Si les modalités de la transition énergétique font l’objet de bien des débats, l’industrialisation des filières, au-delà des arbitrages propres à chacune d’elles, est sous-tendue par un même postulat : il faudra demain produire davantage d’électrons qu’aujourd’hui. « Les projections de RTE tablent pour 2050 sur une part de l’électricité portée à 55% de l’énergie finale totale. Il va donc falloir augmenter très sensiblement les volumes de production électrique », a souligné Greg De Temmerman pour introduire la discussion.
Autre postulat : aucune source d’énergie ne suffira, seule, à concilier cette poussée productive avec les objectifs de la Stratégie nationale bas-carbone. Il faut contribuer aux objectifs de l’Accord de Paris. La seule réponse possible est dans le mix énergétique bas-carbone.
100 000 emplois à créer en 10 ans dans l’hydrogène
Les compétences, voilà un sujet essentiel pour le secteur de l’hydrogène. Ses entreprises, qui comptent 5 800 collaborateurs, doivent créer 100 000 emplois dans la décennie à venir. Sacré pari pour une filière qui recense plus de 80 métiers, dont 17 déjà en forte tension ! Elle n’a cependant pas le choix, si elle veut honorer les desseins nationaux. En 2020, le gouvernement a prévu de débloquer pour le secteur un budget de 7,2 milliards d’euros sur dix ans. «Avec les dernières annonces des pouvoirs publics, l’enveloppe dépasse même les 10 milliards d’euros», a précisé Philippe Boucly, Président de France Hydrogène.
«L’hydrogène est désormais reconnu comme une technologie stratégique pour l’avenir de l’Europe.» (Philippe Boucly, Président de France Hydrogène)
14 nouveaux EPR d’ici 2050
Alors que la France mise sur la construction de 14 nouveaux EPR d’ici 2050, la filière de l’atome doit négocier un virage d’autant plus décisif que les atermoiements politiques de ces vingt-cinq dernières années ont engourdi la performance d’un secteur qui pèse malgré tout 50 milliards d’euros et emploie 220 000 personnes. «Nous sommes à un carrefour, a résumé Olivier Bard, Délégué Général du GIFEN, le syndicat professionnel de l’industrie nucléaire française. Récemment encore, le mot d’ordre était au renouvellement du parc, aujourd’hui il s’agit à la fois d’amorcer dès que possible la construction des premiers réacteurs pour une mise en service en 2035, et de prolonger la durée de vie des sites de quarante à soixante années, voire au-delà.»
Pour réussir son passage à l’échelle industrielle, la filière nucléaire doit relever deux défis. D’abord, celui de l’excellence opérationnelle, pour ne pas réitérer les débordements cumulés dans la construction de Flamanville. «Nous avons lancé un programme, baptisé “Match”, qui vise précisément à consolider les plans de charge, les partager, les traduire en volumes et déterminer les besoins de déploiements sur le territoire», souligne Olivier Bard. Autre défi, celui des talents. Les acteurs de la filière devront recruter 10 000 équivalents temps plein par an durant les dix années à venir.
«L’industrialisation de la filière nucléaire est d’autant plus nécessaire que nous entrons dans une période de libéralisation du marché de l’électricité.» (Olivier Bard, Délégué Général du GIFEN)
Les ENR en pointe à travers le monde…mais très en retard en France !
Un soutien politique qui, selon Jérôme Billerey, Directeur General chez Qair France, fait injustement défaut à la filière des énergies renouvelables. «Le renouvelable est à ce jour le moyen le plus économique de produire de l’énergie. Or, si l’on veut ne serait-ce que soutenir le développement de l’hydrogène, il faudra inévitablement mobiliser des énergies capables de produire un mégawatt à prix raisonnable.»
La France présente deux atouts majeurs pour le déploiement des énergies renouvelables : un réseau électrique extrêmement maillé et un mix très ouvert, intégrant éolien, solaire, biomasse, géothermie, énergies marines. «En 2022, pour la première fois, le solaire et l’éolien ont produit davantage d’énergie que le gaz, le pétrole et le charbon en Europe. La France doit vite franchir le pas de l’industrialisation», a soutenu Jérôme Billerey.
«Le chantier du renouvelable avance plus vite au Brésil, en Pologne, en Espagne ou en Allemagne qu’en France.» (Jérôme Billerey, Directeur General chez Qair France)
Voilà bien là l’un des paradoxes avec lesquels doivent composer les filières : la nécessité de prendre à très court terme des décisions qui vont engager les économies sur le long terme. Un défi mais aussi une opportunité pour « les champions industriels français, dont certains ont été des précurseurs mondiaux dans le domaine énergétique et dont on peut espérer qu’ils réussiront de nouveau à ouvrir la voie » ainsi que le conclut Sylvianne Villaudière, vice-présidente de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale.
Prochains événements du cycle
16 mars 2023 – Efficacité et circularité, leviers pour la transition énergétique
18 avril 2023 – Coût, financement et mesures de la transition énergétique au cœur des territoires
16 mai 2023 – Transition énergétique, risques et opportunités pour la renaissance industrielle française
