Transport et stockage d’hydrogène

L'hydrogène renouvelable est défini comme l'hydrogène produit par électrolyse de l'eau à l'aide d'électricité provenant de sources renouvelables telles que l'énergie solaire photovoltaïque, l'énergie solaire thermique, l'énergie éolienne, l'énergie géothermique ou l'énergie hydraulique. Il englobe également l'hydrogène produit par reformage à la vapeur de la biomasse. Ensuite, des défis techniques et économiques se posent quant à la manière de stocker et de transporter l'hydrogène vers les utilisateurs finaux : l'industrie de l'hydrogène est aujourd'hui confrontée à ces questions clés.

Production sur site ou production centralisée

La production d’hydrogène sur site permet de se rapprocher des utilisateurs finaux, de réduire le stockage et de réduire, voire d’annuler, les coûts de transport. Ce schéma est actuellement en place pour les clients industriels du monde entier, qui bénéficient d’une production captive continue. Ce modèle continuera d’exister pour les usages de mobilité où les hubs territoriaux sont promus dans les appels d’offres ou lorsque la production nationale est importante pour la souveraineté nationale, en France par exemple.

La production centralisée à l’échelle régionale ou nationale permet de tirer parti de sources d’énergie renouvelables plus compétitives et de réaliser des économies d’échelle ; elle a la faveur des industriels gaziers et de l’Union européenne. Toutefois, un tel système peut placer la production à des centaines ou des milliers de kilomètres des centres de demande, ce qui nécessite des pipelines d’hydrogène spécialisés. En raison de leurs spécificités géographiques et de leurs choix de politique énergétique, les pays misent également sur un échange intercontinental d’hydrogène. A ce jour, le Japon et l’Allemagne se positionnent notamment comme importateurs nets ; l’Australie, le Maroc, le Chili comme exportateurs nets. En conséquence, les coûts de transport et de stockage peuvent représenter jusqu’à trois fois le coût de l’hydrogène lui-même.

 

> Source : Hydrogen: A renewable energy perspective, Rapport préparé pour la 2e réunion ministérielle sur l’énergie de l’hydrogène à Tokyo, au Japon, en septembre 2019, International Renewable Energy Agency (IRENA)

Transport sur de courtes et moyennes distances

En dessous de 400 km, les remorques à tubes contenant jusqu’à 600 kg d’hydrogène gazeux à 150-250 bars de pression sont l’option la plus adoptée aujourd’hui, malgré un coût de transport allant de 0,5 à 1,5 € par kg d’H2. Les remorques d’hydrogène liquide qui peuvent contenir jusqu’à 4 000 kg d’H2 par expédition sont moins répandues mais offrent des coûts inférieurs à 0,5 € par kg d’H2.

Jusqu’à 1 500 km, les pipelines peuvent offrir une option plus compétitive, autour de 0,2 à 0,3 € par kg d’H2. Toutefois, des difficultés techniques et réglementaires pourraient freiner le mélange des réseaux de gaz naturel actuels avec du H2 ou leur reconversion complète en pipelines d’hydrogène pur. L’hydrogène est trois fois moins dense que le CH4 et obligerait les utilisateurs finaux à consommer plus de gaz pour obtenir la même énergie. En outre, les réseaux ont des limites de tolérance de mélange différentes, selon les réglementations nationales : de 2 à 10 % pour le transport à longue distance et jusqu’à 100 % pour certains réseaux de distribution. La construction d’un nouveau réseau dédié au transport de l’hydrogène est une alternative au rétrofit envisagé par l’Union européenne et le projet European Backbone, mais les deux nécessiteront un cadre réglementaire clair et précis.

Transport entre continents

Entre les continents, la modernisation ou la construction de nouveaux pipelines d’hydrogène entraînera des défis géopolitiques. Cette option est néanmoins envisagée par l’UE et le projet European Backbone, qui voient comme partenaires commerciaux possibles le Maghreb et l’Ukraine.

