Les sociétés de télécommunication, futures opératrices de la smart city ? Dans une récente interview à Bloomberg, Tim Hoettges, directeur général de Deutsche Telekom, développe sa vision des nouveaux métiers des “telcos”, qui les placent au coeur de la ville intelligente. Ces compagnies ne se limiteront plus à la gestion de l’infrastructure réseau et à la vente de forfaits ; elles veulent désormais « participer aux solutions ».
Illustration à Hambourg, la deuxième plus grande agglomération allemande, où les parkings sont récemment devenus « intelligents ». Deutsche Telekom (DT) y a en effet lancé en janvier 2018 une mise à jour de son application Park and Joy. L’app, mise en service à l’automne 2017, permettait jusque-là à l’utilisateur de payer sa place de parking. Désormais, en traitant des données calendaires, météorologiques et issues du réseau de DT, elle prédit où il aura le plus de chances de trouver une place. L’application, qui se veut utile pour le citoyen (qui met en moyenne 20 minutes à trouver une place à Hambourg) comme pour pour la ville (afin d’éviter les ralentissements dues à ce trafic inutile), sera déployée dans d’autres grandes villes allemandes.
Avec ces parkings intelligents, Deutsche Telekom inaugure un modèle économique original qui correspond aussi à un souhait de l’industrie télécom de jouer un « rôle central dans la smart city ». Plusieurs autres acteurs des infrastructures réseau, tel Nokia, se positionnent ainsi sur le créneau des plateformes IoT à destination de la ville intelligente. « Notre écosystème change vers un modèle où nous prenons une participation dans le revenu généré par les solutions ; la connectivité n’est plus qu’une petite fraction de ces solutions industrielles », analyse ainsi Tim Hoettges. Park and Joy est ainsi typique de ces « solutions » et services auxquels des acteurs tels que DT veulent « participer ». Ainsi, à Hambourg, DT ne facture pas à la ville le réseau et les capteurs qu’il installe, mais prend une part directe des revenus générés par l’infrastructure, via les plateformes logicielles type Park and Joy. Les retombées, de fait, seront conséquentes : le seul marché des parkings intelligents est estimé à 35 milliards de dollars d’ici 2022, chiffre qu’il faut au moins tripler pour trouver les revenus que générera la smart city.
Si les retombées attendues sont importantes, les investissements, en attendant, sont massifs : DT a dépensé 12 milliards d’euros en infrastructures en 2017. Outre la fibre optique, l’opérateur allemand déploie en Allemagne son réseau NB-IoT (pour narrowband IoT), l’un des standards possibles pour les réseaux de l’Internet des objets. A Hambourg, 100 capteurs ont déjà été déployés, on en dénombrera au total 10 000 d’ici fin 2019. DT devrait même achever la couverture de l’ensemble de ses territoires européens dès la fin 2018* : le marché envisagé est bien plus vaste qu’un parking à Hambourg…
* Utilisant une bande étroite, le réseau NB-IoT transmet les données à faible débit mais consomme peu d’énergie et coûte moins cher que ses alternatives ; il apparaît comme particulièrement adapté pour le développement de services requérant des capteurs intelligents. Il pourrait être déployé en France par Orange, et l’est déjà à l’étranger par des acteurs français comme Veolia pour ses solutions de gestion connectée de déchets (via Huawei).