Plus d’usines, moins de carbone : une équation délicate

L’usine du futur se veut connectée et écologique. Si la promesse est belle, un certain nombre de freins limitent encore sa réalisation.

Les débats sur la réindustrialisation conduisent naturellement au sujet de la forme que prendront les usines à l’avenir. L’usine du futur, telle que la décrivent les industriels et les professionnels de la prospective, se caractérise principalement par l’introduction de technologies numériques au sein des processus de production. On désigne – en particulier en Allemagne – les très nombreuses applications qui en découlent par terme “d’usine 4.0”. Internet Industriel des objets (c), fabrication additive, optimisation des processus par intelligence artificielle, jumeaux numériques, maintenance prédictive, contrôle qualité automatisé ou intégration connectée de la supply chain sont aujourd’hui ses principaux avatars. Les gains de productivité et la réduction des coûts permis par ces usines restent encore très discutés, le choc des compétences qu’elles provoquent également. Mais à l’heure de l’urgence écologique, c’est peut-être leur capacité à réduire l’impact global de l’industrie sur l’environnement qui semble devoir faire consensus.

 

Des usines plus vertueuses pour l’environnement

En termes de technologies, l’usine du futur semble pouvoir s’appuyer sur un large éventail d’innovations à même de réduire son empreinte environnementale, en limitant la production de déchets et la consommation d’eau ou les émissions de CO2. La production d’énergie “verte” est notamment, au cœur des enjeux et permet d’ imaginer des synergies inédites, dans une logique d’urbanisme plus circulaire.

L’usine Renault de Tanger produit ainsi 92% de son énergie à partir de biomasse, via des grignons d’olive issus de la fabrication d’huile. Incubée chez Leonard, la jeune société GreenDeed propose une solution complète d’accompagnement des  projets d’efficacité énergétique dans l’industrie, de la conception du projet à l’ingénierie financière. Une mission importante car selon l’ADEME, le potentiel d’efficacité énergétique de l’industrie française s’élève à 20% ! Au-delà de l’efficacité, la récupération de l’énergie fatale est en plein développement. À Dunkerque, les hauts-fourneaux d’ArcelorMittal chauffent déjà 6 000 logements grâce au réseau de chaleur géré par Dalkia.

Dans les procédés de fabrication, les solutions technologiques liées à l’usine du futur sont également également porteuses de promesses. Grâce à des imprimantes à projection de poudre métallique, GE Aviation et Safran ont ainsi réussi à réduire d’un quart le poids de leurs moteurs et à optimiser leurs émissions. Une multitudes de startups – comme InUse, Energiency… – s’appuient aujourd’hui sur l’IoT et les données pour optimiser les procédés industriels. Enfin, la supply chain bénéficie d’un certain nombre d’innovations susceptibles de rationaliser les opérations et de diminuer leur impact. Les Transport management Systems (TMS) permettent ainsi d’optimiser la gestion des flottes. Hiboo, startup intégrée au programme Catalyst en 2020 chez Leonard, propose une optimisation globale de l’utilisation du matériel de chantier, appuyée sur les données d’usage. L’enjeu est tel que les Arts et Métiers proposent une unité d’expertise dédiée intitulée “Efficacité énergétique pour l’usine du futur”.

 

Des technologies disponibles, un déploiement laborieux

Reste à déployer ces approches à grande échelle – ce qui n’est pas encore acquis. McKinsey parle de “purgatoire du projet pilote » pour désigner l’incapacité des industriels à appliquer les principes de l’industrie 4.0 à grande échelle. A cela s’ajoute une focalisation sur la productivité et la réduction des coûts, encore prioritaires sur l’environnement. Malgré la prise de conscience et la disponibilité des solutions, seuls 13% des dirigeants estiment pouvoir réduire “de manière importante” leurs émissions carbone dans les 5 prochaines années selon une étude de BPIfrance.

Le chemin vers la neutralité carbone risque pourtant de devenir une véritable licence d’opération pour les industriels, confrontés à des régulations de plus en plus strictes et à des taxes carbone de plus en plus élevées (114€ par tonne en Suède, où la taxe est la plus élevée au monde). En guise d’inspiration, le BCG donne quelques exemples d’entreprises ayant réussi le tour de force d’une décarbonation rentable. Bentley a ainsi réussi à réduire la consommation d’énergie de son usine de 14% grâce à sa stratégie d’optimisation de son système d’approvisionnement énergétique. En Suède, Coca-Cola estime que l’utilisation de palettes recyclables devrait réduire les coûts de 700M$, tout en réduisant les déchets produits de 25%. Chez Tata Steel, la mise à profit de l’intelligence artificielle dans la gestion du chauffage du fer brut a permis de limiter les coûts de 50M€ par an… Quelques exemples qui dessinent un chemin attractif pour une réindustrialisation plus compatible avec les enjeux environnementaux d’aujourd’hui.

Cet article a été publié dans le cadre de la newsletter Leonard de décembre 2021 : « Relocalisations, réindustrialisation : quelle renaissance industrielle dans les territoires ? ». Retrouvez cette Newsletter dans son intégralité ici et abonnez-vous pour recevoir les prochaines en suivant ce lien.

 

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