Comment les entreprises peuvent et doivent-elles répondre à des exigences inédites formulées par leurs salariés ? Et quels risques prendraient-elles à ne pas s’emparer de ces questions ? Dans cet épisode du podcast sur les nouveaux enjeux de santé et de sécurité dans le secteur du BTP et des infrastructures, René Amalberti, professeur retraité du Val de Grâce, docteur en médecine et en psychologie cognitive et directeur actuel de la FONCSI, Fondation pour une culture de la sécurité industrielle, explique en quoi la notion de qualité de vie au travail a évolué et devrait évoluer davantage encore demain.
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«Le monde change, c’est une évidence. Sur le plan technologique, mais aussi dans le rapport au travail. Le Covid a ici profondément accéléré cette transformation», rappelle René Amalberti. Sous la pression conjuguée des crises sanitaire et environnementale, de l’explosion numérique et de l’évolution de la structure démographique, le périmètre de la notion de qualité de vie au travail s’est sensiblement élargi. Son étendue dépasse désormais de loin la seule mise en conformité réglementaire des organisations, pour embrasser des dimensions plus intimes, subjectives et même symboliques.
Face à des marchés de l’emploi tendus, tout l’enjeu de la qualité de vie au travail porte sur la capacité des entreprises à attirer et fidéliser les compétences. Un enjeu d’autant plus tangible dans les métiers de la construction, où le besoin en techniciens et ingénieurs va devenir criant.
«La qualité de vie touche à l’attractivité des entreprises qui ont besoin de recruter des compétences de haut niveau ; elle touche au leadership relationnel et au management, elle touche aux outils visant l’organisation de la flexibilité du temps. Bref, elle touche à tout ce qui n’avait pas tellement bougé depuis vingt ans. Il y a donc là un vrai défi pour les entreprises», explique René Amalberti.
Concilier vie personnelle et vie professionnelle
Parmi les grands marqueurs d’évolution de la relation au travail, le scientifique cite en priorité le souci partagé d’une conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle. Une exigence devenue très forte, qui interroge nécessairement l’organisation des temps de travail. Avec la gestion de la pandémie, le télétravail s’est rapidement et massivement développé dans les usages et fait aujourd’hui partie des instruments obligés des politiques managériales. Il demeure pourtant relativement inégalitaire car incompatible avec de nombreuses fonctions opérationnelles. Dans les métiers de la construction, dont beaucoup demeurent inéligibles aux modes distantiels, il s’agit dès lors de jouer sur d’autres leviers, comme l’organisation de la semaine de travail, ou encore la souplesse horaire. L’objectif étant toujours de libérer de la disponibilité pour permettre aux salariés de répondre, si nécessaire, aux aléas et aux contraintes de leur vie personnelle.
Outre cette flexibilité dans l’organisation des temps travaillés, la qualité de vie au travail renvoie aussi aujourd’hui à des dimensions plus intimes de relation des individus au management. Le rapport à la hiérarchie n’est plus le même qu’il y a dix ans, a fortiori au sein de jeunes générations réfractaires à des modèles verticaux et unilatéraux d’autorité. Les salariés ont besoin d’être non seulement reconnus, mais estimés. Ils projettent sur leur propre travail des critères d’utilité et de valeurs sociales.
L’intergénérationnel au cœur des enjeux managériaux
Le défi est d’autant plus grand pour les entreprises qu’elles doivent également anticiper de nouveaux équilibres générationnels. «Dès 2025, nous allons voir les manifestions de l’allongement de la durée de vie au travail, avec de plus en plus de gens âgés qui resteront en entreprise», note René Amalberti. L’intergénérationnel va devenir une composante importante de la qualité de vie, notamment en termes de modes de management. Le leadership devra être plus explicatif et moins hiérarchique ou statutaire.
Mais attention, met en garde le directeur de la FONCSI, la réponse aux aspirations et attentes individuelles, si elle est importante, doit composer avec l’absolue nécessité de préserver la dimension collective du travail, qui constitue la condition première et vitale du fonctionnement des organisations. Le maintien d’un modus vivendi partageable par tous, la création de dynamiques collectives d’engagement, passent par la valorisation des richesses propres à la culture de chaque entreprise.
Dans ce podcast nous avons donné la parole à des experts qui apportent un éclairage nouveau sur un sujet que le groupe de travail de prospective, piloté par Leonard à l’initiative de VINCI, explore dans le rapport « Santé, sécurité et prévention : risques émergents dans les métiers de la construction et de la gestion d’infrastructures » → Découvrir le rapport