Depuis le début des années 2010, les constructeurs de poids lourds travaillent sur ces convois routiers nouvelle génération : des camions se suivant à quelques mètres et équipés de logiciels de conduite automatisée et connectés en temps réel (Wi-Fi, GPS et radar). Poisson-pilote et suiveurs autonomes forment ainsi un peloton, supervisé depuis un centre de pilotage. Cette synchronisation permet d’optimiser la conduite (freinage et accélération) et les trajectoires (aérodynamisme) pour rendre le transport routier de marchandise plus sûr et moins consommateur d’énergie. Les premiers tests effectués par les laboratoires de recherche dès 2014 laissaient apercevoir des impacts prometteurs sur la consommation énergétique, avec des économies d’essence en moyenne de 6 à 7%. Avec les systèmes automatisés d’évitement des collisions, la sécurité s’avère être l’autre grande priorité des constructeurs et des autorités. Sont avancés des chiffres de 35 à 70% de réduction des collisions et des comportements non-sûrs.
D’après la feuille de route de l’Union européenne en la matière, les progrès technologiques des prochaines années, la standardisation – y compris pour des véhicules de marques différentes – et l’ajustement des infrastructures routières devraient rendre possible l’utilisation du platooning sur les routes européennes d’ici 2023, sans que celui-ci ne requière d’autorisations spécifiques.
Les constructeurs automobiles et de poids lourds, réunis en consortiums tels qu’”EcoTwin” (constructeurs DAF Trucks, TNO, NXP et Ricardo), tablent quant à eux sur une technologie utilisable à grande échelle dès 2020. Aux États-Unis, les premiers tests sur les voies publiques ont été autorisés courant 2017 et sont menés, dans une petite dizaine d’États, par les constructeurs Daimler, Navistar et Volkswagen. Acteurs financiers mais aussi technologiques (Intel, Nokia, Lockheed Martin) et énergétiques (BP) investissent eux aussi dans le platooning.
Les législations permettant aux véhicules suiveurs de rouler sans aucune intervention humaine pourraient toutefois se faire attendre plus longtemps. C’est pourtant ce degré d’autonomie qui légitimerait les investissements consentis – qui sont pourtant lourds, à l’image de l’enveloppe de 700 millions de dollars versée par Uber pour acquérir la start-up Otto. Certains nouveaux entrants tentent, en attendant, de gagner la bataille technologique ; c’est le cas de la société californienne Peloton Technology, qui a réalisé une importante levée de fonds à la mi-2017 et qui a annoncé un lancement commercial pour 2018 voire 2019. Même s’ils ont besoin d’objectifs très ambitieux pour attirer les investisseurs, les nombreux nouveaux entrants sur le marché naissant du platooning ne communiquent pas nécessairement sur l’autonomie complète : le système de communications vehicle-to-vehicle (V2V) utilisé, garantit ainsi Peloton Technology, n’élimine pas le contrôle humain des véhicules.
Autre point de frottement : l’Académie des Sciences américaine, qui estime pourtant que le platooning sera la première application liée aux véhicules autonomes, a posé début 2018 la question de sa soutenabilité pour les infrastructures. Les passages répétés de trains de poids lourds pourraient induire l’usure accélérée des routes sur les parcours concernés. Aucune étude à ce jour n’a toutefois permis de quantifier un tel impact, qui pourrait, s’il était confirmé, i rendre nécessaire une réévaluation globale de l’état des routes et des infrastructures, en particulier des ponts routiers (dont 60 000 sont jugés déficients aux Etats-Unis). Mais la concurrence entre les États américains, qui voient un bénéfice économique à autoriser le platooning sur leurs routes, pourrait accélérer la dynamique. La généralisation de l’équipement des poids lourds en technologies V2V était souhaitée par l’administration Obama – et elle n’a pas encore été enterrée par son successeur.