« Il faut aller chercher des compétences dans d’autres secteurs professionnels pour répondre aux besoins du monde de la construction »

La pénurie de compétences dans la construction est un enjeu majeur pour la profession. Karim Fathi (Arsenio) et Côme de Cossé Brissac (La Solive) se rencontrent pour discuter des formations innovantes dans ce secteur.

portrait Arsenio solive

 

Arsenio, qui est accueilli chez Leonard, s’est spécialisé dans la formation aux outils du BIM et plus généralement aux outils digitaux pour la construction.  

 Accueillies en résidence par Leonard, les équipes de La Solive proposent quant à elles des parcours de reconversion professionnelle en format intensif dédiés à la rénovation énergétique.  

 

Quel constat faites-vous concernant la pénurie de compétences dans le secteur de la construction ? 

Côme de Cossé Brissac : Le secteur de la rénovation énergétique fait aujourd’hui face à une pénurie de main d’œuvre qui ne fait que s’aggraver. Les artisans et les entreprises peinent à recruter des profils qualifiés pour suivre la cadence, et cela concerne tous les profils … Les chauffagistes, sur la pompe à chaleur et le poêle à bois, les façadiers, sur l’isolation thermique par l’extérieur, ainsi que les profils commerciaux et plus polyvalents qui accompagnent les propriétaires dans leurs projets. 

Karim Fathi : Le secteur de la construction vit par ailleurs aujourd’hui une transformation dont le succès dépend notamment de la transition numérique. Or, on constate que le BIM (modélisation des informations du bâtiment) et ses avantages sont encore mal appréhendés, avec un manque de compétences au sein des entreprises. Prenons un enjeu comme la gestion des déchets et des ressources d’un bâtiment en déconstruction, qui ne sont pas assez valorisés dû à un manque de données facilement accessibles. Contrairement aux méthodes traditionnelles, le BIM permet une traçabilité, un classement et une hiérarchie de ces données qui peut favoriser une économie plus circulaire.  

Comment y répondez-vous ? 

Karim Fathi : Nous avons créé un bootcamp et une plateforme pédagogique de formation aux métiers du BIM et de la construction durable adaptée aux personnes qui sont des professionnels du monde du BTP et qui seront les mieux placés pour utiliser ces innovations digitales. Ces formations s’adressent aux salariés pour lesquels le programme peut être flexible avec des cours en e-learning, des mentors et des projets à réaliser de manière flexible. Elles s’adressent aussi aussi aux demandeurs d’emploi, en format bootcamp, formation intensive de plusieurs semaines qui débouche sur un diplôme (Niveau 6). 

 Côme de Cossé Brissac : La Solive répond à cette pénurie en accompagnant des personnes en reconversion professionnelle vers ces métiers en tension. Nous proposons également des bootcamps de trois à quatre mois qui ont pour objectif d’être très professionnalisants. Il faut aller chercher des compétences dans d’autres secteurs professionnels pour répondre aux besoins du monde de la construction, et ces personnes recherchent généralement une reconversion rapide, d’où le format court et intense, qui leur permet de se lancer directement en fin de formation. 

Quel est le profil des personnes qui participent à vos programmes ? 

Côme de Cossé Brissac : Les personnes que l’on accompagne viennent de tous les secteurs ! Certaines ont aujourd’hui un poste plutôt administratif, dans un bureau, et viennent chercher un métier plus « terrain » au service de la transition écologique. D’autres sont sur des postes plus commerciaux, et cherchent à vendre des produits qui ont du sens et dans lesquels elles croient. Enfin, une dernière partie d’entre elles cherchent un secteur d’avenir pour se mettre à leur compte, ou monter une boîte : le secteur de la rénovation énergétique s’y prête particulièrement bien ! 

Karim Fathi : Les personnes qui participent à nos programmes ont pris conscience de l’importance croissante du digital dans les différents secteurs du BTP. On retrouve des architectes, des chefs de chantiers, des ingénieurs structures, des thermiciens, des projeteurs, des diagnostiqueurs immobilier, des créateurs de startup du BTP ou encore des conducteurs de travaux… Nous organisons les promotions de façon à avoir des visions différentes de l’acte de construire afin de permettre de faire émerger une intelligence collective à chaque session.  

Comment percevez-vous le changement de regard sur les métiers de la construction ? Que faut-il encore améliorer ? 

Côme De Cossé Brissac : Revaloriser les métiers de la construction fait partie de la raison d’être de La Solive ! Avec la rénovation énergétique, nous sommes persuadés qu’il y a une véritable opportunité pour les métiers du bâtiment. En couplant la prise de conscience écologique et l’augmentation des coûts de l’énergie, on se retrouve avec un secteur plein d’avenir qui a beaucoup de sens, des métiers concrets, que l’on peut faire partout et qui paient bien … C’est un secteur qui commence à faire envie ! 

Karim Fathi : La construction était jusque très peu encore perçue comme un domaine imperméable à toute innovation technologique. Pourtant beaucoup de choses ont radicalement changé : la communication, la visualisation des projets, les réunions de revues de plans, le phasage des travaux, la gestion des coûts, la prise en compte de l’impact environnemental… Lorsque l’on découvre les dimensions du BIM, on se rend compte que c’est une innovation logique qui va nous permettre d’atteindre nos objectifs de transition énergétique si elle se démocratise. 

Quelles sont vos perspectives de développement pour les années à venir ? 

Karim Fathi : Nous voulons continuer à décloisonner le BIM qui est encore vu comme une technologie trop distante de la réalité des chantiers. Nous allons multiplier nos bootcamps et le développement de notre plateforme sur laquelle des apprenants échangent déjà depuis plusieurs villes de France. Ce format hybride permet de suivre les bootcamps à distance et de bénéficier de l’interaction avec les autres participants. D’autres campus sont déjà en réflexion dans plusieurs villes de France. Nous ouvrons une filiale au Maroc pour rayonner sur l’Afrique, et nous visons d’autres villes en Europe.  

Côme de Cossé Brissac : L’aventure de La Solive en est encore à ses débuts puisque nous existons depuis à peine un an, mais nous nous rendons compte de tout ce qu’il y a encore devant nous. En effet, on considère que pour atteindre nos objectifs de rénovation énergétique, il faut former 400 000 personnes d’ici 2030 ! Notre objectif est d’accompagner plus de deux mille par an sur une dizaine de campus d’ici 2025.  

 

Karim Fathi, CEO d’Arsenio : karim@arsenio.co

Côme de Cossé Brissac, co-fondateur de la Solive : come@la-solive.com 

 

 

Arsenio

 

La Solive

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