La mobilité autonome ne révolutionne pas les transports : elle redessine nos usages urbains

Foisonnants au CES, les projets de véhicules autonomes serviciels dépassent le seul enjeu de la mobilité “sans chauffeur”. Des robots livreurs aux vitrines mobiles et connectées, ces mobiles urbains dernière génération dessinent de nouveaux services aux citadins, et projettent une ville “à la demande”.
e-Palette Concept Vehicle - Toyota
e-Palette Concept Vehicle – Toyota

 

Au petit jeu des « tendances lourdes » du CES, le grand salon annuel des technologies qui s’est tenu mi-janvier à Las Vegas, les robots mobiles – autonomes et connectés – ont, cette année, marqué des points. Dans le salon, un espace leur était dédié, et plus d’une dizaine de constructeurs automobiles sont venus présenter leurs projets.

Mais plutôt que comme de simples véhicules, certains de ces projets se présentent comme des « plateformes » : un basculement sémantique qui a étonnamment conduit à parler davantage de commande de pizzas que de transport de personnes. Basculement pas si anecdotique, donc : la mobilité autonome, dans la ville du futur, n’est pas tant une question de mobilité humaine qu’une aubaine pour la création de nouveaux services. C’est ce qui fait dire à la designeuse Chenoe Hart que « les véhicules autonomes ne seront pas une nouvelle forme de transport, [mais] la fin du transport ». Dans son portrait utopique d’une ville où circulent des « machines en mouvement perpétuel », nous ne voyageons en tout cas plus vers des destinations fixes : nos déplacements urbains pourraient désormais s’articuler autour d’îlots mobiles.

« Les véhicules autonomes ne seront pas une nouvelle forme de transport, [mais] la fin du transport »

C’est ainsi dans le rayon des « véhicules de services » que Toyota a choisi de frapper fort, en dévoilant son véhicule autonome concept, l’« e-Palette », hub de « services mobiles », dont les usages possibles sont… encore à inventer. Toyota double en effet cette annonce du lancement d’une alliance de partenaires commerciaux. Ce sont ces partenaires qui seront chargés de standardiser une suite de solutions mobiles adossées à l’e-Palette — les premiers membres sont Amazon, Uber… ou Pizza Hut. Dans sa vidéo de présentation, Toyota ne parle pas margheritas ou calzones mais invite surtout à rêver autour d’une palette d’expériences variées, de la consommation personnalisée et à la demande (un pop-up store de chaussures) à l’espace de travail nomade.

Figure parfaitement parlante d’un changement d’habitudes de consommation, la pizza est tout de même à l’honneur chez Ford, qui a également présenté un concept de véhicule autonome serviciel, dont le premier partenaire est… Domino’s Pizzas. Avant le lancement de sa production en 2021, Ford cherche, après aussi le livreur Postmates, d’autres partenaires commerciaux. Les applications présentées au CES, du reste, sont plus larges que la livraison de plats cuisinés : citons le taxi autonome de la start-up française Navya, les « Uber without drivers » lancés avec Nvidia ou encore les solutions pour répondre au défi de la logistique du dernier kilomètre tel Robomart, l’épicerie autonome sur roues, ou Aida, robot-livreur à quatre pattes, pouvant transporter des colis de 15 kg…

Dans la ville à la demande de l’e-Palette, nous ne sommes donc plus des passagers : nous investissons seulement des espaces qui « se trouvent de manière coïncidente pouvoir être en mouvement ». Dans cette ville, les schémas de catégorisation spatiale traditionnels ne sont plus pertinents : comme dans un entrepôt Amazon, le citadin n’a plus besoin de carte pour s’y déplacer, il a besoin d’un calendrier et d’une liste d’activités potentielles et de services disponibles.

Ces impacts, davantage sociaux que technologiques, restent un impensé. À ces nouveaux concepts de véhicule, il faudra pourtant bien ajouter les projets d’infrastructure. Au CES, ils n’ont pas nécessairement fait la « une », mais des équipements tels que celui proposé par Electric Loading, start-up française à la station de recharge « intelligente et ultra-rapide », seront nécessaires. Ils s’inscriront dans le mobilier urbain adapté à cette ville que certains ingénieurs civils nomment la City as a Service.

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