Voyageurs mais pas pollueurs : quelles solutions ?

Alain Sauvant
Le transport de voyageurs est fortement émetteur de gaz à effet de serre. Favoriser l’accessibilité aux services de transport pour plus d’équité, assurer le confort à travers un service compétitif et sensibiliser les voyageurs pour encourager l’évolution des usages sont autant de pistes pour accélérer la décarbonation des déplacements des personnes.

La France comptabilise près de 1000 milliards de voyageurs kilomètre par an. Un chiffre qui augmente d’environ 1 à 2% par an. Or, les transports représentent 31% des émissions de gaz à effet de serre et les 2/3 proviennent du transport de voyageurs où la voiture règne en maître avec plus de 80% de part modale. Deuxième poste de consommation des ménages derrière le logement, le transport pèse ainsi pour 15% des dépenses des foyers. Une charge importante qui pourrait être allégée notamment en développant la multimodalité.

Les trajets intermédiaires, l’angle mort de la mobilité

« Si la multimodalité existe pour les trajets de proximité et de longue distance (elle a d’ailleurs permis d’accompagner 50 ans de prospérité), curieusement, elle n’a pas été développée par les politiques publiques pour les déplacements longs de la vie quotidienne, c’est-à-dire entre 10 et 30 km », constate André Broto, expert des questions de mobilité et ancien directeur de la stratégie et de la prospective de VINCI Autoroutes, intervenant du colloque « Décarboner les transports : où et comment agir ? » organisé le 16 octobre par Leonard, La Fabrique de La Cité, l’École des Ponts ParisTech, le lab recherche environnement VINCI ParisTech et l’Hémicycle. « Il existe pourtant des bonnes pratiques en matière de multimodalité sur cette classe de distance intermédiaire. La région de Madrid par exemple a développé 350 lignes d’autocars sur 7 autoroutes radiales, 25 lignes de cars express par corridor et des TER avec des lignes de métro circulaires. Ce système assure le transport de 800 000 passagers par jour sur 17 km ».

Renforcer la multimodalité en France

L’Autorité de la qualité de service dans les transports (AQST) a mené une étude comparative en France, en Allemagne et en Espagne sur la fréquence des transports collectifs (bus, cars et transports ferroviaires) et sur leur amplitude, c’est-à-dire la longueur entre la première et la dernière solution de mobilité utilisées. Alain Sauvant, directeur de l’AQST, relève que « en matière de fréquence, on est à plus de 10 par jour en Allemagne et en Espagne, quand on est à moins de 3 en France. Sur l’amplitude, on est à 12h chez nos voisins alors qu’on est à moins de 5h chez nous ». Manifestement, les possibilités concrètes de déplacement en transports collectifs sont encore limitées pour les français. La multimodalité pourrait être davantage développée dans notre pays en renforçant les correspondances entre transports collectifs.

Une complémentarité à valoriser entre axes routiers et ferrés

Un autre frein à la multimodalité en France selon le directeur de l’AQST est le manque de parkings relais en France. « Cela est certainement dû à des questions de gouvernance avec le morcellement des communes », analyse Alain Sauvant. « C’est aussi dû à la crainte de concurrencer la voie ferrée », ajoute André Broto.  Un exemple vertueux est celui de Voiron et de ses 30 petites communes avoisinantes, où 40% des résidents optent pour les transports en commun. Ces localités ont adopté l’intermodalité en raison de la diversité des options offertes (comme les TER, les cars express et le covoiturage). Ainsi, pour réussir la transition climatique, l’accent doit être mis en premier lieu, selon l’expert, sur l’accessibilité et l’équité. Il est essentiel de concevoir un modèle de développement offrant des services adaptés, comprenant des hubs multimodaux, des lignes RER M, des voies réservées et des installations de chauffage dans les gares routières, entre autres. Autant d’initiatives qui devrait faciliter l’évolution des pratiques de déplacement.

Faire émerger de nouveaux usages

La question du changement de comportement et d’usage du public est centrale. Adrien Tahon, directeur Europe de BlaBlaCar, nous rappelle que 76% des voyageurs déclarent ne pas avoir d’alternatives à la voiture et estime que sa société a commencé à contribuer à l’évolution des usages. « Je pense qu’on a réussi à faire émerger un vrai covoiturage de ville à ville. Désormais, on s’attaque aux déplacements contraints du quotidien entre 10 et 50 km. On a enfin un cadre règlementaire qui a été mis en place en 2019 avec la Loi d’orientation des mobilités qui donne des compétences aux collectivités territoriales pour s’emparer du sujet du covoiturage et qui permet aux entreprises de mettre en place des budgets dédiés avec le forfait mobilité durable. (…) Ainsi, BlaBlaCar a fait plus que doubler le nombre de trajets du quotidien entre 2020 et 2023 (…) avec plus de 500.000 nouveaux conducteurs et conductrices qui ont commencé à covoiturer ». L’autosolisme est-il en passe de devenir une pratique du passé ? De toute évidence, les usages évoluent et l’accès à la mobilité collective ou partagée se développe dans les zones peu denses, comme pour les trajets longs du quotidien.

"Décarboner les transports, où et comment agir ?" : les explications d'André Broto from VINCI Autoroutes on Vimeo.

"Décarboner les transports : où et comment agir ?" : les explications d'Alain Sauvant from VINCI Autoroutes on Vimeo.

"Décarboner les transports : où et comment agir ?" : le message d'Adrien Tahon from VINCI Autoroutes on Vimeo.

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