Nous lui avons demandé comment les gestionnaires d’infrastructures de mobilités envisagent la sortie de crise. Si le propos reste centré sur les gares SNCF, nombre de solutions évoquées ici se font l’écho des enjeux rencontrés par l’ensemble des grands espaces liés au transport, qui devront eux aussi, dans des temporalités différentes, s’adapter à un nouveau contexte.
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A court terme, comment les grands espaces de mobilités vont-ils gérer le déconfinement ?
Le sujet est central pour toutes les personnes en charge de mobilités collectives. Le groupe SNCF s’est rapidement tourné vers AREP pour organiser la reprise de service à court terme.
Le premier sujet est celui de la distanciation sociale. L’équipe design d’AREP a travaillé sur une signalétique qui permet de véhiculer l’information nécessaire aux usagers et de matérialiser les distances acceptables.
Un vocabulaire de base a été développé. Il indique les zones d’attente statiques, les zones à éviter et les flux à suivre. Le quai est également une zone sensible, souvent très fréquentée. Le travail a consisté à décomposer des zones de circulation, matérialisées au plus près des portes, et des zones d’attente avec des positions suggérées. Enfin, un travail a été proposé sur les assises d’attente afin de laisser une assise sur deux inoccupée.
Au delà de ces éléments de très court terme, un travail va être réalisé sur la circulation de l’air et l’optimisation des espaces. On va sans doute pouvoir profiter des espaces extérieurs directement attenants à la gare pour agrandir les zones d’attente. Il s’agit de réinvestir les parvis, de les rendre plus désirables et agréables. Cela peut passer par de l’ajout de mobilier, ou de végétation.
Au milieu de la crise, nous allons toujours chercher à identifier les opportunités qui émergent. L’étalement du public sur les quais pourrait passer par l’ajout de nouveaux abris. Une initiative qui peut devenir un atout, en accueillant par exemple des systèmes de production photovoltaïques. On valorise une emprise foncière importante pour la transformer en zone productive. De la même manière, on peut imaginer l’installation de points de distribution de gel hydroalcoolique qui fonctionnent à l’électricité solaire. Tout cela s’inscrit dans l’engagement du groupe SNCF vers la neutralité carbone à horizon 2030, qui est assez volontariste.
Sur le terrain des technologies, quels sont les exemples d’outils qui permettent de gérer la promiscuité ?
On imagine évidemment activer toutes les surfaces d’affichage possibles, afin de relayer le message lorsque c’est pertinent. Mais on ne se focalise pas sur l’aspect technologique ou numérique.
A moyen terme, on réfléchit à la question des matériaux. On sait que certains sont plus antiseptiques que d’autres. Le cuivre par exemple a un pouvoir bactéricide. On se concentre sur une approche low-tech car c’est probablement la plus efficace. Ce sont des leviers qui entrent en résonance avec la façon dont les utilisateurs se projettent dans leur univers. La gare est un lieu que l’on embrasse, il n’est peut-être pas pertinent d’y ajouter un média supplémentaire. Les espaces proposent déjà un terrain de jeu immense.
Nous adoptons également une approche globale, sans concentrer la focale uniquement sur la pandémie. Les enjeux sanitaires font écho à une démarche développée par AREP autour de l’adaptation aux situations de canicule. La végétalisation des parvis pour créer des îlots de fraîcheur donne ainsi l’occasion de faire d’une pierre deux coups. C’est également vrai concernant les phénomènes de ventilation. Nos travaux sur les gares dans le cadre du coronavirus auront vocation à être réutilisés ailleurs : favoriser la ventilation naturelle, travailler la morphologie des vides pour favoriser la circulation d’air, etc…
En termes d’architecture, voire d’urbanisme, comment la conception de ces espaces va-t-elle être transformée ?
La crise actuelle est dystopique, elle nous oblige à une distanciation et met à mal le coeur du transport collectif. La gare telle qu’elle est dessinée aujourd’hui est un lieu de vie et de partage. Elle doit le rester face à la crainte d’un retour en force de l’automobile. A ce propos, j’appelle de mes voeux une aide importante au secteur ferroviaire, qui est l’un des plus vertueux.
L’ambition reste de pouvoir construire des lieux plus résilients. Il faut raisonner au plus juste, au plus éfficace, mais également au plus incluant, au plus large. On souhaite que les gares puissent rester des lieux de vie. Des solutions ont déjà été imaginées pour y parvenir. On peut imaginer d’étaler le flux voyageur en permettant aux usagers de démarrer leur journée de travail en gare, pour laisser passer une première vague. Les espaces Work&Station jouent ce rôle aujourd’hui. Une architecture durable est une architecture qui sait s’adapter aux multiples évolutions de ses usages. Soit on se barricade en vue des chocs à venir, soit on adopte des principes de souplesse, d’adaptation et de résilience. C’est philosophiquement plutôt cette deuxième approche que l’on souhaite développer.
Est-ce que la crise va transformer les métiers ?
L’architecte prend en compte l’ensemble des besoins s de l’usager pour créer des lieux que l’on a envie d’investir. A ce titre, les risques de pandémie doivent être intégrés, mais ils ne seront pas le fil conducteur de la conception. Du moins, je l’espère.
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Les aéroports sur le qui-vive
Il est très probable que la pandémie se soit propagée depuis son foyer d’origine par avion. Avec plus de 4 milliards de passagers par an, le secteur aérien est particulièrement à risque. A ce titre, les aéroports revoient leurs mesures de sécurité. Si une part importante des dispositions sont comparables au secteur ferroviaire, certaines restent spécifiques. Le groupe ADP et la Région Ile de France ont ainsi lancé le « Safe Travel Challenge », un appel à projets destiné à identifier des solutions innovantes pour la sécurité sanitaire des aéroports. En attendant que le dispositif révèle ses résultats, d’autres déploient déjà leurs solutions. Les autolaveuses robotisées, à l’image des produits développés par Facilibot, pourraient permettre de soulager les équipes de nettoyage exposées au virus. Dans le même ordre d’idée, l’aéroport de Hongkong a mis en place des capsules de désinfection automatiques pour la totalité du corps. Un peu partout dans le monde des dispositifs de test ou de prise de température se développent. Airbus développe des “nez” électroniques, d’abord pensés contre les explosifs, mais qui pourraient s’avérer utiles contre le Coronavirus. Dans l’ensemble, c’est tout le processus d’automatisation des aéroports qui pourrait être accéléré. Selon Skift, le sans-contact, la robotisation et le self-service sont ainsi amenés à se généraliser.