Production bas-carbone d’hydrogène

Aujourd'hui, l'hydrogène est considéré comme une solution providentielle pour réduire les émissions de CO2 dans le monde. En réalité, la production actuelle d'hydrogène est réalisée à partir de combustibles fossiles, et l'hydrogène à faible teneur en carbone est loin d'être compétitif.

Des nuances de « gris » : La production d’hydrogène aujourd’hui

Aujourd’hui, 96% de la production d’hydrogène est issue de combustibles fossiles. En 2019, 70 millions de tonnes d’hydrogène ont été produites dans le monde, 69 % par vaporeformage du gaz naturel, 27 % par gazéification du charbon. L’hydrogène est surnommé  « gris » ou « brun » lorsqu’il est produit respectivement avec du gaz naturel ou du charbon, en raison de l’intensité carbone des procédés : le vaporeformage émet 11kg de CO2 éq par kg d’hydrogène ; la gazéification du charbon 19 kg par kg d’hydrogène. Au total, 830 millions de tonnes de CO2 sont imputables à ces procédés pour l’année 2019, soit 2 % des émissions mondiales.

Actuellement, la majorité de la production d’hydrogène est captive et sert à raffiner le pétrole (52% de la consommation mondiale) et à produire de l’ammoniac (43%) pour les engrais, tandis qu’une fraction est utilisée pour propulser les fusées. Les premiers producteurs mondiaux sont la Chine et les États-Unis, tandis que l’Allemagne, les Pays-Bas et la Pologne disposent des plus grandes capacités d’hydrogène gris d’Europe, suivis par l’Italie et la France.

 

 

Passage à l’hydrogène à faible teneur en carbone et renouvelable

La promesse d’une production d’hydrogène à faible émission de carbone a été apportée par l’électrolyse de l’eau. Au lieu de tirer de l’hydrogène des molécules de charbon ou de gaz, l’hydrogène est extrait des molécules d’eau à l’aide d’électricité. Il existe plusieurs technologies d’électrolyse : les membranes alcalines et les membranes échangeuses de protons sont les options les plus mûres, tandis que l’électrolyse à oxyde solide (également connue sous le nom d’électrolyse à ultra-haute température), qui devrait être plus efficace et compétitive, est en phase avancée de développement.

En utilisant de l’électricité provenant de sources renouvelables, on peut donc créer de l’hydrogène « vert », ou plutôt de l’hydrogène renouvelable selon la nouvelle terminologie européenne. L’intensité carbonique de l’hydrogène ainsi produit varie de 0,5 kg à 3,2 kg de CO2éq par kg d’H2, selon la source renouvelable. En outre, l’hydrogène renouvelable peut être produit par reformage du biométhane, issu de la biomasse. L’utilisation de l’électricité du réseau produira un hydrogène à faible teneur en carbone dans les pays dont le mix électrique est à faible teneur en carbone, et un hydrogène riche en carbone dans les pays qui dépendent des combustibles fossiles pour la production d’électricité. En France, cet hydrogène aura une intensité de carbone d’environ 3 kg de CO2 par kg d’H2 ; dans l’Union européenne, les émissions s’élèvent à 14 kg de CO2 par kg d’H2. Enfin, l’utilisation de gaz ou de charbon et la séquestration des émissions de CO2 par CCS peuvent conduire à une réduction des émissions de 95 % par rapport à l’hydrogène gris, créant ainsi ce qui est également considéré comme de l’hydrogène « bas-carbone » (anciennement dénommé « bleu »).

À 8-12 € par kg, l’hydrogène renouvelable ou bas-carbone est quatre à cinq fois plus cher que l’hydrogène d’origine fossile pour les utilisateurs finaux industriels. Pour les utilisateurs finaux de la mobilité routière, cet hydrogène est 30 à 50 % plus cher que le diesel. Pour atteindre la compétitivité et bénéficier des effets d’échelle, la production par électrolyse nécessitera des dépenses publiques pour développer des « gigafactories » d’électrolyseurs. Les pays s’affrontent désormais dans cette nouvelle course à la production de l’hydrogène bas-carbone le plus compétitif, l’Australie, la Chine, l’UE, l’Allemagne et la France, entre autres, ayant déjà annoncé des objectifs ambitieux en matière d’électrolyse pour 2030.

 

 

Décarboner l’industrie et la mobilité

Les nouvelles applications créeront également une nouvelle demande et feront baisser les prix. Pour les sidérurgistes, l’hydrogène à faible teneur en carbone apparaît comme une solution majeure pour décarboner un processus à forte intensité de combustibles fossiles, tandis que les industriels envisagent de transitionner du charbon et du gaz naturel vers l’hydrogène pour leur chauffage. L’hydrogène peut également être mélangé à d’autres gaz et utilisé dans les réseaux de gaz et le chauffage collectif. Toutefois, aucun secteur n’est plus mis en avant que celui de la mobilité. Tous les segments estiment que l’hydrogène à faible teneur en carbone contribuera à réduire leur dépendance à l’égard du pétrole : nombreux acteurs de l’automobile, des transports publics, du fret routier et maritime longue distance, du rail commercial et de l’aviation se sont publiquement positionnés en faveur ou contre cette nouvelle technologie.

À court terme (avant 2030), deux tendances semblent se dessiner. L’hydrogène sera produit localement et régionalement, en créant des « hubs » décentralisés autour des villes et des sites industriels. Les principaux moteurs de la demande seront d’abord les matières premières industrielles pour le raffinage et la production d’ammoniac, ainsi que les applications émergentes dans les bus, les trains et la mobilité légère.

À long terme (après 2030), la résolution de la question du transport et du stockage pourrait permettre une production centralisée sur des sites plus compétitifs à l’échelle internationale, ouvrant la voie à un commerce mondial de l’hydrogène. L’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Maroc se positionnent déjà, avec comme partenaires commerciaux le Japon, la Corée du Sud et l’Allemagne. Avec de nouvelles applications dans les voitures, les camions, les avions et la production d’électricité, l’hydrogène à faible teneur en carbone pourrait devenir plus compétitif et remplacer les combustibles fossiles à plus grande échelle.

 

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