Le co-housing, en bon français cohabitat ou habitat participatif, connaît récemment aux Etats-Unis un « boom ». Le prix de vente de ces logements en habitat groupé, où plusieurs familles ou ménages conçoivent ensemble leur logement où les espaces privés cohabitent avec des espaces partagés, est en nette augmentation, comme le constatait le Cohousing Research Network pour l’année 2017. Un signe de consolidation : le co-housing version américaine n’attire plus seulement des investisseurs, mais aussi de plus en plus de résidents. On dénombre ainsi aux États-Unis environ 300 communautés, ensembles urbains ou périurbains de maisons ou d’appartements avant tout destinés à des revenus médians.
De la vie communautaire à la résidence participative
Ce mode d’habitat, pourtant, est né il y a déjà tout juste cinquante ans, au Danemark. L’architecte Jan Gudmand-Hoyer définit alors le bofaellesskap (« communauté ») comme le chaînon manquant entre l’utopie et la maison mono-familiale. D’abord expériences de vie communautaire, ni petits villages ni simples copropriétés, les projets de co-housing essaiment en Europe du Nord et finalement aux Etats-Unis, dès la fin des années 1980, grâce à deux architectes ayant étudié au Danemark. Ceux-ci, proposant aujourd’hui des résidences participatives réservées à une clientèle fortunée, décrivent le co-habitat comme un simple projet de vie en commun dans un environnement plus pratique et plus social qu’à l’accoutumée. Les principes démocratiques sont “la” caractéristique commune aux projets immobiliers de co-housing : entre résidants, les décisions sont le plus souvent prises sur le mode du consensus.
Le succès du co-housing – y compris en France, où un réseau de professionnels s’est constitué au début des années 2010 – n’est pas dû en priorité à sa dimension communautaire, mais au fait qu’il apporte des « réponses pragmatiques à des besoins sociétaux (services du quotidien, économies d’argent ou d’énergie, accessibilité) ». Telle est la conclusion d’une vaste recension réalisée par l’urbaniste néerlandais Lidewij Tummers, de la Faculty of Architecture and the Built Environment de la TU Delft, sur plus de trente ans d’initiatives à l’échelle européenne. Aux Pays-Bas, Tummers est bien placé pour constater la très grande variété des projets d’habitat participatifs : il y observe de véritables éco-villages, des Collective Private Commissionings, adaptations des Baugruppen (« groupes de construction ») berlinois, néo-hippies et mettant l’architecte au cœur du projet, ou encore les plus répandus Centraal Wonen, formés par des associations de cinq à huit co-propriétaires mettant en commun cuisine et/ou jardin.
Un immobilier sans développeurs et sans ingénieurs ?
Mais peu importe sous quels avatars se matérialise le co-housing : le travail de Tummers conclut surtout qu’il pourrait avoir un impact déterminant sur le développement immobilier urbain en Europe et dans le monde, car il renverse structurellement les règles du jeu. Avec le co-housing, en effet, « les groupes de résidents confrontent les urbanistes et les ingénieurs à une stratégie innovante visant à obtenir un design urbain plus diversifié, régi par la demande et non plus par l’offre »., Institutions et grands acteurs de l’immobilier, en conséquence, ne pourront que s’adapter. Dans les batailles pour bâtir « les infrastructures du quotidien », l’habitat participatif mais aussi le planning coopératif se posent ainsi en alternative au business-as-usual. L’urbaniste britannique Dan Hill ne dit pas autre chose : selon lui, l’accès à la propriété coopérative, une propriété locale, partagée, civique et portée autour d’ambitieux objectifs environnementaux, se dresse comme une iconique « nouvelle façon de développer des propriétés […] quasiment sans l’aide des développeurs immobiliers ». Et sans ingénieurs, non plus ? Les acteurs traditionnels sont en tout cas là aussi invités à s’adapter, face à une production qui se dessine open source, en réseau et citizen-driven. Les projets se multiplient, d’OpenStructures à WikiHouse, y compris à l’échelle de la ville (FabCity). Plus si radical qu’à l’époque où il est né, le co-housing a la cinquantaine heureuse.