Au-delà de 1 500 km, les routes maritimes apparaissent comme des options plus sûres et plus rentables. L’hydrogène gazeux n’est pas assez dense pour des distances aussi longues, et des solutions de rechange sont envisagées :

  • L’hydrogène liquide (LH2), qui est 4 à 5 fois plus dense en énergie que le H2 gazeux (350 bars). Cependant, l’hydrogène passe de l’état gazeux à l’état liquide à -253°C, ce qui nécessite une intensité énergétique élevée pour la conversion et le transport: jusqu’à 30 % de l’énergie initiale de l’hydrogène.
  • L’ammoniac (NH3), qui ne nécessite que 15 à 30 % de l’énergie initiale pour sa conversion et sa reconversion, est déjà un actif négociable et une matière première courante dans l’industrie. Cependant, l’ammoniac est toxique et peut poser des problèmes pour le transport maritime.
  • Les transporteurs d’hydrogène organique liquide (Liquid Organic Hydrogen Carriers ou LOHC), molécules dont le but est de transporter de l’H2 sous forme liquide à température ambiante. Cependant, la conversion consomme également 35 à 40 % de l’énergie initiale.

Actuellement, les trois solutions font grimper le prix de l’hydrogène au port de 100 à 300 %. Cela comprend des coûts de conversion et de reconversion de 1 à 2 € par kg d’H2 et des frais de transport allant de 0,3 à 1,2 € par kg d’H2.

 

La nécessité d’un stockage tampon

Des solutions existent pour stocker l’H2 après sa production, ainsi que dans les véhicules de tourisme et les camions pendant des heures ou des jours, mais elles présentent des difficultés. Pressurisés à 700 bars, les réservoirs d’hydrogène ne peuvent contenir que quelques kg d’hydrogène et doivent être sept fois plus grands que les réservoirs d’essence des voitures et des camions. Dans les bus ou les trains, les réservoirs sont pressurisés à 350 bars, car le volume est moins problématique. Dans le secteur de l’aviation, le volume s’avérera l’un des problèmes les plus difficiles à résoudre, faisant du réservoir du futur avion à hydrogène l’un des composants les plus critiques à concevoir.

Le stockage tampon dans les hubs maritimes pendant des heures ou des jours avant l’expédition, et le stockage inter-saisonnier (l’hydrogène peut être stocké pendant des mois sans perte d’énergie) appellent de nouveaux besoins. En s’appuyant sur l’expertise de VINCI Geostock dans l’industrie pétrolière et gazière, des solutions offrant des centaines de fois la capacité des réservoirs peuvent être trouvées :

  • Les cavernes salines, où l’hydrogène peut être stocké pour 0,3 à 0,6 € par kg pendant 30 ans. Développées depuis les années 1970 au Royaume-Uni et les années 1980 aux États-Unis, les cavernes souterraines commerciales peuvent contenir 4 000 tonnes d’hydrogène gazeux, et jusqu’à 20 000 tonnes théoriques.
  • Les aquifères poreux ou les gisements de pétrole ou de gaz épuisés sont des alternatives qui n’ont pas encore fait leurs preuves et qui pourraient offrir une nouvelle vie aux actifs passifs.Il faut toutefois garder à l’esprit que les aquifères poreux ou les gisements épuisés ont été utilisés par le passé pour le « gaz de ville », qui pouvait contenir jusqu’à 50 % d’hydrogène.
  • Les cavernes rocheuses sont une autre option actuellement exploitée pour le pétrole et le gaz qui pourrait être adaptée au stockage de l’hydrogène. Cela nécessitera un certain effort de R&D pour mettre au point un revêtement approprié.

 

De multiples innovations apparaissent pour relever les défis du stockage

De nouvelles piles à combustible pouvant être alimentées en NH3 au lieu de H2 pur pourraient faciliter le transport intercontinental. Des technologies moins coûteuses de séparation du gaz des gazoducs mélangés permettraient d’accélérer l’adaptation du réseau. Une « pâte énergétique » à l’hydrogène, dont la densité énergétique est dix fois supérieure à celle des batteries, mise au point par l’Institut Fraunhofer, ouvre la voie à de nouvelles applications de mobilité. Sans avoir besoin de gros réservoirs, les drones et les scooters pourraient bénéficier d’une autonomie accrue et d’une alternative aux batteries. Ces trois innovations montrent que la disruption jouera un rôle clé dans les années à venir.

En fin de compte, cependant, l’émergence d’un transport par gazoduc sera très probablement déterminé par l’adoption et l’application de nouvelles réglementations, ce qui leur permettra de devenir un actif réglementé comme les pipelines de gaz naturel existants. Le lobbying de l’industrie gazière et les grands projets tels que HyDeal influenceront également l’évolution. Pour le transport maritime, la normalisation de la technologie et son éventuelle commodification donneraient au marché de meilleurs signaux de prix et favoriseraient une adoption industrielle accrue.

 

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