L’allongement de la vie professionnelle, a fortiori dans les métiers à plus forte pénibilité, réinterroge les politiques de la santé et de sécurité travail. Dans ce deuxième épisode de la Saison 2 du podcast « Des mondes à construire », dédiée aux nouveaux enjeux de santé et de sécurité dans le secteur du BTP et des infrastructures, Olivier Mériaux (Plein Sens) invite les entreprises à anticiper et prévenir ces risques dans un contexte en forte évolution.
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Les enjeux de santé au travail évoluent avec les transformations économiques, techniques, sociales et sociétales, rappelle le consultant. Alors qu’au XIXème siècle, les environnements industriels soumettent les ouvriers à des tâches physiques, souvent pénibles et fortement mécanisées, les organisations du travail nées de la servicialisation de l’économie au mitan du XXème siècle, vont générer des normes et des prescriptions, provoquant la sur-sollicitation et la perte d’autonomie d’employés soumis à une charge mentale de plus en plus pesante. La conséquence de cette évolution est bien connue : l’explosion, au début du XXIème siècle, des risques psycho-sociaux.
Accumulation des situations contraignantes
« Les facteurs qui déterminent la capacité à rester en travail en bonne santé sont toujours la résultante d’un parcours professionnel », explique Olivier Mériaux, directeur des études et synthèses chez Plein Sens, cabinet de conseil spécialisé dans les relations et les organisations du travail. La multiplication des situations contraignantes laisse des traces définitives, qui, si elles ne sont pas toujours immédiatement perceptibles, finissent par altérer la santé, la qualité de vie et la capacité de travail, parfois jusqu’à l’invalidité. Dans les métiers à forte pénibilité, comme les opérations du BTP, c’est généralement à mi-carrière, dès 45 ans, que l’on voit se présenter l’addition. Et en général, il est déjà trop tard pour agir sur les causes profondes.
Mais le déroulement en bonne santé des parcours professionnels ne renvoie pas qu’à des paramètres individuels. Il est aussi le fruit d’un environnement collectif. L’existence d’une culture de la solidarité entre les équipes de travail, par exemple, aura un impact sur les représentations sociales véhiculées dans l’entreprise et, par ricochet, sur les leviers de préservation de la santé mobilisés.
Le piège du critère d’âge
L’allongement de la vie au travail vient encore complexifier la donne. Comment les entreprises peuvent-elles aider les travailleurs les plus âgés à préserver leur santé tout en prolongeant leur carrière, alors même que cette prolongation les expose davantage à l’usure professionnelle et à un vieillissement prématuré ? La réponse tient dans un paradoxe : il faut éviter de raisonner en termes d’âge. « Mieux vaut développer des organisations accueillantes pour tout le monde, départies des qualités ou des faiblesses prêtées aux personnes selon qu’elles soient plus jeunes ou plus âgées », souligne Olivier Mériaux.
Oublions l’âge, et réfléchissons à la fois du point de vue de la santé et du point de vue des compétences, pour créer des conditions permettant aux personnes qui le souhaiteraient de continuer à travailler. La facilitation des démarches de reconversion professionnelle, si elle demande des moyens et une ingénierie en ressources humaines adaptée, constitue ici un levier des plus intéressants.
En tout état de cause, les entreprises ne doivent pas enfermer leur action dans le traitement des seules situations d’urgence. Le maître mot d’une politique de santé au travail, a fortiori dans un double contexte de pénibilité et d’allongement de la vie professionnelle, est sans doute l’anticipation. Celle-ci appelle un diagnostic métier par métier, prenant en compte toute la complexité des enjeux et leur interaction dans la durée. Les dispositifs de santé au travail ne doivent pas davantage se réduire au champ de la pénibilité physique. «Le phénomène d’essoufflement, voire d’épuisement professionnel, est au moins aussi important», insiste Olivier Mériaux.