Deeptech + IA au service de la transition énergétique du BTP et des infrastructures : le ticket gagnant !

DEMO DAY 2024
Dans le cadre de Demo Day, rendez-vous annuel d’inspiration et de networking autour des projets incubés par Leonard en 2024, investisseurs, professionnels et experts partageaient le 21 mai leurs réflexions sur les enjeux et défis liés à accélération des deeptech dans les secteurs de l’énergie, des infrastructures et de la construction.

Transition énergétique et résilience climatique motivent aujourd’hui la création de nombreuses solutions de rupture fondées sur les algorithmes. Spécialisée depuis dix ans dans l’audit, la surveillance et l’entretien des ouvrages immergés, l’entreprise marseillaise ABIM a par exemple développé une plateforme de maintenance prédictive des infrastructures portuaires et des structures immergées ou flottantes basée sur l’exploitation de la data, les technologies de numérisation 3D en vue immersive et recourant aux algorithmes. « Nous appliquons aux environnements portuaires le modèle du jumeau numérique et sommes les seuls à avoir intégré des données satellitaires, avec l’objectif d’être leaders de la maintenance prédictive en 2029 », souligne Pierre-Emmanuel Peyrou, président.

Le bâtiment, terrain privilégié d’expérimentation et de modélisation

« L’intelligence artificielle nous aide à comprendre les comportements thermiques des bâtiments pour proposer des scénarios d’effacement en temps réel », explique pour sa part Alexandre Girard, directeur général d’Orus Energy. La start-up a développé un logiciel permettant aux exploitants de bâtiments commerciaux d’activer et de valoriser leur flexibilité sur le réseau électrique afin de générer une nouvelle source de revenus, tout en réduisant leurs propres émissions carbone.

Très gros émetteur de gaz à effets de serre, le secteur du bâtiment inspire de nombreuses démarches innovantes doublées de modèles économiques ambitieux. À l’image du projet porté par Geoclay, qui mise sur le remplacement du ciment par l’argile dans les procédés de construction. « Le béton est responsable de 50% des émissions de CO2 dans le monde de la construction. En substituant l’argile au ciment et en ayant recours à un procédé innovant, la calcination flash, on réduit de 80% des émissions tout en préservant les ressources naturelles puisque l’argile provient de carrières de kaolin », explique Alex Moube, co-fondateur. La start-up vise à terme un objectif de 200 millions d’euros de business pour 1,5 million de tonnes consommées (soit à peu près un dixième du marché). « En 2024, nous allons lever 1,5 million d’euros pour produire 4 tonnes de produit final que nous ferons tester à nos clients. En 2026, nous disposerons de notre première unité de production et aurons atteint la rentabilité », annonce le dirigeant.

Autre deeptech, autre technologie, la start-up espagnole Strong by Form, lauréate de la catégorie « Construction et infrastructures durables » du Hello Tomorrow Global Challenge, a choisi de combiner des matériaux biocomposites à base de bois et la robotique avancée pour produire des composants structurels légers et de forme libre offrant une alternative de sobriété aux matériaux structurels conventionnels tels que le béton et l’acier.

« Nous avons créé un matériau qui offre la résistance du béton pour 1/10 de son poids et permet d’économiser 75 % des arbres nécessaires à une solution en bois lamellé croisé », explique Andres Mitnik, fondateur.

Temporalité des deeptech, temporalité des investisseurs

Parce qu’elles investissent des domaines d’innovation et de recherche très pointus, comme la chimie de pointe ou les derniers modèles d’intelligence artificielle, les deeptech appellent des programmes d’accompagnement particulièrement efficients dans la durée.

Si les financements ne font pas défaut lors des phases d’amorçage, ils sont plus difficiles à sécuriser aux premiers stades de développement. « Nous avons calculé qu’il existe un écart de 10 milliards d’euros entre les besoins de financement des start-up et les fonds investis dans les étapes post-amorçage », note Romain Roullois, directeur général de l’association France Deeptech.

Cette frilosité de la part des fonds est préjudiciable au transfert de technologies, domaine où l’écosystème français doit également progresser. Pour autant, les sociétés de capital risque ont compris l’intérêt à investir dans les sujets liés aux deeptech et à l’IA, a fortiori dans les champs de la transition énergétique et climatique. Pour preuve, les initiatives comme Raise Infrastructure, fonds dédié à la décarbonation des infrastructures et des actifs industriels européens. « Notre objectif est d’investir des tickets allant de 40 à 80 millions d’euros dans des pays comme la France, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, le Danemark ou encore le Royaume-Uni », note Fanny Grillo, ancienne co-responsable du portefeuille infrastructure d’EDF et co-dirigeante de l’activité.

L’Europe, voilà bien souvent l’échelle choisie par les fonds et les entités dédiées à l’innovation pour accompagner les processus innovants dans leur développement commercial et l’industrialisation de leur modèle. « Nous sommes à la recherche de start-up deeptech principalement basés en Europe développant des solutions de rupture, fondées sur les technologies de pointe et au service d’une énergie à faible émission : captage, valorisation ou régénération du CO2 », confirme Roger Abou-Khalil, directeur d’Orano Open Innovation, division créée par Orano.

De la start-up à la scale-up, le pari du pragmatisme

Pour toutes ces deeptech exploitant des technologies de pointe, l’un des grands prérequis tient à leur capacité à s’inscrire d’emblée dans un marché et à soutenir une vision pragmatique. « Si elles veulent se donner les moyens d’être leaders sur leur marché après quatre ou cinq ans de développement, les start-up doivent satisfaire un besoin réel, mais aussi maitriser parfaitement l’environnement réglementaire pour anticiper les lois futures », souligne François Breniaux, General Partner chez Supernova Invest, le fonds d’investissement adossé au CEA.

Un pari du pragmatisme qu’a su relever Verkor, fabricant de batteries pour véhicules électriques créé en 2020, devenu scale-up en seulement trois ans en rassemblant plus de 540 experts de 43 pays différents. En 2023, l’entreprise a réalisé la deuxième levée de fonds la plus importante en Europe pour la construction à Dunkerque de la gigafactory la plus moderne du monde grâce à une architecture de données et une digitalisation industrielle de niveau jamais atteint. Les premières batteries seront livrées en 2025 et auront une empreinte carbone 4 à 5 fois plus faible que celles produites en Chine.  « Il a fallu cinq ans pour franchir trois étapes indispensables : développer un produit performant, qualifier les bons processus de production et construire la gigafactory tout en bouclant le financement », explique Benoit Lemaignan, CEO de Verkor.

Parce qu’elles renvoient au moins autant à la transformation des modèles et des usages qu’à des avancées technologiques, les deeptech de rupture visant la décarbonation des activités fortement émissives s’inscrivent dans le temps long. Elles nécessitent d’importants apports en capitaux pour atteindre la maturité industrielle, sédimenter les marchés en place ou en créer de nouveaux, plus vertueux.

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