La circularité, parent pauvre (mais riche de promesses) de la transition énergétique

«Efficacité et circularité, leviers pour la transition énergétique » : tel était le thème du troisième rendez-vous d’un cycle de cinq rencontres sur les défis énergétiques industriels, organisé par Leonard, Energy Observer foundation, OPEO Conseil et la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale. La discussion a réuni le 16 mars 2023 Grégory Richa, directeur associé chez OPEO, Caroline Mini, sustainability manager chez Verkor, Paulo Cameijo, Directeur des Affaires publiques et Partenariats chez Engie Solutions et Geoffrey Richard, Directeur Économie Circulaire chez Schneider Electric. L'événement était modéré par Aurélien Gohier, directeur de la communication d'OPEO.

C’est à la fois le parent pauvre du débat public sur la transition énergétique et l’angle mort des politiques associées. Pourtant, la circularité est un passage obligé vers la stratégie nationale bas-carbone et, au-delà, vers la soutenabilité de nos sociétés. «Quand on parle de transition énergétique, on cite principalement les deux leviers que sont la décarbonation des procédés et celle des usages. Or, ces deux axes d’action, s’ils sont essentiels, demeurent très insuffisants», a remarqué Grégory Richa. À l’appui de sa démonstration, celui-ci a tenu à rapporter quelques échelles de grandeur. Aujourd’hui, l’essentiel des efforts se portent sur les cœurs d’usine, qui représentent pourtant moins de 5% de l’empreinte carbone. Par ailleurs, seulement 9% des entreprises ayant défini un plan net zéro carbone seront en mesure de le mener à bien. «En revanche, on sait que 45% des vecteurs de décarbonation relèvent de la circularité. Il faut donc massivement orienter les efforts dans ce sens», a insisté Grégory Richa.

La circularité, du « bon sens paysan » 

Déchets agricoles transformés en biocarburant, eaux usées réutilisées pour alimenter la consommation hydrique de zones d’habitation, réseaux de chaleur orientés vers des infrastructures urbaines, remanufacturing… «La circularité, c’est la réhabilitation du bon sens paysan. L’un de ses grands atouts, c’est qu’elle peut se mettre en œuvre sans qu’on aie besoin de mobiliser des processus lourds d’innovation, des technologies ultra pointues. Chez Schneider Electric par exemple, nous avons, en seulement trois ans, ouvert quatre lignes de remanufacturing», a expliqué Geoffrey Richard.

De fait, non seulement les solutions d’efficacité et de circularité énergétiques existent, mais certaines d’entre elles sont déjà rodées en mode productif, dont Grégory Richa a mentionné l’efficience. C’est Saint-Gobain qui produit un verre en partie recyclé générant 40% de carbone de moins qu’un verre classique. C’est Valrhona qui atteint le triple objectif de réduire de 50% des émissions de GES sur ses scopes 1 et 2, de valoriser 90% de ses déchets et de réduire de 31% ses consommations d’énergie. C’est Gazelle Tech qui sort de ses usines un véhicule électrique ultra-léger, en assemblant moins de 10 composants contre les 300 classiquement utilisés sur les chaines automobiles standard.

898 réseaux de chaleur en France

«Les technologies circulaires, on les maîtrise. La véritable innovation est dans leur assemblage industriel et dans leur montage contractuel», a insisté Paulo Cameijo. Et de citer les 898 réseaux de chaleur en France, qui n’ont pu se construire qu’à la faveur de coopérations territoriales hétérogènes mobilisant industriels, collectivités, associations au service d’un objectif de recyclage et de redistribution de la chaleur fatale vers les infrastructures publiques et privées.

Le réseau de chaleur, c’est justement l’une des options retenues par Verkor, jeune pousse grenobloise créée il y a seulement deux ans et qui devrait employer 1 600 collaborateurs d’ici eux ans. «Notre ambition est d’accélérer l’industrialisation à grande échelle de batteries dédiées aux véhicules électriques en produisant des produits dont l’empreinte carbone est quatre fois plus faible que celle des batteries chinoises», a expliqué Caroline Mini.

Début 2025, Verkor mettra en marche sa première Gigafactory, près de Dunkerque. Objectif : produire dans un premier temps 16 gigawatt-heure, soit la puissance requise pour alimenter 300 000 véhicules. Ce, en respectant une démarche vertueuse tout au long du cycle de vie du produit, depuis le choix des composants jusqu’à leur recyclage.

 

Nécessaire renforcement réglementaire

Tous les intervenants réunis autour de la table ont insisté sur la nécessité, au-delà des démarches industrielles aujourd’hui engagées, de passer rapidement à l’échelle supérieure. «La circularité est un levier nécessaire et même vital pour la résilience de nos supply chains. Si on n’accélère pas les choses, on ira droit à la catastrophe», a résumé Geoffrey Richard.

Mais l’accélération est en grande partie suspendue à l’expression d’une volonté politique aujourd’hui encore trop discrète. «La loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) de févier 2020 a ouvert une vraie brèche, il faut maintenant aller plus loin, en jouant à la fois sur les outils financiers incitatifs et le renforcement réglementaire», a noté Geoffrey Richard. Et Paulo Cameijo d’abonder dans le sens de ce plaidoyer légaliste : «À quand une “Loi chaleur” ? La loi EnR est à 99% fléchée vers l’électrique. Or, la moitié de l’énergie consommée, ce n’est pas de l’électricité, c’est de la chaleur. Dans le même ordre d’idée, pourquoi réserver aux seules grandes entreprises l’obligation de transformer la chaleur fatale qu’elles produisent, alors que la plupart des PME pourraient également déjà agir dans ce domaine ?»

Miser sur l’optimisation des flux de matières et d’énergie, sur des chaînes de valeur sûres, durables et, si possible, locales, c’est tout le (bon) sens de la logique d’économie circulaire, qui, malgré sa faisabilité opérationnelle, ne représente que 7% de l’économie mondiale. Il n’est que temps de travailler à son rapide déploiement pour accélérer la transition énergétique.

Prochaines rencontres :

18 avril 2023 – Coût, financement et mesures de la transition énergétique au cœur des territoires – Inscription

16 mai 2023 – Transition énergétique, risques et opportunités pour la renaissance industrielle française – Inscription

 

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