif, et doté d’une durabilité potentielle élevée, il est souvent fabriqué localement, ne produisant ainsi que très peu de gaz à effet de serre liés au transport.
C’est en fait le ciment, le liant du matériau, qui constitue l’élément le plus émissif dans le béton. Béton sans ciment ou béton recyclé, les expérimentations se multiplient pour concevoir de nouveaux bétons, moins émissifs tout en conservant leur résistance. Et toutes les pistes sont bonnes à prendre, en testant de nouvelles compositions moins émissives (géopolymères, argiles, bétons de laitier issus des déchets de l’industrie sidérurgique, etc.) comme en s’inspirant des bétons anciens, mélange de chaux et de cendres volcaniques conçu par les Romains.
Face au béton, le bois ne constituerait-il pas la meilleure alternative en vue de réduire l’impact carbone d’une construction ? Une piste séduisante, surtout lorsque l’on sait qu’1m3 de bois représente une tonne de CO2 absorbée par l’arbre et stockée jusqu’à sa combustion.
Pour Mathieu Desaubliaux, c’est surtout le transport qui est impactant lorsque l’on construit en bois, d’où la nécessité d’utiliser des bois locaux pour réduire l’empreinte carbone. Pendant longtemps, les constructeurs se sont fournis dans le Nord de l’Europe pour s’approvisionner en bois résineux, majoritairement utilisés par le secteur. Pour réduire ce poste d’émissions, Arbonis réalise des tests avec des feuillus, qui composent la majeure partie des forêts françaises : lamellé-collé en hêtre ou en peuplier, CLT en chêne… S’ils venaient à être concluants, le bilan carbone des constructions bois s’en trouverait grandement amélioré.
Les échanges se poursuivent le 29 janvier prochain avec une dernière conférence consacrée aux bénéfices comparés de la construction et de la rénovation zéro carbone. Inscrivez-vous vite !